Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 16h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Après l'adoption à l'unanimité par l'Assemblée nationale, le 18 février, de la proposition de la loi de notre collègue du groupe socialiste Isabelle Santiago renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, ce nouveau texte, à l'initiative de la sénatrice Annick Billon et inscrit à l'ordre du jour par la majorité, retient le principe d'infractions spécifiques sanctionnant les violences sexuelles infligées par des majeurs à des mineurs de 15 ans ou de 18 ans en cas d'inceste commis par un ou une ascendante.

Bien que tardive – des avancées auraient été possibles dès 2018 lors des débats sur la loi dite Schiappa – , l'évolution de la majorité et de l'Assemblée dans son ensemble est bienvenue. Rappelons-le, les enfants sont les principales victimes des violences sexuelles : chaque année, 130 000 filles et 35 000 garçons subissent viols et tentatives de viols, venant s'ajouter aux 94 000 femmes et 16 000 hommes majeurs. Quatre-vingt-un pour cent des violences sexuelles commencent avant 18 ans, 51 % avant 11 ans, 21 % avant 6 ans.

Il est donc heureux que nos assemblées se saisissent de la protection des mineurs victimes de violences sexuelles. Néanmoins, en l'état, le texte dont nous débattons aujourd'hui reste, à nos yeux, insuffisant.

Je souhaite m'attarder sur le choix des éléments constitutifs pour retenir la qualification de viol : le progrès que constituait la suppression de la violence, la contrainte, la menace et la surprise est aussitôt annulé par l'instauration de la nouvelle condition d'un écart supérieur à cinq ans, laquelle affaiblit la protection des enfants âgés de treize et quatorze ans. En effet, un même acte de pénétration, qu'elle qu'en soit la nature, ou un acte bucco-génital, commis par un jeune adulte de dix-huit ans sur un ou une enfant de quatorze ans, ne pourra pas être considéré comme un viol au sens de l'article 1er de la proposition de loi. Il pourra l'être aux termes de l'actuel article du code pénal si et seulement si la victime peut prouver son non-consentement. Cela nous ramène au problème posé par la définition actuelle du viol dans le code pénal. Pour y remédier, notre amendement propose une nouvelle définition de l'infraction dans laquelle les éléments constitutifs tels que violence, contrainte, menace et surprise sont supprimés, ceci afin d'affirmer clairement dans la loi que c'est le non-consentement qui différencie un viol d'une relation sexuelle et non une quelconque circonstance, laquelle est de surcroît considérée parfois pour d'autres infractions comme aggravante et non constitutive.

Les multiples tentatives législatives pour préciser ces notions ne font que souligner le caractère central du non-consentement dans la définition, mais en tournant autour du pot. De notre point de vue, il faut aujourd'hui le mentionner clairement.

Ce débat nous donne également l'occasion de renforcer la protection des lanceurs et lanceuses d'alerte. Dans un rapport vieux de près de vingt ans mais qui reste éminemment d'actualité, le rapporteur spécial du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, Juan Miguel Petit, regrettait les sanctions infligées aux lanceurs d'alerte par le conseil de l'ordre des médecins et l'indifférence judiciaire à l'égard des violences sexuelles sur les mineurs depuis l'affaire d'Outreau ; il soulignait également la nécessité de mesures plus fortes de protection.

Outre le déficit constant en matière d'accueil ainsi que d'accompagnement médico-social et juridique des victimes de violences sexuelles, nous continuons à déplorer le fait que l'action législative et gouvernementale se concentre sur l'infraction, ce qui est pour le moins contradictoire avec l'objectif de protéger les enfants contre les crimes sexuels, qui suppose une intervention en amont.

Le manque chronique de moyens pour lutter efficacement contre les violences est de notoriété publique : depuis la formation des professionnels en contact direct ou indirect avec les enfants – enseignant, médecin scolaire, éducateur, policier, magistrat, psychologue – jusqu'aux actions de prévention pour empêcher les passages à l'acte de potentiels auteurs en passant par l'éducation des enfants elle-même. Le Gouvernement a annoncé dernièrement son intention de consacrer 4 millions d'euros sur deux ans à la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, installée en décembre dernier. Si vous faites le calcul, cela représente au plus 1 euro par victime…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.