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Jean-Hugues Ratenon
Question N° 7526 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 17 avril 2018

M. Jean-Hugues Ratenon attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la circulaire du recteur de La Réunion, qui a souvent été vantée pour son « vivre ensemble ». Des personnes de différentes origines (africaine, chinoise, européenne, indienne), de différentes religions (catholique, hindoue, musulmane) et de différentes cultures s'y côtoient en harmonie dans la rue, dans les familles, dans les établissements scolaires sans que cela ne crée de problèmes. Il n'est pas rare de croiser des réunionnais portant la tenue traditionnelle de leur culture (indiennes en sari, mahoraises en salouva,) dans la rue et même dans les écoles sans que cela le leur soit reproché. Aussi, lorsque le recteur adresse une circulaire à tous les chefs d'établissements leur demandant de « veiller à ce que les élèves ne portent pas de signes ostentatoires d'appartenance religieuse ou communautaire (croix, kichali, bindi) », cela suscite un certain émoi, voire choque certains parents d'élèves. À l'origine, le bindi, appelé aussi poutou, est ce point que les femmes indiennes de confession hindoue se mettent sur le front entre les sourcils. Mais, de plus en plus, les femmes et jeunes filles l'utilisent comme un accessoire de mode et n'y voient plus de symbolique religieuse. Le kichali est cette longue pièce de tissu dont les femmes mahoraises. Il ne s'agit pas d'un symbole religieux, mais d'une pièce d'habillement. Cette circulaire du recteur ne se contente pas de rappeler d'appliquer la loi de 2004 sur la laïcité, elle va au-delà de celle-ci et de la Charte de la laïcité à l'école qui interdit « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » sans désigner ces signes ou tenues. En nommant ces signes, cette circulaire ne risque-t-elle pas de stigmatiser des élèves et de perturber l'équilibre permettant ce « vivre ensemble » reconnu, voire envié ? Il lui demande si l'on ne pourrait pas alors reconnaître la spécificité de La Réunion et faire appliquer avec discernement le principe de laïcité dont l'idée n'est pas d'interdire les religions mais de permettre à tout un chacun de vivre la sienne en harmonie avec les autres.

Réponse émise le 14 août 2018

Le principe de laïcité, principe de liberté de conscience, de respect de l'autre est au fondement de l'apprentissage du vivre ensemble. À l'école, ce principe constitutionnel est appliqué selon les dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation qui précise que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. » La loi s'applique à l'ensemble du territoire national, y compris aux départements et régions d'Outre-mer, selon le principe d'identité législative posé par l'article 73 de la Constitution. Le sens de la loi est de concevoir l'école comme un espace d'apprentissage neutre, qui garantit la liberté de conscience de chacun « en préservant les écoles, les collèges et les lycées publics, qui ont vocation à accueillir tous les enfants, qu'ils soient croyants ou non croyants et quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques, des pressions qui peuvent résulter des manifestations ostensibles des appartenances religieuses » ; comme le précise la circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la loi no 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Afin de faire respecter la laïcité à l'école, le ministère se fonde sur un recensement des atteintes au principe de laïcité auxquelles il faut répondre. Il apporte un soutien concret à tous les personnels grâce à un nouveau dispositif constitué de trois instances qui associent des expertises complémentaires. Le conseil des sages, composé d'experts et placé auprès du Ministre, est garant d'une doctrine claire. L'équipe nationale « laïcité et fait religieux », composée des différentes directions du ministère, est en charge de la mise en œuvre des principes, de l'appui aux équipes académiques « Laïcité et faits religieux » et de la coordination nationale. Les équipes académiques placées sous l'autorité du recteur réunissent des expertises disciplinaire, éducative, et juridique. Leurs missions sont de prévenir les atteintes à la laïcité et d'y réagir en apportant des réponses concrètes aux écoles et établissements. À la disposition des équipes académiques et des écoles et établissements, le vade-mecum « La laïcité à l'école », diffusé en juin 2018, rappelle les principes et règles qui s'appliquent dans les écoles et les établissements publics du territoire national, pour favoriser un climat d'apprentissage serein. L'importance de la loi de 2004 a conduit à un travail de clarification des enjeux de l'application de ce qui constitue l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation. Les fiches ressources sur les cas d'application de la laïcité à l'école pour les élèves comportent à cet égard une rubrique sur le « Port de signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Ainsi, il rappelle que selon la circulaire de 2004,  « la loi est rédigée de manière à pouvoir s'appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l'apparition de nouveaux signes, voire à d'éventuelles tentatives de contournement de la loi ». Ainsi, les signes cités dans le courrier du recteur constituent des exemples dans le contexte de La Réunion. Le travail d'explicitation et de transmission de la laïcité et des valeurs de la République, conduit par les équipes « laïcité et fait religieux », se fonde sur des expertises des situations et des interventions en accompagnement des équipes éducatives et pédagogiques des écoles et établissements. L'équipe académique « laïcité et fait religieux » de La Réunion, experte du contexte multiculturel qui caractérise l'île, veille à transmettre et faire vivre la laïcité comme principe garant du respect de la liberté de conscience, dans la vie scolaire comme dans les enseignements. Ainsi, la diffusion de ce courrier rectoral, rappelant explicitement l'exigence de respect de la laïcité, a fait l'objet d'un accompagnement de l'équipe académique, qui a conduit avec les établissements un travail d'explicitation et de dialogue en direction des parents d'élèves, afin de bien faire comprendre le sens de la loi de 2004 et les conditions dans lesquelles elle s'applique à l'école, y compris dans le contexte de La Réunion.

2 commentaires :

Le 24/04/2018 à 17:44, Laïc1 a dit :

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Les rectorats sont infestés par des idéologies malhonnêtes qu'ils habillent ensuite sous forme de "circulaire" pour les faire appliquer à tout le monde, attendu que dans ce pays les circulaires font la loi.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 04/03/2019 à 13:51, Laïc1 a dit :

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" En nommant ces signes, cette circulaire ne risque-t-elle pas de stigmatiser des élèves et de perturber l'équilibre permettant ce « vivre ensemble » reconnu, voire envié ?"

Tout à fait, la fausse laïcité française stigmatise ignoblement les jeunes filles pour leurs habits, qu'ils soient religieux ou non, alors que la loi de 1905 spécifie que la République ne reconnaît pas les cultes, et qu'elle n'a donc pas le droit de savoir si telle tenue est religieuse ou non .

D'ailleurs, la loi de 2004 est totalement anticonstitutionnelle, puisque la République n'a pas le droit de s'informer si telle tenue est religieuse ou non.

Mais c'est vrai que cette loi est soutenue par des associations dites féministes, qui se trompent de combat, et qui, au lieu de défendre la liberté de la femme, ne font qu'attaquer le socle de la République, à savoir la laïcité, qui empêche de faire des distinctions entre les individus pour leurs supposés signes religieux.

On admirera au passage le courage actuel du député Aurélien Taché, qui a essayé d'évacuer la dimension religieuse du voile, comme tout esprit vraiment laïc devrait le faire, en le comparant à un serre-tête. Résultat : convocation au bureau politique des LREM, où les ayatollahs de la fausse laïcité ne manqueront pas de lui apprendre à penser correctement...

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