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Daniel Labaronne
Question N° 11832 au Ministère de l'économie


Question soumise le 28 août 2018

M. Daniel Labaronne attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'encadrement et la régulation des publicités sur les crypto monnaies ou les crypto-actifs, en particulier la monnaie électronique bitcoin. Le bitcoin est échangé dans une centaine de pays et par des millions d'utilisateurs. Très en vogue en 2017, une chute soudaine de la valeur enregistrée en fin d'année a fait perdre de l'argent à un grand nombre d'investisseurs. Les autorités françaises partagent l'analyse selon laquelle une vigilance accrue du régulateur est nécessaire afin de limiter les risques potentiels pour les investisseurs non-avertis. Il est alors important d'adopter un cadre juridique plus robuste. Ce constat a entrainé la création à l'Assemblée nationale, à la fois d'une mission d'information sur les monnaies virtuelles et d'une autre sur les usages des bloc-chaînes (blockchains) et autres technologies de certification de registres. Aucune société ne peut garantir un rendement minimum avec un investissement dans les crypto-monnaies. Se pose alors la question de la publicité. Le sujet a fait l'objet d'un épisode médiatique début 2018 lorsqu'une personnalité de la téléréalité a promu sur un célèbre réseau social les mérites des investissements dans le bitcoin. L'Autorité des marchés financiers (AMF) a immédiatement réagi avec des mises en garde par l'intermédiaire d'un autre réseau social. Mais les poursuites judiciaires n'auraient pu être encourues dans ce cas qu'en raison de violation du code de la consommation pour publicité déguisée. Ces publicités ne sont pas envisageables à la télévision sous peine de sanctions du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) car il est interdit d'y promouvoir des placements financiers risqués. Mais le CSA ne régule pas les réseaux sociaux et les crypto-monnaies n'entrent pas non plus dans le cadre de la recommandation de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Le réseau social Facebook après avoir interdit, comme Google, la publicité liée au Bitcoin et autres crypto-monnaies sur sa plateforme, vient de lever l'interdiction en précisant que les annonceurs devront être pré-approuvés. Concernant la publicité par voie électronique, l'AMF considère que l'offre de dérivés sur crypto-monnaies nécessite un agrément et est interdite à la publicité par voie électronique. Étant donné que la notion de produit dérivé n'est pas définie en tant que telle en droit européen, l'analyse juridique de l'AMF estime qu'un contrat sur crypto-monnaies se dénouant par un règlement en espèces peut être considéré comme un contrat financier, sans qu'il soit nécessaire de qualifier juridiquement les crypto-monnaies. Les plateformes qui proposent ces produits dérivés doivent alors se conformer à la réglementation applicable aux instruments financiers, en particulier aux règles en matière d'agrément, de bonne conduite, de déclaration des transactions à un référentiel central dans le cadre du règlement européen EMIR. Par ailleurs, ces produits relèvent du dispositif d'interdiction de la publicité instaurée en France sur certains contrats financiers par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi « Sapin II ») qui a modifié la législation sur le régime de l'intermédiation en biens divers. Les sociétés qui proposent sur le territoire français d'acquérir des crypto-monnaies doivent donc disposer d'un numéro d'enregistrement délivré par l'AMF. Bien qu'alertées par l'AMF des obligations qui s'imposent à elles, les sociétés concernées continuent à communiquer et/ou démarcher le public en France sans que leur offre ne soit enregistrée auprès de l'AMF. Afin de mettre en garde les épargnants français, l'AMF a donc mis en place une « liste noire » d'acteurs proposant d'investir dans des crypto-actifs ou crypto-monnaies, sans respecter la réglementation. L'AMF a également établit des règles de vigilance pour les investisseurs non -avertis. En cas de litige, si la plateforme exerce légalement son activité, la médiation de l'AMF peut intervenir pour tenter une résolution à l'amiable. Si la plateforme est illégale, le seul recours est de porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie avec des chances de succès très limitées. Il l'interroge sur les réflexions ayant lieu au niveau européen et français afin de renforcer le cadre juridique actuel pour limiter les risques potentiels pour les investisseurs non-avertis des publicités incitant à des placements dans les crypto-monnaies ou les crypto-actifs.

Réponse émise le 21 mai 2019

Le Gouvernement souligne que la protection des investisseurs contre les fraudes constatées en matière d'actifs numériques est au cœur de son action et du cadre réglementaire créé dans la loi relative au plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE). Les actifs numériques constituent un champ particulièrement propice à la commission de nombreuses escroqueries : manipulations de cours (dont les risques s'accroissent avec la concentration des activités de minage), cyber-attaques sur les plateformes de change ou sur les ordinateurs des utilisateurs (logiciel de rançons payables en actifs numériques), faux sites d'investissement (scams) ou levées de fonds pour des projets fictifs. Ces risques justifient donc la mise en place d'un cadre réglementaire. Ainsi l'article 26 bis B de la loi PACTE interdit le démarchage et le parrainage aux prestataires de services sur actifs numériques n'ayant pas obtenu l'agrément optionnel de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et aux émetteurs de jetons non-labélisés. Est également interdite aux acteurs non agréés ou non labélisés par l'AMF toute publicité, directe ou indirecte, diffusée par voie électronique ayant pour objet d'inviter une personne, par le biais d'un formulaire de réponse ou de contact, à demander ou à fournir des informations complémentaires, ou à établir une relation avec l'annonceur, en vue d'obtenir son accord pour la réalisation d'une opération. Cette interdiction est de nature à limiter le risque de fraude et ainsi de perte pour les épargnants. Plus spécifiquement, la loi PACTE, au-delà de l'application des dispositions européennes qui s'imposent en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, propose aux prestataires de services sur actifs numériques et aux émetteurs de jetons, un visa ou un agrément optionnel. Ce régime facultatif permet d'apporter une réponse pertinente aux défis posés par ce marché émergent. Ainsi, la mise en place d'une liste blanche des projets sérieux et robustes, publiée par l'AMF permet d'envoyer un signal clair aux consommateurs en prenant en compte l'évolution rapide de ce marché et les limites pratiques et technologiques que pourrait rencontrer une réglementation obligatoire. Cette démarche active, volontaire des acteurs, s'accommode mieux d'un dispositif optionnel que d'un régime obligatoire et d'une liste noire, par essence incomplète, qui soulèveraient par ailleurs des obstacles de mise en œuvre et risquerait d'induire le consommateur en erreur.

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