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François Ruffin
Question N° 13142 au Ministère de la santé (retirée)


Question soumise le 9 octobre 2018

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M. François Ruffin attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la crise sanitaire du Lévothyrox. On a appris cette semaine dans la presse que la loi dite secret des affaires, réclamée par des entreprises telles que Bayer, Monsanto, Dupont de Nemours, cette loi voulue par le Gouvernement, votée par votre majorité, cette loi, donc, avait été brandie par les autorités de santé pour ne pas fournir aux associations de victimes la composition de la nouvelle formule du Lévothyrox. Il lui demande si elle va réellement faire passer la sécurité sanitaire après le secret des affaires. Trois millions de personnes dépendantes de médicaments à base de lévothyroxine, principalement le Lévothyrox, doivent s'adapter depuis mars 2017 à la nouvelle formule du médicament, produit par le laboratoire Merck, en situation de quasi-monopole en France jusqu'alors. Rapidement, suite à ce changement de formule, partout en France, des patients, par dizaines de milliers, se sont plaints d'effets secondaires, lourds et indésirables : « maux de tête et vertiges », « crampes, douleurs articulaires », « faiblesse musculaire », « problèmes digestifs et intestinaux », « insomnies et », « perte de concentration », « chute de cheveux ». Que n'a-t-on entendu alors, dans la bouche des experts et autres autorités de santé il y était question d'« effet nocebo » : les malades, ces grands enfants, imagineraient des effets secondaires, trop inquiets de voir leur médicament modifié. Mme la ministre avait tenu elle-même à les rassurer, à nous rassurer. Les effets secondaires ? « Ils sont passagers pour la plupart d'entre eux », et « ils ne mettent pas en danger la vie des patients », affirmait-elle le 6 septembre 2017, sans que l'on ne sache encore à ce jour sur quelles études elle pouvait s'appuyer pour affirmer cela. Par ailleurs, Mme la ministre assurait qu'« aux États-Unis, cette formule du Lévothyrox est commercialisée depuis une dizaine d'années, sans alerte sanitaire à déplorer. » Une affirmation qui se heurte malheureusement à la réalité : jamais la nouvelle formule n'a été testée aux États-Unis. Mme la ministre assenait encore, le 25 janvier 2018, envers et contre tout, que « cette nouvelle formule, aujourd'hui largement dispensée, présente une meilleure stabilité tout en ayant strictement la même substance active. Elle apparaît comme étant parfaitement tolérée par une très grande majorité de patients. ». Aucune donnée scientifique ne permettait pourtant de confirmer cette « meilleure stabilité » La parole des victimes a été niée, invalidée, balayée. Voire moquée, alors que les malades sont au premier rang, en ligne de front, sentinelles des problèmes sanitaires. Depuis, divers rapports ont pourtant prouvé qu'ils ne déliraient pas. Le 10 octobre 2017, un premier document du centre de pharmacovigilance de Rennes, validé par l'ANSM, montrait de manière indiscutable que les effets secondaires sont bien réels, nombreux et inexpliqués. Le dernier rapport en date, remis à l'ANSM le lundi 3 septembre 2018 par la mission d'information citoyenne Léo-Kierzeck, mérite d'être lu avec attention. Il évoque, d'abord, un nombre de signalements d'effets indésirables « inédit ». Il pointe, ensuite, de graves dysfonctionnements dans la gestion de cette crise : « l'absence d'anticipation et d'accompagnement : le risque associé à la décision de changement de formule n'a été ni anticipé, ni accompagné », ou « une communication de crise artisanale et insuffisamment coordonnée » de la part des autorités sanitaires et de l'ANSM. Il écarte, encore, les affirmations de certains leaders d'opinion liés à l'industrie pharmaceutique, avançant au plus fort de la crise un prétendu effet nocebo : il y a eu « une minimisation du ressenti des patients », puisque « même un tel effet ne saurait disqualifier la réalité des plaintes exprimées par les milliers de patients ». Toutefois, l'essentiel reste caché. Dans ce dossier, l'obscurité règne encore et toujours, les interrogations et les doutes s'empilent. Et on