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Dimitri Houbron
Question N° 10283 au Ministère des solidarités


Question soumise le 3 juillet 2018

M. Dimitri Houbron interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la question du modèle actuel de l'éligibilité à la pension de réversion. Il rappelle que cette pension est perçue, selon des estimations datant de l'année 2012, par 4,3 millions de retraités dont 90 % sont des femmes. Il constate, au regard des conditions pour percevoir cette pension, que le système est de nature à être à la limite de l'illisibilité et peu compréhensible pour les veuves et les veufs. Il précise que la multiplicité des régimes de retraite, de base et complémentaire, bien qu'elle soit fondée pour répondre aux spécificités des secteurs d'activités, est l'une des principales causes de l'hétérogénéité des conditions d'éligibilités à cette pension. Il ajoute que le système actuel se positionne à la limite de la méconnaissance de l'égalité des droits sociaux. Tout d'abord, il prend pour exemple le régime de base, destiné aux salariés du secteur privé, aux professions libérales, aux artisans, aux commerçants, ou encore aux agriculteurs, qui est le seul à imposer des conditions de ressources. Ensuite, il cite le régime de base destiné aux fonctionnaires qui ne donne plus de droit, à cette pension, aux veuves et veufs qui se remettent en couple (mariés ou non). Enfin, il cite les régimes de retraite complémentaires où l'âge minimal, pour percevoir cette pension, diffère selon les caisses. En conclusion de cet état de fait, il précise être en accord avec les propos tenus par la ministre interrogée qui a déclaré, il cite, « qu'il est nécessaire de remettre à plat cette grande diversité de règles qui conduit aujourd'hui à des grandes injustices entre les Français, qui vont avoir droit à des pensions différentes alors qu'ils sont confrontés exactement au même drame du décès de leur conjoint ». M. le député rappelle aussi que la pension de réversion n'est, à ce jour, possible qu'aux couples liés par un contrat de mariage, et donc pas accessible aux personnes unies par un pacte civil de solidarité (PACS) ou en concubinage. Cette disposition, relative au refus d'accorder une pension de veuf-veuve au compagnon survivant lié par un partenariat civil dans les mêmes conditions que celles prévues pour les couples mariés, fut jugée discriminatoire par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) dans un arrêt rendu le 1er avril 2008. Il précise que la CJCE s'était fondée sur la directive 2000/78/CE relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail qui prohibe un tel refus car il constitue une « discrimination directe fondée sur l'orientation sexuelle ». Bien que la Cour avait prononcé que « la directive exclut de son champ d'application les régimes de sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération », elle avait considéré, dans le cas de la pension de réversion excluant les compagnons, que « la pension de survie découle de la relation de travail du partenaire décédé et doit, en conséquence, être qualifiée de rémunération ». En conclusion, la Cour a jugé que, la distinction faite entre les couples mariés et les couples de même sexe unis par un partenariat civil constitue bien une discrimination en matière de rémunération, au sens de la directive précitée. Bien que le contrat de mariage soit, depuis cet arrêt, possible pour les couples de même sexe ; et que le Conseil constitutionnel a estimé, dans une décision du 29 juillet 2011, que la différenciation de trois régime de vie de couple ne méconnait pas le principe d'égalité relatif à l'éligibilité à cette pension de réversion ; M. le député rappelle que les critères d'obtention à cette pension sont en inadéquation avec les évolutions sociales et économiques de la société française. Il en déduit, à l'appui du constat de l'hétérogénéité des conditions d'éligibilité à cette pension, et de l'exclusion de ce régime des personnes qui n'ont pas été unies par un contrat de mariage, que ces droits sociaux sont déconnectés des profondes mutations socioéconomiques traversées par la société. Il ajoute que ce système est devenu, aux yeux des citoyens, archaïque, injuste, incompris, voire discriminatoire. Un sentiment, fragilisant la légitimité du modèle social français, qui se fonde, par exemple, sur les phénomènes de baisse du nombre de mariages, d'augmentation de familles recomposées, ou encore des politiques visant à encourager la mobilité au sein du marché du travail. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire connaître son avis sur ces questions ainsi que les mesures envisagées par le Gouvernement pour répondre à ces inquiétudes.

Réponse émise le 28 août 2018

L'ouverture du droit à réversion demeure lié à une condition de mariage, l'existence d'une situation de concubinage ou de pacte civil de solidarité (PACS) n'étant pas susceptible d'être prise en compte à cet égard. Les concubins ou les personnes liées par un PACS ne sont en effet pas dans une situation identique à celle des conjoints, notamment du point de vue des obligations respectives entre membres du couple. A titre d'exemple, les partenaires liés par un PACS s'engagent à une aide matérielle et à une assistance réciproque, alors que les conjoints se doivent fidélité, secours et assistance. Dès lors, le législateur peut fixer des règles différentes pour ces catégories de personnes sans contrevenir au principe d'égalité (arrêts du Conseil d'Etat des 28 juin 2002 et 6 décembre 2006). Dans sa décision du 29 juillet 2011 portant sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l'exclusion des couples non mariés de la réversion, le Conseil Constitutionnel a considéré que, compte tenu des différences entre les trois régimes de vie de couple (concubinage, pacs et mariage), la différence de traitement quant au bénéfice de la pension de réversion entre couples mariés et couples non mariés ne méconnaissait pas le principe d'égalité. Cet état du droit est cohérent avec une logique de choix, par l'assuré, de son mode de conjugalité : il peut librement contracter un PACS, un mariage ou être en concubinage, en sachant que, selon les cas, le mode d'union emportera des obligations mais aussi des droits différents. Enfin, le Gouvernement prépare actuellement une réforme d'ensemble de l'architecture globale de notre système de retraites en vue de le rendre plus juste et plus lisible pour les assurés. Les réflexions engagées permettront d'examiner les modalités les plus adaptées dans le futur système pour les pensions de réversion. Afin d'alimenter cette réflexion globale, depuis le 31 mai dernier, le haut-commissaire à la réforme des retraites a lancé une plateforme de consultation en ligne (https://participez.reforme-retraite.gouv.fr/). Chaque citoyen peut ainsi contribuer à construire le futur système de retraite en donnant son avis, en faisant des propositions ou en votant. Il est également possible de suivre toute l'actualité de la réforme des retraites sur le site internet dédié http://reforme-retraite.gouv.fr/.

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