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Pierre Morel-À-L'Huissier
Question N° 14309 au Ministère de l'action


Question soumise le 20 novembre 2018

M. Pierre Morel-À-L'Huissier appelle l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le marché illicite des cigarettes. En effet, la France est le pays le plus touché en Europe par ce phénomène : plus de 7,61 milliards de cigarettes consommées dans en France sont issues de la contrebande, dont le quart est de provenance algérienne. Il semblerait que cela s'aggrave encore en 2018, possible conséquence des récentes hausses du prix du tabac dans le cadre des campagnes de santé publique. Loin de profiter à l'État, cette augmentation apparaît comme favorisant le commerce illicite, celui-ci engendrant une perte annuelle de rentrées fiscales de plus de 2 milliards d'euros. Le réseau des distributeurs se trouve donc doublement déstabilisé; les fermetures de ces commerces de proximité par excellence, souvent dernière activité dans de nombreux villages ruraux, s'accélèrent. Les territoires frontaliers sont particulièrement touchés. Il souhaite donc lui demander quelles sont les mesures mises en œuvre pour lutter efficacement contre cette contrebande.

Réponse émise le 12 février 2019

Le Gouvernement a engagé une politique de santé publique ambitieuse en matière de lutte contre le tabagisme. Elle passe notamment par l'augmentation de la fiscalité, chaque année, jusqu'en 2020. Conscient des conséquences de cette politique sur l'activité des débitants de tabac, le ministre de l'action et des comptes publics a signé, le 2 février 2018, avec le président de la confédération des buralistes, un protocole d'accord couvrant la période 2018-2021 sur la transformation du réseau des buralistes. Ce protocole vise, en premier lieu, à donner aux débitants de tabac les moyens de réaliser la transformation durable de l'exercice de leur métier. Cela passe par la création d'un fonds de transformation, d'un montant annuel moyen de 20 millions d'euros par an sur la durée du protocole, dont l'objectif est d'accompagner la mutation du métier de débitant de tabac vers celui de commerçant de proximité. Le protocole a, par ailleurs, pour objectif de soutenir les buralistes dont l'activité économique serait significativement pénalisée par l'augmentation des prix du tabac. Il vise également à accompagner les buralistes les plus fragiles, notamment dans les zones rurales et frontalières, en renforçant les aides existantes. Le ministre de l'action et des comptes publics s'est déplacé en Andorre le 16 mars 2018 afin de signer, avec le premier ministre andorran, une lettre d'intention visant à renforcer la coordination entre les services français et andorrans contre la fraude transfrontalière, notamment en matière de contrebande de tabacs. Cette lettre d'intention, entrée en vigueur le 1er avril 2018, facilite la transmission d'informations et la réalisation de contrôles, surveillances et constatations opérationnelles dans le cadre des missions de lutte contre la fraude des services français et andorrans. Elle prévoit notamment de donner toute sa force à la constitution de patrouilles mixtes de surveillance et de contrôle dès le 1er avril 2018. Au-delà de ces mesures d'accompagnement du réseau des buralistes, la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac est la priorité assignée par le ministre de l'action et des comptes publics à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Les résultats des saisies sont ainsi publiés chaque semaine sur le site interne de la douane. Les trois axes de la stratégie mise en place à cet effet par la DGDDI sont : - Protéger des frontières de plus en plus ouvertes et immatérielles. Nous renforçons ainsi notre coopération avec Andorre. Dans le même temps, CYBERDOUANE agit sur les réseaux sociaux et le darkweb. Ce service s'est d'ailleurs illustré, dans le courant du mois d'octobre 2018, par une saisie de près d'une tonne de tabac à narguilé à Nantes et le démantèlement du réseau qui faisait un commerce illicite sur les réseaux sociaux. - Lutter contre les trafics d'ampleur en lien avec la criminalité organisée. Ainsi, les services d'Hendaye ont intercepté 8,7 tonnes de cigarettes le 27 septembre 2018. Les douaniers du Havre ont contrôlé un conteneur chargé de 10 tonnes de cigarettes de contrebande le 6 octobre 2018. Enfin les agents de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières ont démantelé, durant la même période, un réseau de trafiquants qui s'apprêtait à écouler 11 tonnes de tabac à narguilé. - Lutter contre les trafics fourmis. En créant une réputation d'importation en contrebande qui vise les particuliers transportant plus de quatre cartouches de cigarettes dans le cadre de la loi n° 2018-898 du 23/10/2018 relative à la lutte contre la fraude, le Gouvernement se donne les moyens d'agir pour préserver la santé de ses concitoyens ainsi que les recettes fiscales. Pour conclure sur ce point, le régime de sanctions fiscales a été considérablement durci en fixant l'amende de 50 000 € à 250 000 € pour les faits de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicites de tabac, lorsqu'ils sont commis en bande organisée. Concernant spécifiquement l'Algérie, les chiffres cités sont issus d'une étude financée par l'industrie du tabac, dont la DGDDI ne reconnaît ni la méthode, ni l'indépendance vis-à-vis des manufacturiers. Toutefois, l'évaluation du risque d'importation en contrebande de tabac en provenance d'Algérie a conduit, dès 2013, à une réorganisation des services douaniers et de leurs méthodes de contrôle. Cela s'est traduit très concrètement, entre 2015 et 2017, par des augmentations des quantités de tabac saisi en provenance d'Algérie (+49,2%) et du nombre de constatations réalisées par les services douaniers (+41%). De plus, le service national de douane judiciaire (SNDJ) a opéré de très importants démantèlements de réseaux de contrebande de cigarettes en provenance d'Algérie. Enfin, afin de relancer la coopération opérationnelle entre douanes françaises et algériennes, les deux directeurs généraux se sont rencontrés à Marseille le 17 avril 2018. Cette rencontre a permis, d'une part, d'afficher la volonté commune de renforcer la coopération opérationnelle, en particulier en matière de trafic de cigarettes, et, d'autre part, d'élaborer un programme d'échanges qui a débuté effectivement dès le mois de novembre. En effet, les 6 et 7 novembre 2018, une délégation algérienne a rencontré la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la direction régionale des douanes de Marseille, pour aborder la coopération opérationnelle en matière de trafic de cigarettes notamment. Elle a été suivie d'une visite à Alger les 13 et 14 novembre d'une délégation douanière française sur le même thème. Parallèlement à cette démarche bilatérale, la DGDDI vient d'être retenue par la Commission européenne, dans le cadre d'un programme de jumelage, pour mettre en place, sur 2 ans, un projet visant à créer une centrale d'analyse de risques en Algérie. La douane française s'est engagée en tant que leader de ce projet, avec les douanes italiennes pour partenaires. Elle va ainsi développer des liens étroits avec les douanes algériennes en matière de ciblage, ce qui contribuera, à moyen ou long terme, à renforcer notre action commune en matière de lutte contre le trafic de cigarettes.

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