Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Constituant un prolongement du Ségur de la santé, la présente proposition de loi porte dans son titre même une ambition forte : simplifier notre système de santé. Simplification et confiance, voilà une rengaine qui, de l'ESR – enseignement supérieur et recherche – à l'école en passant par l'organisation de la vie publique, n'a rien perdu de sa prime fraîcheur !

Trêve de plaisanterie : je le dirai d'emblée, cette proposition de loi ne répond en rien aux problèmes pourtant graves qui se posent à notre système de santé, dont la crise pandémique a mis en lumière la robustesse, certes, mais aussi les failles et les dysfonctionnements. Là encore, il s'agit avant tout de gérer une pénurie de moyens financiers et humains, une pénurie organisée de longue date et devenue chronique, une pénurie qui ne cesse de fragiliser et de compliquer une prise en charge de qualité pour toutes et tous.

Il faudrait pourtant rompre radicalement avec cette vision délétère de notre santé publique, celle du « new public management » et du sempiternel mantra du « faire mieux avec moins » dont les groupements hospitaliers publics sont la traduction. Faute d'une trajectoire budgétaire à la hauteur des enjeux, la couverture médicale ressemble à une peau de chagrin…

Sur ce point, les articles 3 et 4 ne sont pas pour nous rassurer. Ils concernent la simplification de la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers qui, pour répondre aux besoins pressants de certains territoires, risque à terme de faciliter la casse du statut national. Ainsi, il en sera fini d'un recrutement par voie de concours national qui, ouvrant droit au statut de praticien hospitalier, conforte leur indépendance et facilite les possibilités de mutation et d'évolution de carrière. En confiant le recrutement du personnel aux directeurs au détriment du centre national de gestion, on ouvre la porte à la précarisation de toute la profession.

Certes, il y a des éléments positifs ici ou là. Il en est ainsi de l'élargissement du droit de prescription accordé à certains acteurs médicaux et paramédicaux, notamment aux sages-femmes qui y trouvent une véritable reconnaissance de leur profession. La reconnaissance du rôle joué par les unités fonctionnelles au sein des hôpitaux serait aussi une avancée si elle était accompagnée d'une véritable démocratisation du mode de désignation des chefs de service, c'est-à-dire une élection par leurs pairs et non plus une nomination par le seul directeur, laquelle les place de facto à la discrétion de ce dernier.

En matière d'organisation globale du service hospitalier, il eût été plus à propos de repenser le fonctionnement du conseil de surveillance, notamment à l'aune de ce qui fut jadis le conseil d'administration : une instance regroupant les représentants de l'ensemble des professionnels et des usagers, dotée d'un véritable droit de veto sur le budget annuel et le projet d'établissement, présidée par un élu local dont tout un chacun a pu constater et saluer le rôle essentiel pendant la crise.

Autre point qui suscite la colère de ceux qui sont attachés au droit à la santé, reconnu par notre Constitution : la possibilité offerte aux médecins libéraux, officiant dans certains établissements de santé pourtant garants d'une mission de service public, de procéder à des dépassements d'honoraires. Cette véritable régression, confirmée en commission, motivera le dépôt d'un amendement par notre groupe.

Quant aux articles 1er et 1er bis AA, ils ont connu des fortunes diverses, au gré des remaniements successifs du texte. L'ouverture de la pratique avancée aux infirmiers anesthésistes va dans le sens d'une meilleure prise en compte de leur métier et expérience. Cependant, des inquiétudes persistent au sein de la profession concernant leur éventuel rattachement aux infirmiers aux pratiques avancées, qui se traduirait par diverses minorations : formation moins poussée, pas de concours, moins d'heures, hétérogénéité territoriale uniquement universitaire et non hospitalo-universitaire.

Si la proposition d'une mise en place de rapports d'information relatifs à la création des auxiliaires médicaux semble une mesure de sagesse, nous restons cependant vigilants quant au risque de créer une médecine à deux vitesses, qui rétablirait en quelque sorte les officiers de santé du XIXe siècle.

Enfin, il est un aspect du texte qui me tient particulièrement à coeur : celui qui touche à la santé scolaire, et plus précisément à la situation des infirmières et des infirmiers scolaires. Le texte introduit la notion de coordination au sein de futurs ensembles médicaux regroupant infirmiers, médecins scolaires et assistants sociaux. Outre la mise en place d'un service médico-centré et les inquiétudes exprimées par les infirmiers scolaires d'une possible subordination hiérarchique au sein de ces futurs ensembles, on peut craindre qu'il ne s'agisse, là encore, que d'une gestion de la pénurie. Nous craignons que les infirmiers scolaires n'accomplissent finalement les tâches des médecins scolaires.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe La France insoumise voteront contre le présent texte.

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