Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du mercredi 17 mars 2021 à 15h00
Réforme du courtage — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission mixte paritaire :

Je me demande pourquoi l'urgence est si grande. J'ai toujours trouvé ce texte surprenant : il n'apporte pas grand-chose. Qu'est-ce qui justifie sa présence dans un calendrier parlementaire surchargé ? Personne n'a jamais vraiment répondu à la question. Il s'agit d'instaurer une forme d'autocontrôle par des associations professionnelles, lesquelles ne disposent pas d'un pouvoir de contrôle – c'est compliqué à expliquer.

Le Conseil constitutionnel a annulé, comme cavalier législatif, une disposition introduite par voie d'amendement lors de l'examen de la loi PACTE. Tout cela s'est passé très vite, et le calendrier d'examen de ce texte à l'Assemblée et au Sénat a été vraiment resserré.

Plus fondamentalement, cette proposition pose la question de la pertinence d'un nouvel étage de contrôle de la profession de courtier en assurance et en services bancaires et de paiement. N'aurait-il pas été plus simple et plus économe de s'appuyer, comme cela a été suggéré, sur des outils de régulation qui existent, notamment la procédure d'immatriculation auprès de l'ORIAS ? Il fallait changer l'ORIAS, la pauvre ORIAS, au motif qu'elle n'était pas capable : elle l'aurait été si on l'avait modifiée et qu'on lui avait octroyé davantage de moyens. D'un côté l'ORIAS exerce des activités administratives, de formation, de contrôle de l'information et de diffusion des bonnes pratiques, de l'autre l'ACPR exerce son activité de contrôle : tout cela aurait très bien fonctionné.

À quoi bon revendiquer en permanence la simplification et l'allégement des charges administratives si c'est pour instaurer de nouvelles strates administratives ou para-administratives au détour de chaque nouveau texte de loi ? Tout le monde le dit : nous devrions nous efforcer d'adapter le droit européen en évitant les surtranspositions. Voilà encore une occasion ratée.

Madame la rapporteure, il est certes très important de protéger les consommateurs, tout le monde est d'accord, mais il est tout aussi valable de protéger les citoyens de la complexité administrative. Je ne vois pas pourquoi créer une telle complexité.

Les associations professionnelles agréées qui seront créées suite à l'adoption de cette proposition de loi ne pourront au mieux qu'exercer une part limitée des missions de contrôle de la profession de courtier en assurances. De même, elles seront en mesure d'édicter des recommandations à l'égard de leurs membres pour promouvoir des bonnes pratiques institutionnelles, professionnelles et commerciales mais n'auront aucun pouvoir de contrôle en matière de fourniture de conseils et de pratiques de vente, puisque le droit communautaire interdit qu'un tel contrôle puisse être exercé par des associations professionnelles.

Je regrette également que subsiste un angle mort aussi important que lors du dépôt de la proposition de loi : les acteurs étrangers intervenant sur le marché en libre prestation de services demeureront le plus souvent hors du champ de la nouvelle régulation, puisque leur adhésion aux associations professionnelles sera fondée sur le volontariat. Or on sait bien que la surveillance et le contrôle des acteurs étrangers sont l'un des principaux problèmes et motifs d'inquiétude de la profession.

Une autre disposition, relative à l'encadrement du démarchage téléphonique par les assureurs, avait été introduite par le Sénat. Cette disposition suscitait, dans son état initial, beaucoup de réticences et de l'inquiétude de la part des professionnels, notamment car elle s'étendait aux personnes déjà clientes d'un assureur, ainsi qu'à celles ayant demandé à être contactées pour conclure un contrat.

La CMP a permis de faire évoluer ce point, puisque la rédaction retenue, issue d'un compromis, limite, fort heureusement, beaucoup plus strictement le champ de la nouvelle disposition. Sur la question de la création des associations professionnelles agréées, le fait que le texte demeure figé à la rédaction datant de mai 2019 est parfaitement insatisfaisant. C'est pourquoi je ne voterai pas en faveur de ce texte, qui introduit une complexité administrative supplémentaire, alors que la France a bien besoin du contraire.

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