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Éric Straumann
Question N° 11749 au Ministère de l'action


Question soumise le 14 août 2018

M. Éric Straumann attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la problématique du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu pour les travailleurs frontaliers intérimaires exerçant leur activité en Allemagne. Pour éviter une double imposition, il existe une exonération sur le fondement des dispositions relatives aux travailleurs frontaliers, en vertu de l'article 13 de la convention fiscale franco-allemande. Pour avoir le statut fiscal de frontalier, au sens de la convention fiscale, il doit s'agir exclusivement des salariés qui résident dans une commune des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et travaillent en Allemagne, à 30 km de la frontière à vol d'oiseau et rentrent quotidiennement à leur domicile. Les salariés qui remplissent ces conditions demandent alors l'exonération de l'impôt allemand sur les salaires (formulaire 5011) au centre des impôts allemands et présentent l'attestation d'exonération à l'employeur allemand lequel ne prélève aucun impôt à la source lors du traitement de la paie. Cependant, des intérimaires français exerçant en Allemagne sont soumis à des règles particulières : le gouvernement allemand impose aux Länder des conditions contraignantes. Le travailleur intérimaire français peut, sous les conditions suivantes, être exonéré pour une année de retenue fiscale sur le salaire : s'il a travaillé l'année précédente exclusivement pour le même prestataire et entend ne travailler que pour ce prestataire pendant l'année en cours également ; s'il remplissait l'année précédente les conditions du statut de frontalier et le prestataire entend continuer à employer le travailleur intérimaire exclusivement dans la zone frontalière pendant l'année en cours et s'il s'engage à faire une déclaration au centre des impôts si le rapport de travail prend fin ou que le travailleur intérimaire ne remplit plus les conditions du statut de frontalier. L'intérimaire qui remplit ces conditions doit déposer une demande au moyen du formulaire N 5011 A « Grenzgänger » (die Leiharbeitnehmer ) avec les renseignements qui y sont indiqués. En pratique l'activité de travailleur intérimaire se caractérise par un changement fréquent et souvent non prévisible du lieu d'activité, le cas échéant hors de la zone frontalière et il est, en règle générale, impossible de prévoir à l'avance si les conditions d'une exonération sur le fondement des dispositions relatives aux frontaliers seront réunies. Ainsi les travailleurs intérimaires français sont par principe soumis à l'imposition sur le revenu en Allemagne et doivent chaque année demander le remboursement de l'impôt prélevé à la source à l'administration allemande après avoir rapporté la preuve du paiement de leurs impôts en France. Il existe une « double imposition temporaire ». Si la situation est connue des intérimaires et « acceptée » en raison des conditions de rémunération plus attrayantes en Allemagne, une difficulté va apparaître à compter du 1er janvier 2019 avec l'entrée en vigueur du prélèvement à la source : les Entreprises de travail temporaire (ETT) françaises seront contraintes de prélever à la source l'impôt français et seront également contraintes de prélever l'impôt à la source allemand pour la majorité de leurs intérimaires. Les ETT allemandes seront contraintes de prélever l'impôt à la source allemand pour la majorité de leurs salariés intérimaires et parallèlement l'administration française calculera un acompte à la source (établi selon la rémunération de l'année N-1) et communiquera aux établissements bancaires le montant d'impôt sur le revenu à prélever mensuellement. Il s'agit du même mécanisme que pour les travailleurs indépendants. Les intérimaires français frontaliers seront imposés deux fois. Cette situation est préoccupante dans un contexte particulier où les métiers qualifiés sont en tension aussi bien en Allemagne qu'en France. Il lui demande quelles dispositions entend prendre le Gouvernement pour éviter cette situation de double imposition.

