Intervention de Maud Petit

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 21h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Article 4 quater

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Petit :

J'avais déposé un amendement au sujet de l'imprescriptibilité – un sujet dont vous savez tous, dans cet hémicycle, que je le défends depuis longtemps. Or je pense que l'adoption de la rédaction proposée par Gouvernement le fera tomber. Je prends donc la parole en cet instant pour m'exprimer au nom de certaines associations et victimes qui ne comprendraient pas que je n'aie pas pu porter leur parole.

Je voudrais répondre à quelques arguments régulièrement avancés pour signifier qu'il n'y a pas lieu d'aller jusqu'à l'imprescriptibilité, en rappelant tout d'abord rappeler l'avis rendu par le Conseil d'État le 1er octobre 2015 : « Le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider du principe et des modalités de la prescription de l'action publique et de la peine. » Rien ne s'oppose donc à l'imprescriptibilité, d'autant que « ni la Constitution, ni la Convention européenne des droits de l'homme, ne comportent de disposition relative à la prescription en matière pénale ». J'évoquerai aussi l'avis du Conseil de l'Europe qui, dans sa résolution 2330, exhorte tous les États européens à supprimer la prescription.

L'un des arguments qui nous est le plus fréquemment opposé est le caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité qui, en France, est réservée aux seuls crimes contre l'humanité. Or cette exception peut parfaitement être complétée par le législateur pour inclure les crimes, sexuels en l'occurrence, contre les mineurs. Dans le rapport de 2017 de la mission de consensus présidée par Flavie Flament, il est précisé que « la réserve de l'imprescriptibilité aux seuls crimes contre l'humanité était également fondée sur le fait qu'ils pourraient être révélés – et donc poursuivis – longtemps après qu'ils sont survenus, et que, par ailleurs, les victimes pourraient avoir besoin de temps pour être en capacité de porter les faits devant la justice ». Nous savons aujourd'hui que ce critère de temps peut tout à fait s'appliquer aux crimes sexuels contre les mineurs.

Le troisième argument, enfin, concernant la déperdition des preuves, ne peut lui non plus être retenu : dans ces affaires, la majorité des preuves apportées sont des indices graves et concordants, des preuves matérielles ayant par définition une durée de vie limitée.

Pour toutes ces raisons, je voterai l'amendement de notre collègue Isabelle Santiago.

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