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Aurélien Pradié
Question N° 13343 au Secrétariat d'état aux personnes handicapées


Question soumise le 16 octobre 2018

M. Aurélien Pradié attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur la réforme de l'OETH prévue par la loi du 5 septembre 2018, dite loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Jusqu'ici, les employeurs pouvaient s'acquitter de leur obligation d'emploi des travailleurs handicapés à hauteur de 50 % maximum en concluant des contrats de sous-traitance avec le secteur protégé ou adapté, qui comprend notamment les entreprises adaptées (EA) et les établissement d'aides par le travail (ESAT). Cette possibilité a été abrogée par la loi du 5 septembre 2018 afin de favoriser l'emploi direct en entreprise, un objectif louable mais qui méconnaît totalement les difficultés d'emploi des travailleurs handicapés. D'abord, cette réforme ne reconnaît pas suffisamment le rôle des structures spécialisées dans la mise en œuvre d'un droit au travail et à la citoyenneté sociale des personnes handicapées. Ensuite, elle suppose que les entreprises recruteront désormais, « tout naturellement », ces travailleurs avec des contrats directs. Cela donne aux EA et ESAT le sentiment légitime d'être considérées comme les responsables de leur non inclusion en milieu ordinaire de travail. Or ce milieu ordinaire ne saurait être accessible à de nombreuses personnes accueillies dans les ESAT, quels que soient les aménagements effectués. Enfin, une étude de l'OCDE démontre que dans les États où il n'existe pas de structure spécialisée telles que les EA ou les ESAT, une très grande majorité des personnes handicapées mentales et psychiques n'ont pas d'activité professionnelle. Ces personnes représentent 93 % des travailleurs d'ESAT. Pour les autres, s'il est vrai que ce type de dispositif ne leur permet pas une véritable réinsertion dans le marché du travail, il leur offre au moins la possibilité d'un retour à l'emploi. Il lui demande comment le Gouvernement compte faire pour que les entreprises respectent leur obligation d'emploi des travailleurs handicapés sans la possibilité de recourir aux EA et ESAT.

Réponse émise le 29 janvier 2019

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel réforme l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH), trente ans après la création de cette obligation pour les entreprises par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Cette réforme part d'un constat : le taux d'emploi direct dans le secteur privé n'est que de 3,4 %, à comparer à une obligation fixée à 6 %, et il ne progresse que de 0,1 point par an. Dans la société inclusive que le Gouvernement entend construire, ce constat n'est pas acceptable. C'est pourquoi la loi du 5 septembre 2018 entend réaffirmer la cible de 6 % de travailleurs handicapés en emploi ordinaire, telle que souhaitée par les concepteurs de cette obligation, et donner véritablement aux entreprises les moyens d'être des entreprises inclusives. Dans cet objectif, le 12° de l'article 67 de la loi du 5 septembre 2018 fait évoluer la prise en compte des contrats de sous-traitance auprès d'entreprises fortement employeuses de travailleurs handicapés (entreprises adaptées, ESAT) ou de travailleurs handicapés indépendants. Aujourd'hui, ces achats de sous-traitance constituent une modalité d'acquittement de l'OETH en tant qu'emploi indirect de travailleurs handicapés, alors même que les personnes concernées sont placées dans des situations d'emploi très différentes des salariés de l'entreprise donneuse d'ordre. A compter de 2020, ces achats seront toujours pris en compte, mais de manière différente, pour venir en déduction des contributions des entreprises qui ne respectent pas l'obligation d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés. De cette manière, l'emploi direct des travailleurs handicapés dans l'entreprise est conforté, sans remettre en cause l'intérêt financier pour les entreprises de recourir aux entreprises adaptées, aux ESAT ou aux travailleurs handicapés indépendants. Lors de la concertation très soutenue avec les partenaires sociaux et les représentants des associations qui a précédé l'adoption de ces dispositions, l'Etat s'est engagé à ce que ce nouveau mode de valorisation respecte un principe de neutralité financière, afin de maintenir l'effet incitatif du recours à la sous-traitance auprès des entreprises adaptées, des ESAT et des travailleurs handicapés indépendants. Les modalités de calcul précises du nouveau mode de valorisation, tenant compte de l'objectif de neutralité financière, seront définies par décret en concertation avec les acteurs concernés. Cette dernière va prochainement s'engager. Le Gouvernement reconnaît et soutient pleinement le rôle joué par le secteur adapté et le secteur protégé dans l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Conjointement avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a été signé le 12 juillet 2018 un engagement national « Cap vers l'entreprise inclusive 2018-2022 » avec l'UNEA, l'APF France handicap et l'UNAPEI, pour créer 40 000 emplois supplémentaires en entreprises adaptées d'ici 2022. A cet effet, l'Etat s'est engagé à accompagner cet objectif par un effort budgétaire massif, conduisant à porter les aides publiques en faveur du secteur adapté à 500 millions d'euros par an d'ici 2022. Parallèlement, le Gouvernement a prévu plusieurs mesures pour accompagner les entreprises dans cette réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Tout d'abord, la loi du 5 septembre 2018 valorise toutes les formes d'emploi des travailleurs handicapés (stages, période de mise en situation professionnelle, intérim) pour le calcul du taux d'emploi direct des travailleurs handicapés dans les entreprises. Par ailleurs, le Gouvernement a lancé en juillet 2018 une concertation réunissant l'ensemble des acteurs concernés (associations, partenaires sociaux, Agefiph, FIPHFP, service public de l'emploi), afin de rénover et de mettre en cohérence l'offre de services aux entreprises au bénéfice de l'emploi des travailleurs handicapés.

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