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Blandine Brocard
Question N° 11009 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 24 juillet 2018

Mme Blandine Brocard interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la compatibilité entre la lutte contre le réchauffement climatique et la croissance économique. En effet, il semble exister une corrélation forte entre le PIB et la quantité d'énergie consommée. Or, à l'échelle planétaire, la consommation d'énergie est essentiellement carbonée, si bien que l'on puisse établir que l'augmentation du PIB implique l'augmentation de la quantité de CO2 rejetée dans l'atmosphère. En ce sens, l'engagement d'atteindre 32 % d'énergies renouvelables dans le bouquet énergique français d'ici à 2030, conformément à la loi de transition de transition énergétique pour la croissance verte, est une nouvelle satisfaisante. Néanmoins, deux tiers de l'énergie consommée restera d'origine fossile. Les rapports scientifiques du GIEC et de Meadows s'accordent sur la nécessité de diminuer les émissions de CO2 par 2 à 6 afin d'endiguer le réchauffement climatique, et préconisent pour cela de diminuer le PIB de 3 % par an, alors même que l'OCDE en début d'année 2018 a prévu une croissance pour la France de 2,2 %. Elle lui demande donc de préciser dans quelle mesure il se coordonne avec le ministère de l'économie et des finances pour assurer la croissance économique de la France dans le respect de l'environnement.

Réponse émise le 21 mai 2019

Le Groupe intergouvernemental d'experts sur le changement climatique (GIEC) a publié le 8 octobre dernier son rapport spécial sur « les impacts d'un réchauffement climatique global de 1.5°C par rapport à 2°C et les trajectoires d'émissions de gaz à effet de serre à suivre pour limiter le réchauffement à 1.5°C dans le cadre plus général du développement durable et de l'éradication de la pauvreté ». Les constats du GIEC sont sans équivoque : le climat mondial s'est déjà réchauffé d'un degré environ en moyenne par rapport à l'ère pré-industrielle, mais il est encore possible de limiter cette hausse à 1.5 °C et de limiter les dégâts pour l'homme et son environnement que le rapport du GIEC décrit en détail : recrudescence et intensification des évènements climatiques extrêmes, hausse du niveau des mers, fonte des glaces, raréfaction des ressources en eau, diminution de la production agricole, accentuation des menaces sur la biodiversité terrestre et marine, atteintes à la santé, pertes économiques, accroissement de la pauvreté. Les différentes options possibles pour ne pas dépasser 1.5°C nécessiteront des transformations radicales dans tous les secteurs de la société et dans le monde entier. La rapidité avec laquelle elles doivent être mises en œuvre est essentielle pour atteindre cet objectif et implique des mesures de court terme pour inverser la tendance haussière des émissions mondiales. Dans le cinquième rapport du GIEC (cf. la section 6.3.6.2 du tome III), la compilation des résultats de modélisation aboutit pour les scénarios visant un objectif de 430 à 480 ppm (le scénario le plus ambitieux considéré) à un impact cumulé estimé à 0,9 % de produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2030, 1,7 % d'ici à 2050 et 4,6 % d'ici à 2100 (valeurs médianes). Cet impact cumulé est à comparer à des évolutions importantes de PIB d'ici ces horizons. En outre, ces résultats n'intègrent pas le fait que ne rien faire aura un coût colossal en termes de développement de nos sociétés. Dans le rapport de la revue présidée par Sir Nicholas Stern en 2007, le coût et les risques liés au changement climatique sont estimés à 5 % du PIB chaque année, voire 20 % en prenant en compte des effets de façon plus large, alors que le coût de l'atténuation est estimé à 1 % du PIB chaque année. Au niveau international, on observe un net découplage entre émissions de CO2 et PIB, mais qui, couplé à la hausse du PIB par habitant et à la hausse de la population, est insuffisant pour faire baisser les émissions mondiales. En France l'ensemble de la période 1995 - 2015, l'efficacité énergétique de l'économie poursuit son amélioration, l'intensité énergétique diminuant régulièrement (– 1,4 % par an en moyenne). La crise économique de 2008-2009 avait temporairement ralenti cette tendance car de nombreux équipements fonctionnent en sous-capacité en période de récession et certaines consommations, comme celles de chauffage, ne dépendent pas directement du PIB. Depuis, la tendance à la baisse de l'intensité énergétique finale est revenue aux niveaux précédemment observés avec une baisse moyenne de 1,3 % par an entre 2010 et 2015. Grâce à la diminution du contenu carbone des énergies, le découplage des émissions de gaz à effet de serre et du PIB est encore plus important. Depuis 1990, les émissions en France ont diminué de 19 % alors que le PIB augmentait de 45 % soit une diminution par unité de PIB de 44 %. En 2018 par exemple, la consommation primaire d'énergies fossiles a diminué de 3,3 % en dépit d'une hausse soutenue de la croissance du PIB à 1,5 %. Par ailleurs, lors de l'élaboration de la première stratégie nationale bas carbone (SNBC), dans un contexte où l'objectif en 2050 était le facteur 4, les effets macro-économiques ont été évalués. Ces travaux ont démontré que la politique de réduction des émissions est positive en termes d'emplois et de PIB. Les travaux de révision de la SNBC ont été réalisés avec un objectif renforcé de neutralité carbone en 2050. Cette révision à la hausse de l'ambition climatique française sera inscrite dans la future loi énergie qui devrait être adoptée d'ici l'été 2019. Des évaluations macro-économiques sont menées dans ce cadre pour s'assurer que les impacts de la politique climatique sont bien compatibles avec la croissance économique. Ces travaux font l'objet de nombreux échanges entre le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l'économie et des finances ainsi que les autres ministères en charge du suivi de secteurs économiques spécifiques comme le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

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