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Mathilde Panot
Question N° 10395 au Ministère du travail


Question soumise le 10 juillet 2018

Mme Mathilde Panot attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la problématique du non-recours à l'ARE (allocation de retour à l'emploi). En effet, certains ministères se sont saisis des enjeux autour du non-recours aux droits, notamment dans la santé ou dans l'assistance sociale. Les faits y sont désormais établis et solidement documentés, permettant d'estimer des taux de non-recours aux droits, et de cerner l'ampleur du phénomène. Cependant, il demeure ignoré dans les politiques d'emploi. Pour mesurer le phénomène, de rares travaux portant sur la période 2003-2006 s'y sont intéressés, estimant à un tiers le nombre d'individus qui ne recourent pas à l'assurance-chômage alors qu'ils y ont droit. Pour l'expliquer, quelques chercheurs ont avancé la déstabilisation régulière des règles de l'indemnisation, les bouleversements induits par la fusion de Pôle emploi, et le passage au tout-numérique. Dans tous les cas, il est établi qu'un nombre très élevé d'individus a cotisé pour s'ouvrir des droits assurantiels, sans en bénéficier ensuite. Cette situation est intolérable à l'heure où le risque de pauvreté chez les chômeurs est de 24 % et celui des inactifs hors retraités de 19 %. De plus, elle rappelle que l'UNEDIC dégage des excédents budgétaires sur sa seule mission d'indemnisation (la convention qui la lie aux frais de gestion de Pôle emploi expliquant à elle seule les dépenses supérieures aux recettes). Elle l'interroge donc sur l'actualité de cette estimation et sur les informations complémentaires qu'elle détient sans doute. Elle insiste sur l'intérêt qu'aurait une enquête publique pour quantifier le phénomène et en comprendre les raisons, ainsi qu'une campagne publique pour y mettre fin.

Réponse émise le 9 juillet 2019

La problématique du non-recours aux prestations chômage renvoie à la situation de toute personne qui ne bénéficie pas – qu'elle qu'en soit la raison – d'une indemnisation chômage ou d'un accompagnement alors qu'elle pourrait y prétendre. Plus précisément, il existe deux cas de non-recours aux prestations chômage : le non-recours indemnitaire (non-recours à l'allocation de retour à l'emploi (ARE) et à l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ) et le non-recours non indemnitaire (non-recours aux dispositifs d'accompagnement d'aide à la reprise d'emploi, d'aide à la formation et d'aide à la création d'emploi). Des progrès ont été faits en matière de recours aux droits concernant la santé ou les minima sociaux. S'agissant du non-recours aux prestations chômage,  il est vrai que ce sujet est insuffisamment documenté, en raison notamment de sa complexité. Le montant des indemnités d'assurance chômage qui ne seraient pas versées alors qu'elles seraient dues à des demandeurs d'emploi n'ayant pas effectué la démarche de s'inscrire à Pôle emploi, a été estimé à 2 milliards d'euros dans l'ouvrage de l'Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE) paru en 2012. Cependant, les droits acquis au titre de l'assurance chômage non utilisés par un demandeur d'emploi qui ne s'inscrirait pas immédiatement à Pôle emploi ne sont pas perdus. Ainsi, lors d'une inscription à Pôle emploi, l'ensemble des droits acquis et non utilisés concernant des périodes de travail précédentes sera pris en compte dans l'indemnisation, dans la limite d'un délai de 12 mois (délai de forclusion). Certains allongements de ce délai sont possibles. En tout état de cause, il convient de mieux mesurer la problématique du non-recours à l'assurance chômage afin d'améliorer l'effectivité et la pertinence de l'offre publique. C'est pourquoi, l'article 32 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit que le Gouvernement remette au Parlement dans un délai de deux ans un rapport sur la réalité et les conséquences du non-recours aux droits en matière d'assurance chômage. Par ailleurs, localement, certaines collectivités territoriales développent des partenariats pour mieux lutter contre le non recours aux droits (création de guichet unique pour mettre en place un premier accueil inconditionnel). La création de maisons France Service, annoncée récemment par le Président de la République, permettra d'offrir un bouquet uniforme de services publics de proximité, afin de mieux informer les usagers sur leurs droits et d'appuyer les initiatives locales en la matière. En outre, la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté permettra d'agir contre le non-recours aux droits en assurant la modernisation de la délivrance de prestations sociales, en veillant à favoriser les échanges d'informations entre acteurs, en rendant automatiques les démarches et en généralisant l'exploration de données pour repérer les bénéficiaires potentiels. L'amélioration de l'accès aux droits et aux services sociaux passera également par la généralisation des accueils sociaux inconditionnels, l'expérimentation de "territoires zéro non-recours" et la mise en place du coffre-fort numérique ainsi qu'un effort accru en matière de médiation numérique, en lien avec la stratégie nationale pour l'inclusion numérique.

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