Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du mercredi 17 mars 2021 à 15h00
Justice de proximité et réponse pénale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Cette proposition de loi, complétée par des ajouts bienvenus du Sénat, facilitera le recours à des mesures plus efficaces et plus justes, aussi bien dans l'intérêt des auteurs que des victimes.

Les mesures alternatives aux poursuites seront favorisées, ce qui désengorgera notre système judiciaire, surchargé. En outre, la moindre infraction devrait désormais faire l'objet d'une sanction véritable, ce qui est une bonne façon de prévenir la récidive. En effet pour des infractions de faible importance, une mesure éducative ou de réparation est plus efficace, non seulement pour l'auteur des faits mais également pour les victimes. Cela permet de lutter contre le sentiment d'impunité que peut éprouver un délinquant lorsque les affaires sont classées sans suite ou qu'elles conduisent à un simple rappel à la loi, et nous considérons particulièrement important que le premier délit commis par un jeune soit sanctionné pour lui signifier clairement que chaque infraction appelle une réponse.

À ce titre, notre groupe est satisfait de la possibilité offerte par le texte de demander à une personne mise en cause de procéder à un don à des associations de victimes afin, à la fois, d'aider ces associations et de faire prendre conscience à l'auteur d'un délit de la portée de son acte.

Dans la même veine, notre groupe accueille très favorablement l'introduction d'un article permettant que les biens confisqués aux bandes criminelles reviennent aux citoyens, notamment aux associations. Il s'agissait d'une disposition figurant à l'origine dans la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, texte dont la navette parlementaire tarde malheureusement à aboutir. Notre collègue de Corse, Jean-Félix Acquaviva, fait partie de ceux qui la réclament pour donner une plus grande visibilité à la lutte contre les bandes qui gangrènent l'économie de certains territoires : en Sicile par exemple, les villas des mafieux ont été transformées en centres culturels, ce qui est un symbole particulièrement fort.

Un autre axe de cette proposition concerne la simplification des règles relatives à l'exécution des travaux d'intérêt général, les fameux TIG, qui devrait permettre de réduire leur délai d'exécution. Les TIG seront effectués dans un délai plus proche de l'acte, ce qui facilitera psychologiquement l'effet éducatif de la mesure. De plus, il sera possible d'associer directement les maires à leur exécution, ce qui nous semble très utile. Les maires eux-mêmes le demandent. En tant que figure d'autorité appréciée dans les communes, ils seront à même, surtout auprès de jeunes fautifs, de faire comprendre leurs actes aux auteurs, par exemple en leur faisant réparer le matériel dégradé.

L'ajout du Sénat consistant à intégrer le travail non rémunéré dans l'expérimentation permettant d'effectuer les travaux d'intérêt général au sein du secteur de l'économie sociale et solidaire va, lui aussi, dans le bon sens : travailler dans une structure oeuvrant positivement pour la société permet véritablement de réparer le tort que l'on a pu causer à celle-ci.

Nous souhaitons toutefois vous alerter, comme souvent, sur la question des moyens alloués à ces mesures positives, et à la justice en général. Les travaux d'intérêt général ne représentent actuellement que 7 % des peines prononcées ; le manque de disponibilité des magistrats et des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation pour démarcher les lieux de TIG et assurer leur suivi pourrait expliquer cette situation. Par ailleurs, seuls 21 000 postes de TIG étaient ouverts au début de la pandémie et le contexte sanitaire a fait diminuer le recours à cette forme de peine, alors que l'objectif affiché par le Gouvernement était de 30 000 postes en 2022.

De plus, alors que nous discuterons vendredi dans l'hémicycle d'une proposition de loi dont le but est de doter les détenus d'un droit de recours effectif leur permettant de dénoncer des conditions de détention indignes de la condition humaine, il me paraît important d'insister sur le fait que le développement des peines alternatives peut être un moyen de lutter contre la surpopulation carcérale massive dans notre pays et contre les conditions de détention inhumaines qui en résultent. Avant les libérations de détenus décidées du fait de la pandémie, le taux d'occupation des maisons d'arrêt atteignait 138 % ; il doit être aujourd'hui de 122 %. Cette situation est la conséquence d'une politique pénale qui met beaucoup de monde en prison sans que nous disposions de la capacité d'accueillir ces personnes dans des conditions dignes. Les peines alternatives pourraient contribuer à mettre en adéquation les jugements rendus et la possibilité d'enfermer les personnes.

Si la proposition de loi ne constitue pas une révolution du système des peines, elle se concentre sur les plus petites affaires, lesquelles ne donnent souvent pas lieu à incarcération, et contribue à la transformation progressive de notre système judiciaire par la mise en place de mesures plus efficaces. Le groupe Libertés et territoires votera donc pour ce texte, qui va incontestablement dans le bon sens. Bravo à notre rapporteur !

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