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Loïc Kervran
Question N° 10794 au Ministère des solidarités


Question soumise le 17 juillet 2018

M. Loïc Kervran attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la nécessité de mieux prendre en compte les entreprises employant des personnels à horaires décalés dans la refonte de la fiscalité, réforme actuellement en discussion. Avec la suppression en 2019 du CICE (calculé sur les salaires bruts n'excédant pas 2,5 SMIC), le Gouvernement a annoncé vouloir pérenniser une réduction de charges de 6 points des cotisations sociales patronales sur les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC, avec un renforcement de cette réduction pour les rémunérations inférieures à 1,6 SMIC, jusqu'à 10,1 points pour les rémunérations au SMIC. Cependant, cette réduction de charges substantielles ne pourra plus bénéficier aux entreprises employant du personnel, souvent faiblement qualifiés et travaillant en horaires décalés (nuit, weekend) pour nettoyer des bureaux, abattoirs, usines ou bien encore pour ramasser des volailles par exemple. Du fait de la nature de ce travail, les salariés touchent des primes impliquant de facto une augmentation de leur salaire au-delà de 1,6 SMIC. Or, avec un salaire annuel brut supérieur à 1,6 SMIC, les employeurs ne peuvent plus bénéficier des dispositifs de réduction de charges, ce qui met en péril leur activité. En effet, la rémunération annuelle brute qui sert de base pour le calcul des réductions de charges, englobe tous les éléments de rémunération en espère ou en nature. Les primes, gratifications, rémunération des heures supplémentaires sont donc comptabilisées de la même manière, les temps de pauses, d'habillage, de douche sont aussi inclus dans le calcul. Sur les bas salaires, le dispositif « zéro cotisation URSSAF », autrement appelé « réduction Fillon », permet également une baisse automatique des cotisations patronales sur les bas salaires qui peut aller jusqu'à une exonération totale des cotisations pour l'employeur d'un salarié au SMIC, hors assurance chômage. Cette réduction s'applique pour les salariés en CDI, en CDD ou à temps partiel dont la rémunération est inférieure à 1,6 SMIC, salaire brut annuel. Les primes étant également incluses dans le calcul, le même problème se pose donc pour les entreprises dont le travail réalisé a lieu majoritairement la nuit ou le weekend. À la veille du projet de loi de finances pour 2019 et de la consolidation du nouveau dispositif global de baisses des charges pour les employeurs, il souhaiterait connaître l'ambition du ministère sur la viabilité du dispositif « zéro cotisation URSSAF » d'une part, et savoir ensuite, si les futurs dispositifs (ou le dispositif « zéro cotisation URSSAF » s'il venait à être maintenu) pourraient être revus de façon à exclure les primes reçues par les salariés dont la nature du travail implique un travail à horaire décalé. Une telle décision permettrait de lutter contre le travail au noir, de maintenir des emplois faiblement qualifiés dans des zones majoritairement rurales et de permettre que ce travail continue à être réalisé par des entreprises françaises respectueuses d'un haut niveau d'exigence.

Réponse émise le 30 avril 2019

Depuis le début des années 1990, des dispositifs de réduction des cotisations patronales permettent de baisser le coût du travail pour les rémunérations inférieures à certains seuils. A compter de 2019, ces dispositifs sont considérablement renforcés, ce qui traduit la volonté du Gouvernement de consolider leurs effets positifs sur l'emploi. D'une part, en contrepartie de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), une réduction proportionnelle de 6 points de la cotisation d'assurance maladie s'applique à compter du 1er janvier 2019 sur les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC. D'autre part, la réduction générale dégressive applicable aux rémunérations inférieures ou égales à 1,6 SMIC est renforcée, en deux temps (de 6,01 points au niveau du SMIC à compter du 1er janvier, puis de 4,05 points supplémentaires au niveau du SMIC à compter du 1er octobre), par intégration dans le champ de la réduction des cotisations d'assurance vieillesse complémentaire et des contributions d'assurance chômage. Le dispositif « zéro cotisation URSSAF » est donc non seulement pérennisé, mais le taux global d'allègement progresse significativement : il passe, au niveau du SMIC, de 36,3 % en 2018 (en incluant le CICE) à 40 % à compter du 1er octobre 2019. En 2019, ces différents dispositifs généraux de réduction des cotisations patronales permettront de diminuer le coût du travail d'environ 56 milliards d'euros, mais constituent également des pertes équivalentes de recettes pour la sécurité sociale, certes compensées par le budget de l'État, mais pesant cependant sur le financement de notre modèle social. Ces dispositifs concernent pour partie les bas salaires, jusqu'à 1,6 SMIC, mais les réductions proportionnelles des cotisations d'assurance maladie (6 points) et des cotisations d'allocations familiales (1,8 point) concernent des niveaux de rémunérations plus élevés, respectivement jusqu'à 2,5 et 3,5 SMIC. La grande majorité des salariés bénéficient donc d'au moins un de ces dispositifs. De plus, la réduction générale applicable pour les niveaux de rémunérations inférieurs ou égaux à 1,6 SMIC est dégressive, ce qui permet de neutraliser tout effet de seuil, et son calcul est annualisé. Ainsi, par exemple, si le gain annuel associé à cette réduction est de 5 940 € au niveau du SMIC, il n'est que de 990 € à un niveau de rémunération correspondant à 1,5 fois le SMIC. En conséquence, une variation ponctuelle de la rémunération due au versement de primes n'a qu'un effet limité sur le montant des cotisations dues. Si cette variation aboutit à ce que la rémunération annuelle passe au-dessus du seuil de 1,6 SMIC, l'employeur bénéfice toujours d'une réduction de plus de 7 points car les autres dispositifs continuent à s'appliquer. L'assiette de rémunération servant de base au calcul permettant de déterminer le montant de ces différentes réductions de cotisations est identique à l'assiette servant au calcul des cotisations, définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, et intègre donc les primes, gratifications et rémunérations des heures supplémentaires, qui sont considérées de la même façon que la rémunération contractuelle de base. Cela permet d'éviter des effets de substitution et favorise ainsi l'égalité des employeurs devant les charges publiques. S'il est légitime que les salariés soumis à une organisation du travail impliquant des horaires atypiques, de nuit ou le week-end, bénéficient de compensations sous forme de primes, il n'est en revanche pas souhaitable que cette augmentation de rémunération soit en partie compensée à l'employeur sous forme d'une majoration de ses allègements de cotisations. Cela constituerait en effet une forme d'incitation pour l'employeur à recourir à ce type d'organisation de travail, alors qu'elles sont facteur de pénibilité pour les salariés concernés. Il n'est pas envisagé de revoir l'assiette de rémunération servant au calcul des allègements généraux de cotisations sociales patronales, d'autant que le caractère dégressif et annualisé de ces allègements permet que le versement de primes ne se traduise pas par une majoration excessive du coût du travail.

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