Intervention de Marc Fesneau

Séance en hémicycle du jeudi 25 mars 2021 à 9h00
Musées d'orsay et de l'orangerie — Discussion générale

Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne :

Permettez-moi de saluer Louis Giscard d'Estaing, qui a siégé sur ces bancs, et à travers lui toute la famille du président Giscard d'Estaing.

Je vous prie de bien vouloir excuser la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui, pour les raisons que vous savez. Comme Mme Rabault et d'autres avant moi, je lui adresse tous mes voeux de prompt rétablissement – je crois que nous les partageons. Soyez assuré qu'elle est attentive est impliquée dans l'avancement de ce dossier.

Je remercie le groupe UDI et indépendants, son président, et l'auteur de cette proposition de résolution, Yannick Favennec-Bécot, de l'avoir inscrite à l'ordre du jour de leur journée réservée. Elle trouve chez moi un écho particulier, politique, pour les raisons que vous pouvez imaginer, qui ont déjà été soulignées par Jean-Paul Mattei et bien d'autres, tant il y a ici d'héritiers de Valéry Giscard d'Estaing.

Ajouter le nom de l'ancien président de la République à celui du musée d'Orsay est de l'ordre du symbole. N'oublions pas qu'en grec ancien, le mot « symbole » signifie « ce qui rassemble ». Or face à la crise et à ses conséquences, rien n'est plus important que ce qui rassemble et fédère. L'histoire et les grands hommes, le patrimoine et les musées, la culture et l'action publique sont des ciments précieux pour faire front ensemble. Ajouter le nom de Valéry Giscard d'Estaing à celui du musée d'Orsay, c'est rendre hommage à un président qui n'a cessé de réformer pour préparer l'avenir.

Au-delà des réformes sociales majeures que vous connaissez tous et qui ont transformé notre société – certains les ont citées – , son septennat a été scandé par des initiatives importantes dans le domaine de la culture et de l'audiovisuel dont nous sommes, aujourd'hui encore, les héritiers. Je pense d'abord à la suppression de l'ORTF – Office de radiodiffusion-télévision française – en 1974 et à la création de sept sociétés autonomes composant l'audiovisuel public. Cette réforme modernisatrice ne fut pas seulement une refonte, mais bien un moment fondateur pour la libéralisation de l'audiovisuel public ; elle s'est effectuée sans négliger les missions de service public qui sont les siennes, ni la création musicale.

Je pense également à sa volonté constante d'ouvrir les lieux de culture au plus grand nombre. Souvenons-nous que c'est sous son septennat que fut organisée en 1977 la journée portes ouvertes du palais de l'Élysée, qui devait devenir en 1980 les Journées du patrimoine, moments de rassemblement populaire que les Françaises et les Français se sont appropriés au cours des dernières années et que nous continuons de célébrer.

Il faut également citer son implication personnelle dans le projet d'urbanisme culturel pour le quartier de La Villette, avec l'implantation de la Cité des sciences et de l'industrie, vaste espace d'exposition consacré aux sciences et aux techniques, rejoints plus tard par la grande halle de la Cité de la musique. Projet éminemment moderne, la Cité des sciences et de l'industrie n'a pas seulement métamorphosé un quartier de Paris : elle a également permis d'approfondir le dialogue entre recherche scientifique et recherche culturelle.

La volonté de réforme du président Giscard d'Estaing a durablement marqué l'action du ministère de la culture et a conduit à la contractualisation culturelle entre l'État et les collectivités territoriales, avec notamment l'extension du bénéfice de la sécurité sociale aux artistes et auteurs en 1975 et la réforme du classement et de la fiscalité cinématographique.

Ajouter le nom de Valéry Giscard d'Estaing à celui du musée d'Orsay, c'est également rendre hommage à un président qui, mû par l'histoire, n'a cessé de préparer la France à l'avenir. De tous les champs culturels, c'est le patrimoine qui a le plus retenu l'attention du président Giscard d'Estaing, personnellement passionné par le sujet et soucieux d'offrir aux Françaises et aux Français des éléments de stabilité dans une période marquée par les conséquences économiques et sociales de la première crise pétrolière. La culture comme force de stabilité et de rassemblement face aux bouleversements du monde : l'analogie avec l'époque que nous vivons est frappante.

