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Pierre Morel-À-L'Huissier
Question N° 13718 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 30 octobre 2018

M. Pierre Morel-À-L'Huissier alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la protection de l'activité pastorale en France. Relevant de pratiques ancestrales, porteur de l'identité d'un territoire, le pastoralisme s'insère également activement dans la vie économique de ces territoires en permettant de créer et maintenir des emplois, ou en constituant des atouts touristiques importants. Il permet en même temps de préserver des milieux naturels qui autrement seraient délaissés, et diminue par exemple les risques d'incendie ou d'avalanches. La Lozère est ainsi concernée directement par ces activités, et une importante partie de son territoire a été classée à ce titre au patrimoine mondial par l'Unesco en 2011. Or des menaces récurrentes fragilisent le pastoralisme, au premier rang desquelles on peut citer le rôle particulièrement néfaste des grands prédateurs. Les loups causent de lourds dégâts au sein des troupeaux. Aucune politique, mesure ponctuelle ou plan global, ne semble vraiment pouvoir - ou vouloir - protéger les éleveurs ; pire, deux ourses ont même été réintroduites dans les Pyrénées-Atlantiques au mois d'octobre 2018. Cette politique de protection et de réintroduction de grands prédateurs est dangereuse, aussi bien pour l'activité d'élevage que pour les éleveurs eux-mêmes. Elle semble ainsi particulièrement éloignée des réalités de la vie locale, et en tout cas en opposition directe avec la mission du Gouvernement telle qu'exposée à l'article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime, lui imposant de protéger « les troupeaux des attaques du loup et de l'ours dans les territoires exposés à ce risque ». Il souhaite donc lui demander quand et de quelle façon le Gouvernement entend remplir sa mission afin de protéger les éleveurs, leurs bêtes, un pan entier de la vie économique locale et un savoir-faire reconnu internationalement.

