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Fabien Di Filippo
Question N° 10500 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 10 juillet 2018

M. Fabien Di Filippo alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la nécessité de rendre obligatoires les prélèvements ADN avant inhumation des anonymes, ceci afin de s'assurer qu'aucune personne portée disparue ne soit enterrée sous X. Chaque année, plusieurs centaines de personnes sont inhumées sans avoir pu être identifiées et sans que rien ne permette une identification ultérieure. On en dénombre 300 par an à Paris, et on estime leur nombre total à près de 1 000 sur l'ensemble de la France. Les cas de figure sont très variés : anciens fugueurs ; personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ; étrangers en situation irrégulière ; personnes sans domicile ; personnes isolées. Lorsque le décès survient, un médecin doit constater les causes de la mort. Si ces dernières paraissent crapuleuses, une enquête est ouverte. Mais si la mort s'avère naturelle ou accidentelle, le maire délivre un permis d'inhumer et la personne est enterrée dans une fosse commune. Il n'est pratiqué aucun prélèvement qui pourrait servir, à terme, à identifier cette personne, ni même à recouper des informations sur des personnes disparues et recherchées au même moment. Il se peut alors qu'un jeune majeur soit enterré sous X, alors même que sa famille le recherche activement : c'est ce qui est arrivé aux parents de Yann Barthe, jeune étudiant bordelais disparu en 2001. Il leur a fallu attendre six ans pour découvrir que leur fils, tombé d'un train entre Paris et Nice, avait été inhumé sous X. Plusieurs milliers de familles confrontées à la disparition d'un de leur membre majeur appellent donc de leurs vœux la mise en place de dispositifs mieux adaptés pour tenter de le retrouver. Elles demandent l'intégration systématique au FNAEG (fichier national automatisé des empreintes génétiques) des analyses ADN des personnes décédées inconnues et des personnes disparues. Il serait tout à fait pertinent d'effectuer le prélèvement systématique d'éléments d'identification sur les cadavres sous X et leur intégration dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et le fichier national des empreintes digitales. Parallèlement seraient intégrées dans les mêmes fichiers les « traces » d'une personne signalée disparue : les informations pourraient ainsi être croisées. Il lui demande donc s'il compte mettre en œuvre ce dispositif qui permettrait de donner une issue favorable à nombre d'enquêtes administratives, et donc une réponse à des familles qui vivent une attente souvent insupportable.

Réponse émise le 21 janvier 2020

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) est un fichier de police judiciaire ayant une finalité exclusivement judiciaire. Il est mis en œuvre par le service central de la police technique et scientifique (SCPTS), dont les personnels agissent à la demande de l'autorité judiciaire ou des officiers de police judiciaire. Dès lors, les échantillons biologiques prélevés sur des cadavres non identifiés font déjà l'objet d'un enregistrement dans le FNAEG si une procédure judiciaire est ouverte pour recherche des causes de la mort ou recherche des causes d'une disparition inquiétante. Il en est de même s'agissant des échantillons biologiques issus d'une personne disparue, lesquels sont enregistrés dans le FNAEG dès lors qu'une enquête ou une instruction est ouverte pour recherche des causes d'une disparition inquiétante ou suspecte. Dans le cadre de telles procédures, les échantillons biologiques des ascendants et descendants de la personne disparue sont enregistrés dans le fichier s'ils y consentent pour faciliter la comparaison entre leurs empreintes génétiques et celles enregistrées dans le fichier jusqu'à la découverte de la personne disparue. Toutefois, cet enregistrement est conditionné par la réalisation du prélèvement des empreintes. L'article 706-54 du code de procédure pénale (CPP) dispose en effet que : « […] Le fichier prévu par le présent article contient également les empreintes génétiques recueillies à l'occasion : 1° Des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une disparition prévues par les articles 74, 74-1 et 80-4 ; 2° Des recherches aux fins d'identification, prévues par l'article 16-11 du code civil, de personnes décédées dont l'identité n'a pu être établie, à l'exception des militaires décédés à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées. Toutefois, les empreintes génétiques recueillies dans ce cadre font l'objet d'un enregistrement distinct de celui des autres empreintes génétiques conservées dans le fichier. Elles sont effacées sur instruction du procureur de la République, agissant soit d'office, soit à la demande des intéressés, lorsqu'il est mis fin aux recherches d'identification qui ont justifié leur recueil. Les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux des personnes dont l'identification est recherchée ne peuvent être conservées dans le fichier que sous réserve du consentement éclairé, exprès et écrit des intéressés […] ». S'agissant des personnes décédées dont l'identité n'a pas pu être établie, l'article 16-11 du code civil renvoie au décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées, qui dispose que le prélèvement des empreintes génétiques ne peut être effectué que sur réquisition du procureur de la République. Dès lors, la question est moins celle de l'enregistrement au FNAEG des empreintes génétiques des personnes susmentionnées, que celle de leur prélèvement systématique. Une telle systématisation reviendrait à contrevenir aux finalités judiciaires du FNAEG et du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED). Par ailleurs, en termes de proportionnalité, le prélèvement systématique des empreintes génétiques et digitales des personnes portées disparues et des personnes décédées sans que leur identité n'ait pu être établie ne paraît pas justifié. En effet, les empreintes génétiques et digitales constituent des données à caractère personnel d'une particulière sensibilité, dans la mesure où elles permettent d'identifier une personne de manière quasi certaine. La collecte et la conservation de ces données, qui sont soumises à un régime particulièrement protecteur pour les personnes concernées, ne peuvent donc être prévues que pour des finalités strictement définies, légitimes et proportionnées. C'est la raison pour laquelle l'intervention d'un magistrat lors de la collecte de ces données, concernant des personnes qui par définition ne peuvent y consentir, constitue une garantie majeure de la proportionnalité du dispositif du FNAEG et du FAED.  Afin d'être réalisées de manière légitime et proportionnée, la collecte et la conservation des empreintes génétiques ou digitales doivent ainsi s'inscrire dans le cadre d'enquêtes ou de réquisitions judiciaires. Prélever les empreintes génétiques ou digitales d'une personne décédée en dehors de tout besoin exprimé dans un cadre judiciaire serait disproportionné au regard de l'atteinte portée à la protection des données à caractère personnel et au respect du droit à la vie privée. À cet égard, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rappelé, dans son arrêt Aycaguer contre France du 22 juin 2017, que le simple fait de mémoriser des données relatives à la vie privée d'un individu constitue une ingérence au sens de l'article 8 de la Convention EDH. La CEDH soulignait également que les profils ADN constituent des données particulières en ce qu'ils contiennent une quantité importante de données à caractère personnel et qu'ils permettent l'identification des personnes de manière unique.

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