Intervention de Alexandra Louis

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 21h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Louis, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

L'amendement no 163 vise deux objectifs auxquels je suis défavorable. En premier lieu, vous souhaitez élargir le périmètre de l'inceste. Nous l'avons déjà fait au début du texte, en incluant les grands-oncles et les grands-tantes. Vous ajoutez les demi-frères et demi-soeurs, mais ils sont déjà concernés, puisque la notion de frère et de soeur les inclut – nous l'avons rappelé tout à l'heure. Vous ajoutez aussi les cousins, sans autre précision ; or, à mesure qu'on remonte les degrés de parenté, nous sommes tous cousins les uns des autres. Il faudrait au moins préciser qu'il s'agit des cousins germains.

Ensuite, vous levez la condition d'autorité pour que l'auteur puisse bien se rendre coupable de viol incestueux. J'ai beaucoup réfléchi sur ce point, car votre mouvement est finalement assez logique ; mais je vous demande de bien comprendre la réflexion à l'oeuvre dans les articles que nous écrivons. Il s'agit d'imputer automatiquement une culpabilité à un majeur du simple fait de la minorité de la victime. Nous sommes tous d'accord, je n'y reviens pas : entre un individu de 45 ans et un enfant de 14 ans, il y a un auteur responsable et un enfant innocent. Mais dans les affaires d'inceste, et singulièrement d'inceste collatéral avec un âge de consentement de 18 ans, les choses ne sont pas si claires. Entre une soeur de 18 ans et un frère de 16 ans, êtes-vous vraiment convaincus que c'est la soeur qui est automatiquement coupable pour la simple raison qu'elle a deux ans de plus ? Êtes-vous certains que c'est elle qu'il faut envoyer aux assises du seul fait de sa majorité ? Je suis désolée, c'est une certitude que je n'ai pas. Dans les affaires qui impliquent des collatéraux, on ne peut pas se dispenser de regarder les faits pour voir qui a forcé l'autre. Il n'y a que dans les cas où il y a une autorité, c'est-à-dire chez un père, un oncle, un beau-père, que la responsabilité de dire non est clairement préétablie. Mais il est vrai qu'il y a beaucoup de situations particulières. Nombre de psychologues expliquent que dans les relations incestueuses entre collatéraux, une personne a bien souvent l'ascendant sur l'autre, et les premières apparences peuvent parfois être trompeuses. Seul un examen très précis des faits permet de prendre une bonne décision. C'est pourquoi, là encore, il faudra faire confiance, en l'espèce, aux magistrats.

Avec ce texte, nous donnons pour la première fois de notre histoire une véritable consécration à l'inceste dans le code pénal.

J'ajouterai quelques éléments de réponse sur l'amendement no 210 , puisque la notion de « collatéral », comme celle de « cousin », est trop imprécise pour être retenue. En effet, elle recouvre tous ceux qui partagent avec la victime un ancêtre commun, même si cet ancêtre remonte au Moyen-Âge. Ce n'est pas une considération théorique. En 2010, le législateur avait défini comme incestueux les actes commis au sein de la famille. C'était trop vague, car là aussi, la famille élargie n'a pas de limite. Dans une décision rendue le 16 septembre 2011 à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel avait censuré la loi. Je le cite, parce que c'est important : « S'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille. »

Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.

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