Plusieurs projets majeurs trouvent leur origine sous sa présidence : le musée Picasso dans le 4e arrondissement, que Pascal Bois – entre autres – a cité, ainsi que les musées de Cherbourg, de Troyes, de Villeneuve d'Ascq, de Guiry-en-Vexin ou encore d'Orléans – Valéry Giscard d'Estaing, à la fois homme d'État et élu local, savait toute l'importance que revêt la culture pour l'attractivité d'un territoire. Bien évidemment, la décision culturelle la plus marquante de ce président moderne fut de faire de l'ancienne gare d'Orsay un grand musée du XIXe siècle, ou plus exactement de la période 1848-1914, afin que soient rassemblées en un seul lieu des collections éparses et jusqu'alors mal valorisées, comme l'a justement souligné Constance Le Grip.

La décision est prise en octobre 1977 et l'établissement public est créé l'année suivante. C'est également en 1978 que le bâtiment est classé monument historique. Les travaux scientifiques et architecturaux n'aboutissent qu'en 1986, année de l'inauguration du musée d'Orsay par François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing. La réunion des deux présidents constitue un énième témoignage du dépassement des clivages par les arts, comme l'écrivait François Mitterrand dans l'invitation adressée à Valéry Giscard d'Estaing, que vous avez citée. Mme Rabault a évoqué une continuité historique qui est aussi une continuité esthétique : je trouve la formule très juste.

Le projet du musée d'Orsay est l'oeuvre d'un visionnaire et votre proposition de résolution invite à lui rendre hommage. Valéry Giscard d'Estaing connaissait peut-être la remarque prophétique du peintre Édouard Detaille, que Pierre-Yves Bournazel a citée ; s'il l'ignorait, il l'a de toute évidence accomplie. Le bâtiment lui-même, que chacun connaît, était une gare désaffectée, dont les trains avaient autrefois conduit – notamment – vers le Loir-et-Cher, autre territoire d'élection de Valéry Giscard d'Estaing et de sa famille, et que je connais bien. Faute d'une longueur de quais suffisante pour accueillir les trains électriques, elle avait à plusieurs reprises été menacée de démolition. Comme M. Chassaigne l'a justement souligné, cela aurait constitué une injustice à notre héritage industriel commun. Privée d'usage et de sa valeur, elle a abrité diverses activités telles qu'un centre de tri postal, des ventes aux enchères ou une compagnie de théâtre. Le musée d'Orsay apporte la preuve définitive que l'audace alliée à la ténacité peuvent inverser le cours des choses : nous le devons à Valéry Giscard d'Estaing.

Après la disparition de l'ancien président de la République, le 2 décembre dernier, de nombreuses réactions ont salué son parcours et la marque qu'il laisse dans notre histoire ; de multiples personnalités élues, dont les cinquante-deux signataires de la proposition de résolution, ont rapidement appelé à lui rendre hommage en associant son nom à celui du musée d'Orsay.

Sous l'autorité du Président de la République, le Gouvernement a engagé une réflexion en ce sens, en lien avec la famille de Valéry Giscard d'Estaing – son épouse et ses enfants – , ainsi qu'avec l'association regroupant ses amis, représentée par l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Plusieurs options sont à l'étude, comme par exemple changer l'adresse du musée d'Orsay en baptisant l'esplanade « Valéry Giscard d'Estaing » ou, mieux encore, comme vous le suggérez, compléter le nom de l'établissement public des musées d'Orsay et de l'Orangerie.

La phase d'instruction des différentes hypothèses est pratiquement achevée. Le Président de la République et la ministre de la culture devraient être en mesure d'annoncer la décision dans les prochaines semaines. Conséquence de l'adoption de cette proposition de résolution, la représentation nationale figurera naturellement parmi les premiers informés.

Valéry Giscard d'Estaing souhaitait rassembler deux Français sur trois. En vous écoutant ce matin, avec le recul historique, je songeais que c'est autour de ce qui est essentiel qu'une nation peut faire cause commune, et je me trouvais heureux de voir que ce matin, sa volonté est réalisée, et même au-delà. Je vous en remercie.

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