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Pierre Vatin
Question N° 10488 au Ministère de la justice


Question soumise le 10 juillet 2018

M. Pierre Vatin appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constructions illicites sur des terrains non constructibles. De nombreux Français acquièrent des terrains en zone inconstructible sur lesquels ils bâtissent petit à petit des édifices plus ou moins légers qui se révèlent être, à terme, de véritables habitations reliées aux réseaux d'eau, d'électricité, etc. Les poursuites entamées par les municipalités contre ces constructions illégales se révèlent en pratique très souvent infructueuses. Les décisions administratives ou de justice ne sont que peu ou pas appliquées, si toutefois elles sont prises. Cela peut avoir des conséquences dramatiques. Voici un exemple hélas très fréquent. On laisse bâtir en zone inconstructible, a fortiori en zone rouge d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), des locaux que s'avèrent habités. Qu'advient-il en cas d'inondation provoquant ruine et mort ? C'est le maire de la commune qui est mis devant ses responsabilités et qui risque des condamnations par les tribunaux et la prison alors qu'à son niveau, il a fait tout ce qui était en son pouvoir de maire mais il n'a pas le pouvoir de faire exécuter les décisions administratives ou de justice qui demeurent lettre morte ! Où est l'équité ? Où est la justice ? Il lui serait reconnaissant, dès lors, de lui communiquer les mesures qu'elle entend prendre afin que les décisions ainsi prises soient effectivement appliquées et, ainsi, protègent les élus ayant pris leur responsabilité pour, eux-mêmes, protéger leurs concitoyens des dangers auxquels ils s'exposent.

Réponse émise le 25 juin 2019

Il convient tout d'abord de rappeler qu'aux termes des articles L480-1 et suivants du code de l'urbanisme, les élus locaux sont pleinement impliqués dans le traitement du contentieux de l'urbanisme, disposant de moyens d'action en la matière, tant pour faire constater les infractions dont ils ont connaissance, que pour permettre la mise à exécution des décisions administratives et judiciaires prises dans ce domaine. En effet, en vertu de l'article L480-2 du code de l'urbanisme, le maire peut, notamment en cas de construction sans permis, ou dans une zone interdite, prendre un arrêté interruptif des travaux irrégulièrement effectués. Par ailleurs, l'article L480-2 du code de l'urbanisme prévoit également que le maire peut prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l'application immédiate de son arrêté en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier. En outre, concernant les procédures aboutissant à des poursuites judiciaires, le maire apparaît comme un acteur pouvant jouer un rôle déterminant. En effet, la loi du 18 juillet 1985 a ouvert aux communes la faculté de se constituer partie civile au titre des délits d'urbanisme. L'article L.480-1 alinéa 5 du code de l'urbanisme dispose ainsi que la commune peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits commis sur son territoire et constituant une infraction aux dispositions relatives aux certificats d'urbanisme, aux permis de construire et de démolir, aux modes particuliers d'utilisation du sol, ainsi qu'aux contrôles et vérifications opérées par les autorités administratives. La loi encourage en outre la présence des maires à l'audience puisque l'article L480-5 du code de l'urbanisme prévoit la possibilité pour le tribunal de les entendre. La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a d'ailleurs étendu le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d'urbanisme, pour les infractions commises sur leur territoire. L'article L.480-9 du code de l'urbanisme prévoit enfin qu'en cas de non-exécution de la décision judiciaire dans le délai imparti par le jugement, le maire peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision judiciaire aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol. En conséquence, il apparaît que la loi confère aux élus locaux des prérogatives importantes en ce domaine. Outre les pouvoirs dévolus aux maires, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a modifié le régime des astreintes en augmentant significativement le montant maximal de l'astreinte susceptible d'être prononcée par le tribunal correctionnel, en le faisant passer d'une fourchette de 7,5 à 75 € par jour de retard à un montant de 500 € au plus par jour de retard. L'article L. 480-8 du code de l'urbanisme relatif à la liquidation des astreintes et leur recouvrement par l'Etat est également modifié dans le sens d'un renforcement puisqu'il est mentionné que les astreintes doivent être liquidées « au moins une fois chaque année ». L'ensemble de ce dispositif devrait permettre une mise à exécution efficace des décisions administratives et judiciaires sanctionnant certaines violations des règles en matière d'urbanisme et mettre fin au sentiment d'impunité de certains administrés peu scrupuleux.

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