Réponse émise le 16 avril 2019

Le 6 de l'article 13 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée stipule que les traitements et salaires des travailleurs sont imposables dans l'État d'exercice de leur activité et dans l'État de leur résidence, à charge pour ce dernier d'éliminer la double imposition. L'Allemagne peut ainsi imposer les salaires des travailleurs résidents de France exerçant sur son territoire, à l'exception toutefois de ceux qui bénéficient du régime des frontaliers prévu au 5 de ce même article. L'administration fiscale allemande s'assure, avant de renoncer à cette imposition et de dispenser l'employeur de retenue à la source, que les conditions requises pour bénéficier du régime frontalier sont satisfaites. Or, celles-ci peuvent être difficiles à établir a priori, en particulier s'agissant de travailleurs intérimaires, l'accord conditionnant le bénéfice du régime au fait que le frontalier travaille régulièrement dans la zone frontalière et rentre chaque jour à son domicile et un accord amiable du 16 février 2006 prévoyant que cette condition n'est plus remplie au-delà de 45 jours par an travaillés hors de la zone ou passés hors du domicile. Par suite, et pour ce qui concerne les intérimaires, les services fiscaux allemands subordonnent l'octroi a priori de l'exonération de retenue à la source prélevée sur les revenus de source allemande au respect des conditions cumulatives citées dans la question. À défaut de cette dispense a priori, et si la personne concernée remplit in fine les conditions d'éligibilité au régime frontalier au titre de l'année écoulée - ce qui entraîne une imposition exclusive dans son État de résidence (France) - l'Allemagne procède au remboursement a posteriori de l'impôt prélevé localement, permettant ainsi le respect de la convention fiscale franco-allemande et l'absence de double imposition. À cet égard, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu n'affecte pas plus qu'auparavant le régime fiscal des travailleurs frontaliers qui, par dérogation, prévoit une imposition exclusive des revenus dans l'État de résidence du bénéficiaire. Dans le cas particulier des travailleurs frontaliers intérimaires résidents de France qui perçoivent des salaires provenant d'une activité exercée en Allemagne, ils devaient le cas échéant, verser des tiers provisionnels ou des mensualités puis acquitter le solde dès lors que ces revenus étaient exclusivement imposables en France. À compter de 2019, ces tiers provisionnels et mensualités sont remplacés par un prélèvement à la source dû au titre de l'année de perception des revenus qui prendra, si l'entreprise de travail temporaire est située en France, la forme d'une retenue à la source effectuée par le débiteur lors du paiement de ces revenus lorsqu'ils sont imposables en France. Dans le cas où l'entreprise de travail temporaire qui emploie le travailleur frontalier intérimaire résident de France est établie en Allemagne, le prélèvement à la source prend la forme pour ces personnes d'un acompte calculé par l'administration sur la base de la dernière déclaration des revenus du contribuable. Le contribuable qui estime que le prélèvement à la source résultant de cette situation est trop important compte tenu de sa situation et de ses revenus réels de l'année considérée peut demander la modulation à la baisse de ce prélèvement. Il pourra également demander à revoir sa situation s'il estime qu'il ne remplira pas les conditions pour bénéficier du régime frontalier. Par ailleurs, il est précisé que si les travailleurs intérimaires ne relèvent pas du régime de travailleur frontalier, leurs salaires sont imposables à la fois en France et en Allemagne. Afin d'éliminer la double imposition, l'impôt acquitté en Allemagne au titre de ces revenus ouvre droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt sur le revenu français dans la limite du montant de l'impôt français correspondant. Dans cette situation, afin d'éviter un double prélèvement, le taux de prélèvement à la source calculé par l'administration fiscale en France est diminué pour tenir compte de l'imputation de l'impôt acquitté en Allemagne sur l'impôt dû en France. Les services du ministère des finances allemands ont été saisis par les services du ministère de l'économie et des finances en vue de faciliter les modalités pratiques permettant d'établir l'État en droit de prélever à la source, et en particulier de revoir et assouplir les procédures permettant d'obtenir a priori une dispense de la retenue à la source allemande. Ces travaux ont d'ores et déjà été engagés. Néanmoins cette solution, qui reste celle qui doit être privilégiée à terme et qui permettra de mettre en œuvre un dispositif pérenne et stable, doit être accompagnée de mesures spécifiques permettant d'arrêter immédiatement les doubles prélèvements opérés au titre des revenus 2019 pour les frontaliers intérimaires concernés. Dans cet esprit, le Gouvernement a également demandé de faire en sorte d'arrêter immédiatement les prélèvements 2019 au titre de l'impôt français pour tous les contribuables dans cette situation, quand bien même l'impôt sur les revenus perçus en 2019 serait dû in fine en France. Un message a été transmis aux entreprises de travail intérimaire, notamment par l'intermédiaire d'associations comme Prism Emploi, et une communication a été engagée en ce sens par les directions départementales des finances publiques qui traitent ces dossiers. Il s'agit d'une mesure qui vise à ne pas pénaliser ces contribuables en trésorerie en 2019 mais qui a bien vocation à rester exceptionnelle et dans l'attente de l'aboutissement des négociations engagées avec les autorités allemandes sur ce sujet.

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