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Frédérique Lardet
Question N° 13190 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 9 octobre 2018

Mme Frédérique Lardet alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'avenir du modèle français de sécurité civile. La directive européenne 2003/88/CE relative au temps de travail (DETT) conduit à plafonner de manière cumulée le travail salarié et les activités de sapeur-pompier volontaire. Actuellement, le statut des SPV est encadré par la loi n° 2011-854 du 20 juillet 2011, qui dans son article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure dispose que « l'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ». Or, par un arrêt du 21 février 2018 (arrêt Matzak) la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que « les États membres ne pouvaient pas déroger, à l'égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d'incendie, à l'ensemble des obligations découlant des dispositions de la directive 2003/88/CE ». Celle-ci suppose, en définissant notamment les notions de « temps de travail » et de « période de repos », que les SPV exerçant une activité professionnelle devront respecter un repos journalier obligatoire de 11 heures consécutives par 24 heures, empêchant leur mobilisation après une journée de travail. Par ailleurs, les SPV ne pourront plus déroger au plafond annuel de travail, ce qui réduira considérablement les heures qu'ils consacrent à leur activité de secours. Alors que le modèle de secours français repose essentiellement sur le volontariat (actuellement 192 582 SPV et 41 973 professionnels), l'application de cette mesure européenne sur le territoire national mènerait peu à peu à une professionnalisation de cette activité volontaire, dont l'impact serait préjudiciable : baisse d'effectifs, assèchement de la ressource volontaire, réduction du potentiel en garde postée en journée et la nuit... En octobre 2017, le Président de la République s'est engagé à « défendre farouchement le modèle reposant sur le volontariat des sapeurs-pompiers qui n'est ni du salariat ni du bénévolat, un modèle unique en son genre qui constitue une référence [...] je veux que nous le consolidions, que nous le renforcions, que nous puissions continuer à en faire la référence pour nombre de nos partenaires et voisins ». Pour ce faire, une consultation élargie a été lancée sous l'égide de son ministère pour arrêter sur la durée du quinquennat un plan innovant et ambitieux concernant le volontariat. Elle souhaiterait avoir un état des lieux de cette concertation et si elle a déjà permis d'identifier quelques pistes susceptibles de préserver le modèle français de sécurité civile.

Réponse émise le 12 mars 2019

La sécurité civile française repose sur un modèle qui démontre chaque jour sa pertinence et sa robustesse. Par son organisation et son implantation territoriale cohérente, notamment dans les zones rurales, le modèle français permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien, que d'affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la pérennité de la mission des 240 000 sapeurs-pompiers volontaires (SPV) et professionnels, doit être conforté. L'engagement des SPV contribue à garantir, chaque jour, la continuité opérationnelle du service public de protection et de secours à la population. La pérennité et l'attractivité du volontariat dépendent de sa capacité à s'adapter aux nouvelles formes d'engagement, attendues par les plus jeunes qui aspirent davantage aujourd'hui à pouvoir concilier vie privée, vie professionnelle et engagement. Pour stimuler le volontariat, rendre cet engagement pérenne et fidéliser dès à présent les plus jeunes, le ministre de l'intérieur a souhaité la mise en œuvre d'un nouveau plan d'action en faveur du volontariat, qui se déploiera dans les prochaines années. C'est dans ce cadre qu'une mission de réflexion dédiée a été lancée le 4 décembre 2017. La mission a remis son rapport au ministre de l'intérieur le 23 mai 2018. Le Gouvernement a présenté, le 29 septembre 2018, les 37 mesures du plan d'action que porte le ministère de l'intérieur en faveur du volontariat et qui vise trois objectifs principaux : attirer et susciter des vocations, en représentant mieux notre société, en donnant toute leur place aux femmes et en intégrant les jeunes venant de tous les horizons ; fidéliser et mettre le SPV au cœur du dispositif, en prenant en compte les compétences individuelles et les contraintes et les obligations des employeurs ; diffuser les bonnes pratiques et s'assurer de l'utilisation de tous les outils mis à disposition. Sur les 37 mesures présentées, 19 seront réalisées d'ici la fin du premier trimestre 2019. Mais c'est également au niveau européen que se dessine l'avenir de notre modèle de sécurité civile. L'objectif de la directive européenne concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (2003/88/CE) est de garantir à tous les travailleurs de l'Union européenne un socle de droits communs, harmonisé et protecteur. L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt « Matzak ») suscite une inquiétude chez les SPV, qui craignent une remise en cause du modèle français de sécurité civile. En effet, l'assimilation sans aménagement du volontariat à un travail pourrait limiter sa compatibilité avec tout autre emploi salarié en ce que le cumul d'activité résultant de cette assimilation pourrait potentiellement conduire à un dépassement des plafonds, rendant le salarié inemployable à l'issue d'une période d'activité de SPV. Dès lors, le Gouvernement, qui entend et partage la préoccupation des SPV et des élus, a immédiatement fait part de sa volonté de protéger notre système de secours, reposant précisément, pour sa plus grande part, sur l'engagement citoyen des SPV. Plusieurs pistes de travail sont engagées afin de protéger ce modèle de volontariat. D'une part, via une démarche auprès des autorités européennes pour consacrer le caractère spécifique de l'activité de SPV. D'autre part, afin de se prémunir de tout effet préjudiciable qu'entraînerait une application directe de l'arrêt « Matzak », le Gouvernement entreprendra la transposition de la directive, afin d'en exploiter les larges facultés de dérogation.

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