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Ugo Bernalicis
Question N° 10224 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 3 juillet 2018

M. Ugo Bernalicis appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'usage qui est fait de l'arme de dotation hors service par les forces de police et de gendarmerie. À la suite des attentats du 13 novembre 2015, les personnels de police et de gendarmerie ont été autorisés à conserver leur arme de poing hors de leur service et ce, dans le cadre de l'état d'urgence. En juillet 2016, à la suite du terrible assassinat de Jessica Schneider et de son conjoint le commandant de police Jean-Baptiste Salvaing à Magnanville, la décision a été prise de pérenniser l'autorisation du port d'arme hors du service, en dehors de l'état d'urgence. Cette décision a été prise en vertu de l'arrêté du 25 juillet 2016 portant règlement général d'emploi pour les forces de police et la note du 4 juillet 2016 relative aux conditions de détention et de port de l'armement individuel hors service pour la gendarmerie. Ces décisions d'autoriser les forces de police et de gendarmerie à conserver leur arme à feu en dehors de leur temps de travail ont été mises en place par à-coups, à chaud et en réaction à des attentats terroristes. M. le député tient à souligner son opposition à la généralisation du port d'arme pour les forces de sécurité intérieure et, de façon plus générale, à la prolifération de ces armes. Néanmoins si les gouvernements successifs ont acté ces mesures, il n'en reste pas moins qu'un contrôle démocratique est nécessaire. En ce sens, il est du devoir du ministre de l'intérieur d'informer le plus précisément possible la représentation nationale quant à l'usage qui est fait de l'arme administrative en dehors du service par les personnels de police et de gendarmerie et ce, afin d'interroger la pertinence et la légitimité de ce dispositif. Il tient à signaler que plusieurs policiers ont commis des homicides au moyen de leur arme administrative et en dehors de leur service, comme ce fut le cas en août 2017 à Toulon où un policier a tué deux sapeurs-pompiers avant de se donner la mort (Ouest France du 6 août 2017) ou encore en novembre 2017 à Sarcelles lorsqu'un policier a tué trois personnes et en a blessé trois autres avant de se donner la mort (Le Parisien du 19 novembre 2017). Il ajoute qu'il existe une problématique spécifique concernant les uxoricides. En effet, la presse nationale se fait régulièrement l'écho de tragiques évènements au cours desquels des policiers usent de leur arme administrative en dehors de leur service pour assassiner leur conjointe. Ainsi en février 2016 un policier tue par balles son ancienne petite-amie à Alès (Le Figaro du 27 février 2016), au mois de mai 2017 c'est à Nailly dans l'Yonne qu'une femme de trente ans est abattue par son compagnon (France Bleu du 4 mai 2017). Ce sont autant de situations dramatiques, aux causes multiples et complexes mais qui doivent interroger la pertinence et la légitimité de l'autorisation du port d'arme en dehors du service accordée aux personnels de police et de gendarmerie. Il lui demande de lui communiquer des données précises quant au nombre d'homicides et de tentatives d'homicides commis par un gendarme ou un policier au moyen de son arme de service et en dehors de son temps de travail ainsi que sur l'existence de dispositifs de prise en charge particulière pour les familles et proches des victimes de tels drames.

Réponse émise le 26 février 2019

La question du port de l'arme hors service impose de rappeler que les policiers constituent, dans la fonction publique, une catégorie spéciale du fait du caractère particulier de leurs missions et des responsabilités exceptionnelles qu'ils assument. Ce statut spécial leur impose des contraintes professionnelles, notamment celle d'être disponible même en dehors des heures de travail. Il a été décidé dès le 18 novembre 2015, dans le contexte de l'état d'urgence, la mise en place temporaire d'un régime dérogatoire permettant d'autoriser les policiers à porter leur arme individuelle en dehors de leur service afin de leur permettre de faire face, à tout moment, à des individus armés. Les policiers pouvaient déjà précédemment décider de porter leur arme hors service, soit sur le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail, soit dans le ressort territorial où ils exerçaient leurs fonctions. L'intensification de la menace terroriste et l'assassinat en juin 2016, à leur domicile, de deux agents du ministère de l'intérieur, ont conduit à pérenniser cette possibilité. Le port de l'arme peut désormais s'effectuer sur l'ensemble du territoire et pendant les périodes de repos et de congés. Nullement obligatoire, le port de l'arme répond à un cadre juridique précis, qui fixe plusieurs conditions (déclaration préalable, etc.). Par ailleurs, le policier est tenu de respecter certaines précautions. Il doit en particulier pouvoir être identifiable ès qualités, détenir sa carte professionnelle et un brassard « police ». Concernant la gendarmerie nationale, jusqu'au 19 janvier 2018, les officiers et sous-officiers d'active pouvaient être autorisés à porter leur arme de poing en dotation individuelle en dehors de l'exercice de la fonction selon un processus de demande nécessitant deux niveaux d'avis hiérarchique. Depuis le 19 janvier 2018, tous les officiers et sous-officiers d'active peuvent désormais, par principe et sous réserve de disposer d'une habilitation au port de l'arme dans l'exercice de la fonction, porter leur arme de poing en dotation individuelle hors de l'exercice de la fonction. L'autorisation, par principe, est valable sur l'ensemble du territoire métropolitain ou couvre, pour les militaires affectés outre-mer, le ressort de leur formation administrative. Le port de l'armement, en dehors de l'exercice de la fonction est notamment conditionné par la détention de la carte professionnelle et l'emport du brassard « gendarmerie ». S'agissant du recensement des usages de l'arme individuelle, les informations relatives aux conditions de l'usage des armes sont enregistrées pour la police nationale dans une application dénommée « traitement relatif au suivi de l'usage des armes » (TSUA). Y sont enregistrés les tirs effectués en service, que l'usage de l'arme individuelle ait lieu pendant ou en dehors du temps réglementaire de travail. Aussi, dans l'application, les usages d'arme effectués en dehors du temps de service ne sont pas recensés en tant que tels, puisque tout policier auteur d'un tir opérationnel est légalement réputé être en fonction. Le TSUA ne recense en outre pas les actes d'auto-agression. L'inspection générale de la police nationale (IGPN) dispose de données dans le cadre des procédures judiciaires dont elle est chargée pour des cas d'utilisation dans lesquels existe un doute sur la légitimité du tir. L'IGPN n'est toutefois pas saisie de tous les cas d'utilisation de l'arme, en service ou hors service, la saisine d'un service d'enquête relevant de la décision du parquet. En 2018, l'IGPN a été saisie de 34 dossiers pour des usages d'arme individuelle, dont 2 portant sur un usage en dehors du service (l'un causant 1 blessé lors d'un tir accidentel). S'agissant de la gendarmerie nationale, aucun usage de l'arme individuelle en dehors du service, ayant causé un blessé ou un décès, n'a été recensé. Le ministère de l'intérieur n'entend pas revenir sur cette possibilité. Depuis 2015, les attentats ont coûté la vie ou blessé plusieurs policiers et gendarmes, qui ont de surcroît été à plusieurs reprises les principales cibles d'agressions terroristes. S'agissant du sujet éminemment dramatique et complexe du suicide de policiers ou de gendarmes, l'administration poursuit l'action menée depuis plusieurs années pour s'efforcer de toujours mieux les détecter et les prévenir. Le plan d'amélioration des conditions de travail a été refondé fin 2017 pour devenir le « programme de mobilisation contre le suicide ». Divers groupes de travail, chargés d'en décliner de manière concrète les mesures, ont été mis en place et devraient terminer leurs travaux durant le premier trimestre 2019.

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