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Hubert Wulfranc
Question N° 12719 au Secrétariat d'état au numérique


Question soumise le 2 octobre 2018

M. Hubert Wulfranc interroge M. le secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargé du numérique, sur l'enjeu de la préservation du principe de neutralité du net en France et en Europe. Le principe de neutralité du net, principe fondateur d'Internet, garantit que les opérateurs télécoms ne discriminent pas les communications de leurs utilisateurs, mais demeurent de simples transmetteurs d'information pour tous les contenus diffusés sur le web, que l'on soit une multinationale, un gouvernement ou simple blogueur amateur. Cette obligation imposée depuis les origines de l'Internet est remise en cause depuis plusieurs années par les fournisseurs d'accès internet (FAI) qui souhaiteraient pouvoir hiérarchiser les priorités dans la gestion du trafic internet afin de pouvoir ralentir certains usages, ou à l'inverse, ouvrir en grand la bande passante pour d'autres usages. Il s'agirait en somme, de créer un internet à plusieurs vitesses où les utilisateurs et les fournisseurs de contenus devraient payer davantage pour bénéficier d'un débit supérieur et ce, au détriment des moins fortunés. De même, les FAI, également diffuseurs de contenus, pourraient ainsi privilégier les contenus maison au détriment des autres producteurs de contenus. La liberté d'expression sur le réseau Internet serait ainsi particulièrement mise à mal. Les FAI ont déjà obtenu gain de cause aux États-Unis depuis que la Commission fédérale des communications américaines a abrogé la neutralité du net au motif qu'elle entravait le développement des infrastructures pour assurer l'augmentation du trafic. C'est le même argumentaire qui est aujourd'hui tenu par M. Stéphane Richard, PDG d'Orange, lorsqu'il affirme le 12 décembre 2017, qu'il faut « admettre que l'arrivée de la 5G rebat les cartes et qu'il va y avoir obligation de proposer aux industriels des internets particuliers en terme de latence, en terme de vitesse [...] avec des fonctionnalités, des puissances et des qualités différentes ». L'intéressé prône ainsi l'arrivée d'un internet à plusieurs vitesses avec le déploiement de la 5G à l'horizon 2020-2021. Le président de la Fédération française des télécoms, M. Pierre Louette, tient les mêmes propos lorsqu'il déclare que « les opérateurs considèrent qu'il doit nous être possible d'avoir des couches de service gérés dans l'internet » ou encore, lorsqu'il précise que « nous pourrions avoir des services gérés avec des espaces séparés dans ces cas précis » et ce, à propos des voitures autonomes et des services de santé. À n'en pas douter, l'ouverture d'une brèche de cette nature permettrait aux FAI de pousser plus loin leurs revendications d'un Internet à plusieurs vitesses. La réglementation européenne (règlement UE 2015/2120) et la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 « pour une République numérique » garantissent, pour le moment, le respect du principe de neutralité du net dans l'intérêt des citoyens, des producteurs et autres diffuseurs de contenus. Qu'en sera-t-il néanmoins à l'avenir si les FAI, tous privatisés et présentant de confortables marges d'exploitation, usent néanmoins de chantage aux investissements pour le déploiement des nouvelles technologies ? Il lui demande de préciser la position du Gouvernement sur la neutralité du net ainsi que le rôle qu'entend jouer le Gouvernement français au sein des instances européennes pour préserver ce principe fondateur de la démocratie numérique.

Réponse émise le 30 juillet 2019

Le principe de « neutralité du net » est un élément fondateur de notre conception de la société numérique sur lequel la France s'est résolument engagée auprès de ses partenaires européens. Consacré par le règlement (UE) n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 et par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, il vise à garantir l'accès à un internet ouvert aux utilisateurs finaux et s'applique sans considération à la technologie permettant cet accès. La Commission européenne a récemment abordé, dans son rapport COM (2019) 203 final du 30 avril 2019, le sujet de la compatibilité de l'exploitation des réseaux 5G avec les exigences du règlement (UE) n° 2015/2120 et a conclu qu'aucune modification de ses dispositions n'est nécessaire. Le Gouvernement partage cette analyse. La Commission européenne précise que l'article 3 paragraphe 3 permet déjà à l'opérateur de prendre des mesures raisonnables de gestion du trafic à condition que celles-ci ne concernent pas la surveillance du contenu particulier et ne soient pas maintenues au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Elle invite les opérateurs à rencontrer les autorités de régulation nationale afin de leur signaler toutes difficultés d'application de ces dispositions. L'exploitation sur le territoire national des réseaux mobiles de cinquième génération, tout comme celle des réseaux de générations antérieures, sera soumise à l'ensemble des obligations qui découlent du principe de neutralité.   Les autorités de régulation nationales, en France l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques (ARCEP), sont chargées de surveiller étroitement le respect de ces obligations et d'encourager la disponibilité permanente de services d'accès à internet non discriminatoires à des niveaux de qualité qui correspondent à l'état d'avancement des technologies. Pour ce faire, l'ARCEP s'appuie notamment sur les lignes directrices de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) publiées en août 2016 et peut sanctionner tout manquement constaté sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques. C'est dans ce cadre protecteur des droits des utilisateurs finaux que le Gouvernement entend réaffirmer sa volonté de promouvoir un internet européen ouvert, tant dans l'exploitation des réseaux déjà déployés que dans celle des réseaux de demain.

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