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Michel Castellani
Question N° 12182 au Ministère de l'action


Question soumise le 18 septembre 2018

M. Michel Castellani attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le projet de réforme du recrutement et de la formation initiale des attachés d'administration et secrétaires de chancellerie qui est en cours et fait naître, au sein des instituts et de leurs conseils d'administration de nombreuses inquiétudes. Ce projet porté par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) inquiète les personnels concernés tout comme les élus locaux. Sur la forme, sans aucun bilan de l'activité et des résultats des instituts régionaux d'administration (IRA) depuis la dernière réforme de 2007, sans aucune concertation des usagers de la formation (formateurs, maîtres de stage, attachés stagiaires en cours de formation, anciens élèves, majorité des agents des IRA), le Gouvernement semble s'engager dans une refonte complète du dispositif sur la base d'intuitions et de préjugés. Il aurait mieux valu, dans une recherche de qualité, partir d'un diagnostic étayé faisant état des points forts et des voies de progrès de la formule actuelle. Par exemple, s'il existe une constante qui ressort de toutes les enquêtes d'évaluation concernant les IRA réalisées auprès des anciens élèves et des employeurs depuis plus de 10 ans, c'est bien le plébiscite de la formule des stages au cœur de la formation, véritables incubateurs et accélérateurs de compétences. Sur le fond donc, cette réforme balaie un modèle qui a fait ses preuves au profit d'une nouvelle architecture articulant une formation composée exclusivement d'enseignements en école avec in fine une période dite probatoire (pré-affectation) dont les contours juridiques ne sont pas consolidés. Le modèle robuste qui mixait jusqu'à aujourd'hui des enseignements innovants dans les instituts et une pratique réelle en administration est abandonné alors que depuis longtemps il a fait ses preuves. Associant de façon dynamique enseignements et apprentissages en institut et sur le terrain, ces immersions en administration sont irremplaçables rendant en effet les néo-attachés beaucoup plus employables (opérationnels) et efficaces dès leur prise de poste. Briser ce lien fait courir le risque majeur d'une formation hors sol qui ne permet plus, par ailleurs, une évaluation des compétences de chaque stagiaire, mais privilégie le contrôle continu de connaissances. C'est l'immense paradoxe d'une réforme bâclée qui affiche pompeusement des ambitions d'approche par compétence tout en rendant l'acquisition de ces compétences problématique. En conclusion, Michel Castellani se place dans la lignée des inquiétudes exprimées par les personnels des IRA et les conseils d'administration de ces mêmes IRA qui demandent le report d'une année de la mise en œuvre d'une éventuelle réforme de la formation initiale. Ce report permettra, comme cela était prévu initialement de faire coïncider les nouvelles modalités des concours avec la nouvelle formation et conserver ainsi la cohérence souhaitée d'une formation axée sur les compétences individuelles des stagiaires, et ce dès leur recrutement. Il permettra aussi d'établir un véritable bilan de la formation actuelle en y associant cette fois-ci tous les acteurs concernés (anciens élèves, jurys, employeurs, personnels des IRA, formateurs, membres des CA). Ainsi, les conditions d'une réforme réussie et acceptée par tous pourraient être réunies dans l'intérêt premier des stagiaires et des futurs employeurs. Par ailleurs, il alerte le Gouvernement sur les conséquences économiques et sociales pour la ville de Bastia et ses alentours. Ce projet de réforme entraînerait une diminution des effectifs de stagiaires présents dans cette ville. Dans cette perspective, il demande la garantie gouvernementale du maintien de l'IRA de Bastia et de ses effectifs en équivalent temps plein aussi bien du côté des personnels de l'institut que de celui des élèves recrutés.