Réponse émise le 19 mars 2019

Le loup est une espèce « strictement protégée » au titre de la convention de Berne et de la directive européenne « habitats, faune, flore », mais son expansion, dans un contexte d'activités pastorales, remet en question la vitalité de certains territoires. C'est pourquoi depuis 2004, les plans nationaux d'actions précisent le dispositif de soutien aux éleveurs pour protéger leurs troupeaux et autoriser le prélèvement de loups. Face à l'augmentation du nombre de victimes constatée ces dernières années (plus de 12 515 en 2018, soit une augmentation de 55 % en quatre ans), l'État renforce ce type de dispositif avec le plan national d'actions loup 2018-2023. Ce plan a été élaboré avec l'ensemble des partenaires concernés, notamment les représentants de la profession agricole. Il apporte une réponse collective à un double impératif : d'une part, protéger le loup et, d'autre part, permettre au pastoralisme d'atteindre ses objectifs économiques, garantir l'aménagement des espaces ruraux et le lien social indispensable à la vie de nos territoires. Ce plan d'actions porte de réelles avancées afin de concilier au mieux l'activité d'élevage avec la présence du prédateur. Les principales actions d'ores et déjà engagées méritent d'être soulignées. En premier lieu, l'État mobilise des crédits afin d'aider les éleveurs à mettre en place des moyens de protection. En 2018, 24,66 M€ (dont environ la moitié issue du fonds européen agricole pour le développement rural) ont été versés pour 2 624 éleveurs ayant déposé une demande d'aide pour protéger leurs troupeaux. Un nouveau dispositif d'accompagnement technique des éleveurs a été ouvert en vue d'optimiser l'efficacité des moyens de protection. Cette mesure a été notamment utilisée pour accompagner les éleveurs à la mise en place et à l'utilisation des chiens de protection grâce à des conseils personnalisés et des formations collectives. Ils ont ainsi pu bénéficier des savoirs et savoirs-faires du réseau national d'expertise sur les chiens de protection mis en place courant 2018. Par ailleurs, deux brigades de bergers mobiles ont été déployées dans les parcs nationaux de la Vanoise et du Mercantour afin de venir prêter main forte aux bergers en difficulté. Enfin, afin d'acquérir davantage de visibilité sur les capacités du pastoralisme à se maintenir voire se développer en présence du loup à l'horizon 2035, une étude prospective a été lancée fin 2018. Les conclusions sont attendues pour le mois de juin 2019. En matière d'indemnisation des dommages, 3,44 M€ ont été versés suite à 3 674 constats d'attaques. Un travail de refonte des barèmes d'indemnisation a été mené en concertation avec les organisations professionnelles et non gouvernementales concernées. Il doit aboutir à une revalorisation très prochainement. Ce nouveau cadre intègre également les exigences issues des lignes directrices agricoles de l'Union européenne concernant les aides d'État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales 2014/2020 qui conditionnent l'indemnisation à la mise en œuvre préalable de mesures de protection. Cette règle sera déployée de façon souple et progressive afin de laisser le temps aux éleveurs de s'adapter. Par ailleurs, elle ne sera pas mise en œuvre pour les troupeaux et les zones reconnues comme difficilement protégeables. En matière de tirs, la réglementation issue du plan loup 2018-2023 met en place le droit de défense permanent des troupeaux au profit des éleveurs. Cela leur donne la possibilité d'utiliser les tirs de défense simples toute l'année et au-delà du plafond annuel de loups pouvant être éliminés. 1 469 arrêtés autorisant des tirs ont été accordés en 2018. Cette possibilité de tirs de défense sera également possible pour les éleveurs qui n'ont pas mis en place les mesures de protection dès lors que leurs troupeaux ou zones de pâturage auront été reconnus comme non protégeables. Le plan national pour le loup et les activités d'élevage s'inscrit dans le cadre d'une gestion adaptative consistant à adapter la gestion de l'espèce à la dynamique de population et à sa connaissance. L'atteinte prochaine du seuil de 500 loups en sortie d'hiver 2018/2019 et la dynamique de la population observée (de l'ordre de 20 % entre 2017 et 2018) est l'occasion de réexaminer le dispositif, comme le Gouvernement s'y est engagé. Cet effectif est en effet considéré, en l'état actuel des connaissances scientifiques, comme un seuil de viabilité démographique de l'espèce. Ainsi, le taux de prélèvement de loups actuellement fixé à 10 % maximum de l'effectif moyen (avec possibilité de 2 % de prélèvement additionnel) sera relevé afin de pouvoir tendre vers une stabilisation du nombre de loups. Des aménagements sont également prévus afin de rendre l'ensemble du dispositif plus efficace et de parvenir à une diminution des dommages sur les troupeaux. Les orientations retenues s'articulent autour de trois priorités : une gestion davantage territorialisée afin de s'adapter à la diversité des situations, la simplification et le renforcement du protocole de tirs afin d'améliorer leur efficacité et leur sécurité et, enfin, la simplification des démarches administratives pour les éleveurs. L'avancée de ces nouvelles mesures ainsi que le suivi des différentes actions du plan pour le loup et les activités d'élevage font l'objet d'échanges et d'informations avec l'ensemble des parties prenantes dans le cadre du groupe national loup. Il s'agit de parvenir à un traitement équilibré du dossier au regard des différents enjeux. Pour ce qui concerne l'ours, le ministère de la transition écologique et solidaire a renforcé le noyau occidental de la population ursine, avec l'introduction au mois d'octobre 2018 de deux femelles dans la partie occidentale des Pyrénées. Cette introduction porte à 45 le nombre d'ours présents dans la totalité des Pyrénées et s'inscrit dans le cadre du plan d'actions ours publié le 9 mai 2018. Afin de mettre en place les conditions d'une coexistence apaisée de l'ours et du pastoralisme sur le territoire des Pyrénées, les ministères chargés de l'agriculture et de la transition écologique et solidaire ont commandé une mission d'audit aux corps d'inspection de l'environnement et de l'agriculture sur les mesures d'accompagnement des éleveurs confrontés à la prédation et aux difficultés du pastoralisme. Les préconisations de ce rapport font l'objet d'une feuille de route qui doit être présentée aux acteurs locaux courant mars 2019. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est déterminé, avec l'ensemble du Gouvernement, à agir dans le sens de la sauvegarde du pastoralisme, dont le maintien est déterminant pour le bon développement économique, social et écologique de nos territoires.

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