Intervention de Agnès Thill

Séance en hémicycle du mercredi 17 mars 2021 à 15h00
Justice de proximité et réponse pénale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Thill :

Nos deux assemblées ont fait sur ce texte un travail collectif efficace qui a abouti à une commission mixte paritaire conclusive. Restaurer une justice de proximité permettant de lutter contre les incivilités et la délinquance du quotidien est une nécessité et une urgence pour la France, car tandis que grandit chaque jour la méfiance vis-à-vis d'un pouvoir judiciaire jugé trop lointain, la violence du quotidien s'intensifie, ce qui se traduit en particulier par les attaques dont font régulièrement l'objet les maires, y compris les maires ruraux.

Dans ce contexte, le groupe UDI et indépendants est évidemment favorable aux objectifs de la présente proposition de loi. Nos concitoyens doivent pouvoir compter sur leur justice au quotidien, une justice plus rapide et plus proche, à rebours du sentiment trop souvent partagé d'une justice éloignée.

Nous pensons cependant que, pour remplir pleinement cet objectif, un texte beaucoup plus ambitieux doit être élaboré, qui ne relève plus d'une logique de bricolage dans laquelle les rustines législatives occultent difficilement les profondes lacunes de notre système judiciaire et pénal.

Cela étant dit, le texte proposé par nos collègues du groupe Agir ensemble comporte quelques bonnes mesures d'ordre pratique. Nous adhérons aux deux axes principaux de la proposition de loi : élargir le champ des mesures qui pourront être prononcées comme alternatives aux poursuites et faciliter le recours au travail d'intérêt général.

Le Sénat ayant conservé tout l'esprit de ces dispositions, nous rappelons cependant les quelques réserves que nous avions déjà émises, en particulier le fait que la déjudiciarisation ne peut se concevoir que lorsqu'elle ne porte pas atteinte aux droits du justiciable.

Les ajouts du Sénat ont utilement complété le texte – je pense notamment à la possibilité d'effectuer une transaction avec le maire, ou encore au fait que le dessaisissement de la chose ayant servi à commettre l'infraction ou du produit de cette dernière pourra être réalisé au bénéfice d'une personne morale à but non lucratif.

Enfin, des mesures à visée pédagogique sont toujours les bienvenues, comme la proposition d'effectuer un stage de responsabilité parentale. J'insiste sur ce point car il est important de souligner qu'il peut y avoir d'autres réponses que la sanction pure et simple. Mettre en lumière cette idée est d'ailleurs l'un des atouts principaux de cette proposition de loi. En ce sens, la rapidité ne doit donc pas toujours être l'argument principal des réformes de la justice.

Cependant, des questions demeurent en suspens. Comment interpréter la nouvelle contribution citoyenne instaurée par l'article 1er ? Est-ce une amende déguisée ? Et comment s'assurer de la pertinence du dispositif ?

Quelles sont les garanties de l'effectivité des nouvelles mesures proposées ? Comment s'assurer de l'exécution et du suivi de ces obligations, sachant que les parquetiers ne pourront jamais effectuer cette tâche supplémentaire ?

Enfin, il faut certes simplifier les modalités d'exécution des travaux d'intérêt général, mais cela ne doit pas conduire à leur complète déjudiciarisation.

Comme nous l'avons évoqué lors de la première lecture, le groupe UDI et indépendants votera pour ce texte qui, même s'il ne contient aucune mesure révolutionnaire, va réellement dans le bon sens.

Une fois le vote acquis, toute la question résidera, comme souvent, dans l'application concrète des mesures proposées. En effet, ces mesures exigeront un suivi renforcé et peuvent représenter une charge de travail supplémentaire pour tous les magistrats et auxiliaires de justice.

Qu'en est-il, monsieur le garde des sceaux, des 1 100 recrutements promis, de la création des nouvelles unités médico-judiciaires, de la mise en place des audiences foraines ou encore des nouvelles modalités d'action des délégués du procureur ? La réalisation des objectifs fixés dépend des moyens que l'on se donne pour y parvenir, car avoir des mains pour élaborer des lois est une chose, faire preuve de la volonté suffisante pour les appliquer en est une autre. Il semble en effet que, souvent, le législateur navigue à vue, au gré des mesurettes, sans prendre la pleine conscience des réformes à entreprendre.

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