Réponse émise le 18 décembre 2018

La réforme des modalités de recrutement et de formation au sein des instituts régionaux d'administration (IRA) est une réforme ambitieuse. Elle s'inscrit dans un mouvement plus général, engagé par de nombreuses écoles de service public, qui vise à mieux articuler formation initiale et formation continue en plaçant l'évaluation des compétences au cœur du processus de formation. Cette réforme prévoit en premier lieu une nouvelle organisation des temps de formation. Les lauréats du concours d'entrée dans les IRA se verront proposer une formation de 12 mois qui comprendra deux périodes probatoires de 6 mois. La première période se déroulera en institut et la seconde en service. La première période probatoire aura pour objet de transmettre aux élèves un socle commun de connaissances et de compétences. La seconde période probatoire permettra d'accompagner les élèves pendant leur prise de fonction, ceci jusqu'au moment de la titularisation. Il est nécessaire de souligner que la décision de titularisation ne sera plus prise par un jury à la sortie de l'institut, mais par les administrations elles-mêmes au vu de la capacité des personnes concernées à exercer en situation les fonctions proposées aux attachés d'administration ou aux secrétaires des affaires étrangères. Elle prévoit en deuxième lieu d'importants changements quant à l'organisation des recrutements. Il est depuis plusieurs années constaté que les IRA ne sont pas en situation de répondre aux besoins quantitatifs des ministères, ce qui a conduit certains ministères à organiser des concours directs. Le Gouvernement a donc fait le choix d'affecter les nouveaux attachés d'administration et secrétaires des affaires étrangères plus tôt dans les services tout en augmentant le nombre d'élèves accueillis. La nouvelle organisation de la formation permet en effet de mettre en place deux promotions chaque année, une accueillie en mars et l'autre en septembre. Si cette décision implique la mise en œuvre de deux concours par an, elle permettra de porter à partir de 2020 les effectifs des IRA de 730 élèves à 820 élèves par année, soit deux promotions successives de 410 élèves, en cas de nécessité. Elle prévoit en troisième lieu un renouvellement des pratiques pédagogiques. Le cycle de formation en institut débutera ainsi par une évaluation des compétences acquises et par la formalisation d'un contrat de formation, permettant d'individualiser les parcours de formation. L'objectif est de mieux répondre aux besoins de compétences des élèves tout en s'assurant qu'ils ont tous acquis le socle requis de connaissances et de compétences. Cette réflexion conduira les IRA à : - proposer de nouvelles modalités d'épreuves pour les concours (cette mesure prendra effet en 2020, car il est impératif que les instituts de préparation aux concours puissent adapter leurs programmes en conséquence) ; - renouveler leur approche de la pédagogie en s'appuyant davantage sur le numérique et en développant de nouveaux formats plaçant davantage les élèves en position d'acteurs de leurs parcours de formation (exercices collectifs, mises en situation…) ; - établir pour chacun un portfolio des compétences lui permettant de mieux analyser les compétences sur lesquelles il pourra s'appuyer ; - rénover l'établissement du classement qui permet de départager les choix d'affectation en service ; - mettre en place un suivi individualisé des nouveaux attachés d'administration et secrétaires des affaires étrangères pendant la seconde période probatoire. Pendant cette même période, un regroupement obligatoire des élèves sera organisé qui permettra un partage d'expériences et une mise en perspective de leur prise de poste au travers de nouveaux apports méthodologiques. La conduite d'une telle réforme nécessite une large concertation, tant avec les employeurs qu'avec les personnels. Ce travail de concertation a été mené depuis plus d'un an, notamment à l'égard des personnels, puisqu'en 2018 se sont tenues deux réunions du comité technique commun aux cinq IRA et quatre séances de travail permettant de préparer ces comités. Dans chacun des IRA, la direction générale de l'administration et de la fonction publique était systématiquement présente aux conseils d'administration pour expliquer la réforme. Un séminaire commun aux IRA a également été organisé le 21 juin dernier, en présence du secrétaire d'Etat, afin d'assurer une information de tous les personnels, rappeler le sens de la réforme et permettre à chacune et à chacun de s'exprimer sur celle-ci. Vous indiquez que cette réforme aurait été engagée sans s'appuyer sur un réel diagnostic de la formation qui est actuellement en vigueur. Les résultats très satisfaisants des enquêtes d'évaluation que vous signalez vous-même ne sont pas niés. Le Gouvernement considère cependant que la réforme proposée constitue une opportunité de consolider et de pérenniser les instituts régionaux d'administration comme dispositif interministériel de recrutement et de formation des cadres intermédiaires de la fonction publique de l'Etat. Envisager la formation comme un processus continu qui permet aux agents de développer leurs compétences tout au long de leur vie professionnelle, accompagner la première prise de poste de manière individualisée pour mieux répondre aux besoins formulés par les agents et leurs employeurs sont des orientations qui permettront de rendre les nouveaux attachés et secrétaires des affaires étrangères plus employables et efficaces, ceci non seulement dès la prise de leur premier poste, mais pendant toute leur carrière. Que certains personnels expriment des craintes et souhaitent que la réforme soit reportée d'une année n'est probablement pas surprenant au regard de son niveau d'ambition. Le Gouvernement sera dès lors particulièrement attentif à son accompagnement. Quant à la sécurité juridique du dispositif, elle fera l'objet d'un examen attentif du Conseil d'Etat. Le projet de décret relatif aux instituts régionaux d'administration lui a été récemment transmis à cette fin.  Sur le contexte propre de l'IRA de Bastia, il convient de préciser que le nombre d'élèves sera porté à 164 élèves par an (82 pour chaque promotion), au lieu de 146 par an actuellement. En effet, la réforme permettra par ailleurs d'optimiser le temps de présence des élèves dans la ville de Bastia. Ces derniers devaient jusqu'à présent s'absenter environ 4 mois pendant les deux périodes de stage. L'impact économique et social de la réforme sur la ville de Bastia devrait donc être très limité.

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