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Fabien Matras
Question N° 13951 au Ministère du travail


Question soumise le 6 novembre 2018

M. Fabien Matras attire l'attention de Mme la ministre du travail sur les problématiques soulevées par le développement de vidéos mettant en scène de jeunes enfants sur des plateformes multimédias gratuites comme YouTube. L'utilisation de leur image n'est pas neutre et contribue, malgré le très jeune âge de ces enfants dans certains cas, à en faire « des influenceurs » non-protégés par le droit du travail du fait d'un cadre juridique flou. En effet, dans ces vidéos les parents mettent en scène leurs enfants (parfois dès l'âge de quatre an) en train de procéder à diverses activités comme l'«  unboxing  » ou dans certains moments du quotidien. Ces vidéos sont bien souvent sponsorisées par des marques opérant ainsi des placements de produits destinés aux jeunes spectateurs de ces vidéos. Légalement, l'emploi de mineurs de moins de 16 ans est encadré par plusieurs règles restrictives. Elles doivent notamment donner lieu à une prestation, à un lien de subordination ainsi qu'à une rémunération, dont une partie est versée sur un compte dédié à l'enfant et géré par la caisse de consignation, et soumise à l'autorisation de l'article R. 7124-1 du code du travail. Pourtant, actuellement, le cadre juridique incertain qui entoure ces chaînes vidéos n'est pas sans effets sur la garantie des droits de ces enfants. En effet, ces chaînes relèvent du « loisir privé » or, paradoxalement, elles sont utilisées à des fins financières et les enfants de ces chaînes « de loisirs » sont juridiquement considérés comme employés professionnels. En outre, les conditions entourant la rémunération des vidéos sur YouTube (par le système monétisation ou de sponsoring) ne permettent pas de garantir qu'au moins une partie de l'argent revienne aux enfants comme cela devrait être le cas. Par ailleurs, l'article R. 7124-1 du code du travail qui soumet à autorisation préfectorale l'emploi de mineurs de moins de 16 ans pour un spectacle ou des productions déterminée a été modifié par le décret n° 2017-871 du 9 mai 2017 pour y intégrer l'organisation des compétitions de jeux vidéo, mais cette adaptation n'a pas pris en compte la pratique évolutive de ces vidéos. Au-delà de l'absence de cadre juridique adapté, ces chaînes ne sont pas sans risques quant sécurité et la psyché des enfants exposés. En effet, le président de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines estimait ainsi que ces activités viennent perturber le développement personnel de l'enfant en effaçant les limites entre les notions de vie privée et familiale au profit d'une course à l'égo induite par la visibilité sur internet nécessaire à ce genre d'activité. Le Défenseur des droits, saisi à ce sujet, a par ailleurs déclaré être « préoccupé » par le développement du phénomène. En conséquence, il lui demande ce qu'il compte faire pour adapter le cadre juridique existant à ces problématiques.

Réponse émise le 4 décembre 2018

Le développement des vidéos, qui consistait initialement pour des parents à filmer leurs enfants dans le cadre de leurs activités de loisir n'est actuellement pas encadré de façon spécifique par le code du travail, précisément parce qu'il s'agissait d'activités de loisirs. Ce phénomène tant en terme de volume que de flux financiers conduit désormais à s'interroger sur la qualification « d'activités de loisirs » au regard de critères, notamment dégagés par la jurisprudence, qui caractérisent la relation de travail tels que l'obligation de prendre part à l'activité, de suivre des règles définies unilatéralement, l'orientation dans l'analyse de la conduite ou la disponibilité permanente, la possibilité de sanctionner toute infraction à ces obligations. Toutes les vidéos mises en ligne ne répondent pas à ces critères. Nombre d'entre elles relèvent encore de l‘activité de loisir. Cependant la « superposition » entre lien de subordination et autorité parentale ne doit pas servir à masquer une éventuelle prestation de travail de la part des enfants qui, dès lors, relèverait des dispositions du code travail, lequel ne permet le travail des mineurs de seize ans que dans des secteurs limitativement énumérés et sous conditions d'obtention d'une autorisation individuelle. Dans tous les cas, le cadre légal de cette activité prenant en compte l'indispensable protection de la jeunesse et du respect des droits de l'enfant, nécessite d'être clarifié. C'est pourquoi, la ministre du travail a demandé à ses services de mener une expertise sur cette question.

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