Intervention de Olivia Gregoire

Séance en hémicycle du vendredi 26 mars 2021 à 9h00
Investir pour mieux saisir confisquer pour mieux sanctionner

Olivia Gregoire, secrétaire d'état chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable :

Le 26 novembre 2019, les députés Jean-Luc Warsmann et Laurent Saint-Martin, que je salue, remettaient aux ministres de la justice, de l'intérieur et des comptes publics un rapport intitulé « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner ». Ce rapport porte, vous l'avez tous rappelé, sur un axe fort de la politique pénale du Gouvernement : comment donner du sens et de l'efficacité à la peine, par le biais des saisies et des confiscations ? En d'autres termes, et selon la formule de Laurent Saint-Martin, comment mieux frapper au portefeuille ?

La mission constate que le cadre législatif est abouti mais que notre dispositif d'identification de saisie et de confiscation des avoirs criminels peut clairement gagner en efficacité. Elle formule aussi trente-quatre propositions d'actions. Il convient donc ce jour, un peu plus d'un an après la publication du rapport, de dresser devant la représentation nationale un premier bilan de ce qui a déjà été fait et de ce qui l'est actuellement.

Ce premier bilan est positif puisqu'un tiers des trente-quatre propositions ont déjà été appliquées – j'y reviendrai – et que d'autres vont l'être très prochainement.

L'organisation de l'action gouvernementale était un vrai sujet. La mission invitait à juste titre les ministères concernés, intérieur, justice et comptes publics, à renforcer la stratégie interministérielle d'appréhension des avoirs criminels : il s'agit de la première proposition du rapport. Cette stratégie est très concrètement en cours de consolidation, sous l'égide de l'AGRASC, qui a fêté, vous l'avez dit, ses dix ans.

L'action gouvernementale s'est améliorée à plusieurs titres. D'abord, le ministère de la justice a engagé avec l'AGRASC un chantier de fond en matière de statistiques, auquel le ministère de l'intérieur a été associé. Ensuite, le réseau des magistrats référents en matière de saisies et confiscations au sein de chaque juridiction de première instance et d'appel s'est attelé à diffuser plus activement les évolutions législatives et jurisprudentielles en matière d'appréhension des avoirs criminels et de gestion des scellés, ainsi que les bonnes pratiques. La direction des affaires criminelles et des grâces rappelle également dans ses circulaires thématiques la priorité qui doit être accordée à l'identification et à la saisie des avoirs criminels en vue de leur confiscation. Enfin, en collaboration avec l'AGRASC, la DACG a procédé à la refonte du guide des saisies et confiscations élaboré en 2015 ; la nouvelle version a été publiée sur son site intranet le 5 janvier dernier, ce qui constitue un outil utile, pédagogique, juridique, technique de référence pour l'ensemble des praticiens.

S'agissant de l'action de l'AGRASC, la mission préconisait un redimensionnement qui s'appuierait sur la création d'antennes régionales, au plus près des juridictions – il s'agit de la proposition no 5 du rapport. Une expérience en ce sens est menée depuis le début du mois : deux antennes régionales expérimentales ont ouvert leurs portes à Lyon et à Marseille, le 1er mars, dans les locaux de la DGFIP. Elles sont composées de quatre agents à Lyon et de six à Marseille, outre un magistrat coordonnateur. Leurs missions sont de trois ordres : identifier et tracer les bien saisis et confisqués ; mieux gérer certains biens meubles saisis ou confisqués en développant les ventes avant jugement et les affectations au service ; agir en soutien et en conseil des magistrats et des enquêteurs, notamment par des actions de formation. À terme le dispositif pourrait être étendu si l'expérimentation s'avérait concluante.

La proposition n°4 était d'assurer « une meilleure cohérence entre les missions de même nature au sein de la PIAC et de l'AGRASC ». Des rencontres régulières ont d'ores et déjà lieu entre ces deux instances pour fixer une doctrine commune d'intervention et une meilleure répartition des missions de formation.

Enfin, dans le but d'étendre la portée des saisies et des confiscations, le rapport formule plusieurs recommandations d'évolutions normatives. La première concerne l'instauration d'une procédure d'enquête post-sentencielle. Aujourd'hui, il est permis d'identifier le patrimoine acquis frauduleusement pour en prononcer la confiscation à l'audience. L'ambition de cette proposition est de permettre l'identification du patrimoine de la personne après la condamnation et ainsi d'exécuter la peine de confiscation lorsqu'aucune saisie n'aura été opérée préalablement. Le Gouvernement approuve pleinement l'idée d'un tel dispositif.

Une deuxième évolution concerne la restitution des biens dits mal acquis. Il s'agit ici de créer un dispositif de retour des biens mal acquis aux populations spoliées, directement ou indirectement. Je souhaitais éclaircir ce point, évoqué par Laurent Saint-Martin. Ce dispositif est d'ores et déjà en cours de mise en ? uvre, après qu'un amendement au projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 19 février 2021. Ce dispositif prévoit d'affecter le produit des biens mal acquis au financement d'actions de coopération et de développement aux populations des pays concernés. Cette avancée nous met en conformité avec nos engagements internationaux et présente une forte dimension symbolique et morale.

Une dernière recommandation vise à étendre les possibilités de statuer sur le devenir du bien meuble avant toute saisie au fond. Le Gouvernement partage là aussi cette analyse : le recours à la vente avant jugement est identifié comme un véritable levier de meilleure efficacité. C'est l'objet de la diffusion imminente d'une dépêche du ministère de la justice rappelant l'apport opérationnel de l'AGRASC au soutien des juridictions.

Vous avez également, mesdames, messieurs les députés, abordé le sujet budgétaire. À ce propos, je souhaitais vous indiquer que la loi de finances pour 2021 a procédé à une évolution majeure : désormais le Parlement suivra le plafond d'emplois, les recettes et les dépenses.

Vous le voyez, que ce soit au plan organisationnel, au plan des expérimentations, mais aussi au plan budgétaire, le Gouvernement s'est pleinement emparé des recommandations ambitieuses de MM. Warsmann et Saint-Martin. Nous avons travaillé activement à faire progresser les réformes, à identifier les voies et moyens de gagner encore plus en efficacité, enfin à donner à l'AGRASC les moyens juridiques et humains d'améliorer l'amplitude et surtout l'efficacité de son action.

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