Intervention de David Corceiro

Séance en hémicycle du vendredi 26 mars 2021 à 9h00
Investir pour mieux saisir confisquer pour mieux sanctionner

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Corceiro, Dem :

La législation sur la saisie et la confiscation des avoirs criminels est restée longtemps figée en droit français. Nous n'avons pas la culture de la saisie en tant que sanction dissuasive, mais uniquement dans un objectif de conservation des éléments de preuve. Nous n'avons pas non plus la culture de la confiscation comme une sanction principale ; elle constitue plutôt une peine complémentaire accessoire à la fonction. Progressivement, nous avons évolué pour en faire des éléments à part entière de notre lutte contre les avoirs criminels et la délinquance financière.

Comme vous avez pu le dire, messieurs les co-rapporteurs, lors de la remise de votre rapport que je souhaite saluer pour sa qualité et son approche pragmatique, ce sujet est fondamental. Nos politiques publiques s'en sont emparées. Lors des précédentes réformes, l'AGRASC, organe central du dispositif, a vu son action complétée, mais comme l'ont observé nos collègues Jean-Luc Warsmann et Laurent Saint-Martin, cela a engendré des chevauchements avec d'autres structures telles que la PIAC, rattachée à l'office central pour la répression de la grande délinquance financière du ministère de l'intérieur, et la CeNAC, rattachée à la cellule des avoirs criminels de la Direction générale de la gendarmerie nationale.

Depuis sa création il y a dix ans, l'AGRASC a fait l'objet d'une montée en puissance. En 2019, quelque 21 000 affaires ont été traitées pour plus de 250 millions d'euros confisqués aux délinquants et criminels. Au 31 décembre dernier, l'Agence affichait un solde positif de 1,2 milliard d'euros, et 200 millions de dollars. C'est 38 % de plus en trois ans. Toujours en 2020, grâce la revente de biens et de fonds confisqués dans des affaires de proxénétisme ou de traite d'êtres humains, l'Agence a versé 2 millions d'euros au fonds pour la prévention de la prostitution, soit quatre fois plus que l'année précédente. Le trafic de stupéfiants a, lui aussi, alimenté de 18 millions d'euros le budget destiné à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.

Souvent, les délinquants sont plus sensibles à la confiscation de leurs biens mal acquis qu'à une courte peine de prison. La portée dissuasive et pédagogique du dispositif est une réussite. Aussi le groupe Dem est-il favorable à l'idée de développer davantage la culture de la saisie en lui donnant plus de moyens financiers, comme le recommandent les co-rapporteurs. Je pense notamment à l'objectif de créer seize antennes régionales qui, nous l'espérons, pourront voir le jour. Je pense aussi à la nécessité de clarifier les fonctions des différents acteurs de l'identification et de la saisie afin de mener une politique plus offensive et plus cohérente à l'échelle nationale, d'identifier systématiquement les avoirs criminels, l'enquête patrimoniale devant devenir un réflexe, d'améliorer l'efficacité de la saisie et de maximiser les confiscations, d'améliorer les décisions de confiscation et les conditions de redistribution, enfin de créer un dispositif innovant de restitution des biens mal acquis.

Mes chers collègues, notre groupe nourrit quelques interrogations. La première porte sur l'acquisition sociale des biens mal acquis. C'est là l'un des enjeux majeurs de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, déposée par Sarah El Haïry, adoptée à l'Assemblée et bientôt examinée au Sénat. Cette volonté est aussi celle du directeur de l'AGRASC. La loi pourrait permettre à une association de femmes battues, de victimes de proxénétisme, ou encore à un centre de désintoxication de récupérer les murs d'un immeuble anciennement investi par des trafiquants de drogues ou des proxénètes. Ce serait là une véritable « reconquête républicaine », pour reprendre les mots justes de Nicolas Bessone.

La question du reversement des fonds de concours de l'AGRASC, indispensable au bon fonctionnement de ce système vertueux, soulève aussi des interrogations. J'en veux pour preuve les saisies d'avoirs criminels réalisées par la gendarmerie, dont la valeur s'est élevée, en moyenne, à un peu plus de 200 millions d'euros par an au cours des deux dernières années. Pourtant, la gendarmerie n'a été financée par les fonds de concours qu'à hauteur de 1 million d'euros en 2020, soit moins encore que l'année précédente où le financement s'élevait à 1,5 million. Le groupe Dem souhaite que nous adoptions une ligne d'action très claire : donner davantage de moyens financiers aux forces de l'ordre qui réalisent quotidiennement sur le terrain un nombre important de saisies. C'est leur affirmer notre soutien et notre confiance et contribuer à faire de la saisie d'avoirs criminels un levier central du dispositif de lutte contre la délinquance.

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