Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 16h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

Je voudrais d'abord adresser mes sincères remerciements à Mme la rapporteure pour l'esprit de coconstruction dont elle a fait preuve dans l'examen de cette proposition de loi et bien sûr remercier les deux membres du Gouvernement présents au banc pour leur volonté constante de mieux protéger nos enfants, tout en respectant les principes constitutionnels.

Cette proposition de loi consacre un combat de plusieurs décennies. J'aimerais pour cela remercier l'ensemble de la société civile, le tissu associatif, les acteurs de terrain – que vous avez encore rencontrés ce matin, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État – , mais aussi les parlementaires engagés depuis de nombreuses années sur cette question, comme ma collègue Santiago, qui vient de s'exprimer.

Cette proposition de loi tente de répondre à un constat : en France environ deux enfants par classe sont victimes d'inceste ou de pédocriminalité ; 81 % des violences sexuelles commencent avant 18 ans, la première agression survenant en moyenne à neuf ans, au moment du CM1. Dans 94 % des cas, elles sont commises par des proches.

Ces chiffres sont terrifiants : la politique pénale, mais aussi les politiques publiques de façon générale doivent y apporter des réponses. Victor Hugo écrivait que toutes les violences avaient un lendemain : les siècles passent mais cette vérité semble ne jamais vaciller.

Lorsqu'une société veut être dans la culture de la protection, il lui faut anticiper par le repérage systématique, construire des outils opérationnels utilisables par tous les professionnels qui travaillent jour après jour avec les enfants pour pouvoir recueillir leur parole. Édouard Durand, juge pour enfants et coprésident de la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, rappelle que l'on recommande souvent aux victimes de violence, qu'elles soient adultes ou enfants, de parler, mais ne serait-ce pas d'abord à la société de parler ? C'est aux professionnels en contact avec les enfants de déceler les signaux, à la société tout entière de ne plus détourner le regard de ces enfants maltraités.

La commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, mise en place par vous, monsieur le secrétaire d'État, réalisera une grande enquête de victimation afin de libérer la parole et mieux comprendre les mécanismes à l'oeuvre. Les travaux feront l'objet d'un rapport intermédiaire dans un an. Ils devront également permettre d'élaborer une véritable politique publique pour lutter contre ces violences. Je salue cette initiative tout en appelant de mes voeux la mise en place de mesures préventives avant même que cette commission rende ses recommandations, comme ce fut le cas par exemple de la mise en place, dès novembre 2020 au niveau national, d'un numéro d'appel unique pour les pédophiles.

L'objet de cette proposition de loi est de poser des interdits clairs et de renforcer l'arsenal législatif pénal permettant de mieux protéger les mineurs victimes de violences sexuelles. Elle visait à l'origine à créer un nouveau crime sexuel sur mineur de 13 ans, de façon à poser dans le code pénal un interdit sociétal clair de manière à mieux protéger les jeunes adolescents contre les violences sexuelles qui peuvent être commises par des adultes.

L'article 4 ter permet d'allonger le délai de prescription de l'action publique du délit de non-dénonciation de crime ou de délit sexuel commis à l'encontre de mineurs, ce que je salue tout en proposant d'aller plus loin au travers d'un amendement que je défendrai.

Dans un communiqué de presse du 9 février 2021, monsieur le garde des sceaux, vous nous faisiez connaître la volonté du Gouvernement de porter à 15 ans le seuil de non-consentement et à 18 ans en cas d'inceste. Les amendements du Gouvernement, adoptés en commission, permettent au texte de concrétiser vos annonces. Ils élèvent notamment à l'âge de 15 ans le seuil de non-consentement à ce qu'on appellera désormais un viol, même lorsqu'il a été commis sans violence, menace, contrainte ou surprise. Un écart d'âge de cinq ans est fixé afin d'éviter la criminalisation des relations consenties avec de très jeunes majeurs. Les actes bucco-génitaux sont explicitement assimilés à une pénétration, afin d'éviter des jurisprudences malheureuses telles que l'arrêt du 14 octobre 2020 de la Cour de cassation. Enfin, une infraction autonome d'agressions sexuelles sur mineur de 15 ans est également créée avec ce même écart d'âge comme garde-fou.

Plusieurs sous-amendements déposés par les trois groupes de la majorité ont permis d'améliorer le dispositif en commission. Le groupe Agir ensemble se félicite de ce travail en commun sur des questions à la fois techniques sur le plan du droit et sensibles sur le plan humain. La protection des mineurs contre les violences incestueuses ne pouvait pas être restreinte aux actes commis par des ascendants. La rédaction finalement retenue permet d'élargir l'incrimination aux personnes ayant autorité de droit ou de fait.

L'inceste est une violence sexuelle particulière. C'est un crime généalogique qui désinstitue le sujet, qui lui ôte sa place dans la famille, dans sa génération. Nous prenons en compte cette dimension afin de protéger véritablement les mineurs victimes.

Cette proposition de loi traite de nombreux sujets, et cinq minutes sont bien insuffisantes pour les aborder tous, mais nous serons au rendez-vous avec plusieurs amendements afin de participer avec humilité et détermination à la protection de ces innocences en danger, de ces enfants, garants de la continuité du monde.

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