ne saurait tolérer que cette crise sanitaire soit présentée comme un seul problème de « communication » ou « d'information » ; les uniques thématiques abordées par le rapport, et la seule explication de Mme la ministre quand elle déclarait, voilà un an : « Ce n'est pas un scandale sanitaire, c'est une crise d'information. Nous devons sortir du registre du drame ». Alors, il lui demande de répondre aux vraies questions qui restent en suspens dans ce dossier, sans se retrancher derrière la loi secret des affaires : pourquoi la nouvelle formule du Lévothyrox provoque-t-elle de tels effets secondaires ? Sa qualité, sa composition sont-elles en cause ? Les malades ne le savent toujours pas. À ce jour, cette formule n'a toujours pas été analysée par les autorités de santé pour en déterminer la composition. Pourquoi ? À quelle échéance cette analyse est-elle prévue par son ministère ? Continuerez-vous à invoquer, en la matière, le délétère secret des affaires ? Pourquoi la formule a-t-elle été changée, sans les précautions d'usage ? Une enquête pour en définir précisément les raisons sera-t-elle ouverte, un rapport est-il commandé ? Des explications doivent pouvoir être apportées aux malades. Les autorités sanitaires ont affirmé que l'ANSM en avait fait la demande au laboratoire afin d'assurer « une meilleure stabilité du produit », sans plus de précisions. Selon Gerard Bapt, médecin-cardiologue et ancien député, « nul dans les institutions sanitaires ou politiques ne se pose de question sur les véritables raisons ayant conduit au transfert aventureux de mars 2017. C'est pourtant l'intérêt commercial de la firme et de ses investissements en Chine qui ont primé sur l'intérêt des patients ». La nouvelle formule, en effet, n'utilise plus de lactose comme excipient, afin de répondre à la demande croissante venant d'Asie, où près de 80 % de la population y est intolérante. Quelles mesures compte-t-elle prendre pour la prise en charge des patients concernés par les effets indésirables, maintenant que la réalité de ces effets souvent graves a été officiellement établie ? Compte-t-elle dans cette optique demander au laboratoire Merck de provisionner un fonds en vue d'un éventuel dédommagement des malades ? Pourquoi n'a-t-on pas exigé du laboratoire Merck, en situation de quasi-monopole, de produire à nouveau l'ancienne formule, plutôt que d'importer des médicaments de l'étranger, ou d'attendre que d'autres laboratoires n'en produisent un nouveau ? Le 17 juin 2018, Mme la ministre déclarait, sur LCI : « Je n'ai aucun moyen légal d'obliger un laboratoire industriel international de produire une molécule qu'il ne veut plus produire, c'est comme si vous obligiez Peugeot à faire une voiture qu'il a arrêté de produire depuis deux ans ! Ça n'existe pas d'obliger un industriel à produire un médicament qu'il ne veut plus produire ». Pourtant, c'est bien à la demande de l'ANSM que le laboratoire Merck a produit la nouvelle formule, réservant même sa production au territoire français. C'est la preuve qu'une demande des autorités de santé peut être satisfaite par un laboratoire. Les médicaments ne sont pas des produits de consommation comme les autres pour leurs utilisateurs, en tout cas pas comparables aux voitures. Alors que le laboratoire Merck a annoncé, fin juillet 2018, son intention de lancer la nouvelle formule dans vingt-et-un pays de l'UE à partir de 2019, quel rôle Mme la ministre compte-t-elle jouer auprès des partenaires européens, quel processus d'alerte compte-t-elle mettre en place pour éviter que cette crise sanitaire ne les touche eux aussi ? Sept ans après la mise en place des mesures de pharmacovigilance suite à l'affaire du Mediator, la crise du Lévothyrox souligne à quel point les outils développés à cette époque sont mal ou peu utilisés. La réforme de la sécurité sanitaire était alors inspirée par un postulat : « que l'intérêt du patient prime sur l'intérêt de la firme. » Visiblement, cette ligne directrice n'a pas été suivie dans le cas du Lévothyrox. Il lui demande comment elle compte rendre enfin effectifs les outils mis en place et les textes votés à cette époque.

Retirée le 21 juin 2022 (fin de mandat)

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