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Émilie Cariou
Question N° 14797 au Ministère de l'action


Question soumise le 4 décembre 2018

Mme Émilie Cariou attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le sujet du rapport pays par pays (Country by Country Report ou CbCR) et ses perspectives en France et en Europe. La France a introduit dans son droit interne un dispositif général de rapport pays par pays obligatoire, à transmettre à l'administration fiscale pour les entreprises dépassant des seuils de taille (article 223 quinquies C du code général des impôts). Elle fait suite aux règles convenues dans le cadre de l'OCDE, organisées dans le cadre de son programme d'action BEPS (action 13), le droit fiscal reprend comme il le doit les règles de l'OCDE telles que déclinées à échelon européen, en particulier la directive n° 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal, notamment impulsé par le Commissaire européen à la fiscalité M. Pierre Moscovici. Il est, par ailleurs, question de longue date d'ajouter à ce CbCR fiscal un CbCR public, comme il peut en exister dans certains secteurs spécifiques (banque, extraction minière). Le Conseil constitutionnel a pour l'instant exclu un CbCR trop général, par sa décision sur la loi Sapin II n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, en y opposant de façon extrêmement générale la liberté d'entreprendre. Elle lui demande quelle est l'utilisation qui est faite des CbCR déclarés aux autorités fiscales françaises prévus à l'article 223 quinquies C du code général des impôts pour lutter contre l'évasion fiscale et l'optimisation fiscale agressive. Elle souhaite également savoir dans quelle mesure ces documents sont mis à profit par les services fiscaux, par exemple dans leur activité de contrôle fiscal. Elle lui demande également dans quelle mesure l'administration fiscale peut donner accès à la recherche économique à ces données, sous réserve d'anonymisation le cas échéant, et dans quelles perspectives elles sont projetées, en la matière, par l'investissement dans le big data associé à la récente loi contre la fraude. Enfin, elle souhaite savoir quelles demandes d'informations sont faites aux partenaires européens et internationaux de la France pour accéder aux rapports pays par pays qui leur sont faits, notamment dans les entreprises géantes du numérique et, réciproquement, quelles sont les demandes faites par les partenaires européens et internationaux, sous réserves de réciprocité, pour accéder aux informations inscrites aux rapports pays par pays déclarés en France. Par ailleurs, elle lui demande quelles sont les perspectives qui sont celles des autorités françaises sur le sujet d'un CbCR public, permettant aux citoyens, à la société civile et aux ONG de s'emparer de ces informations. Une proposition de directive, a été adoptée au Parlement européen le 4 juillet 2017 à une très large majorité. Des députés de tous bords, notamment français, continuent de rappeler l'utilité de cette mesure. La transparence n'est pas la solution suffisante pour régler les problèmes de répartition de la valeur et d'imposition entre pays et elle doit être conciliée de façon fine et proportionnée avec les intérêts légitimes et stratégiques des entreprises. Toujours est-il que ce qui résulte de la décision sur la loi Sapin II par sa généralité et l'actuel état de suspension de la procédure parlementaire européenne sur ce CbCR public ne peuvent satisfaire la représentation nationale comme les Français.

Réponse émise le 16 avril 2019

En application de la directive européenne 2016/881 et de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays, plus d'une cinquantaine de juridictions, dont l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, s'échangent de façon automatique les informations contenues dans les rapports pays-par-pays déclarés par les groupes multinationaux réalisant un chiffre d'affaires annuel de plus de 750 millions d'euros. L'administration fiscale française reçoit donc depuis 2018, les données déposées par les groupes français mais également les données transmises par les pays étrangers qui concernent des groupes étrangers liés à des entreprises localisées en France. Ainsi, fin février 2019, l'administration a reçu 1209 déclarations Country by Country Reporting (CBCR) au titre de l'année 2016, 1355 au titre de l'année 2017 et, pour le moment, 2 au titre de l'année 2018. Chaque déclaration peut concerner plusieurs sociétés, puisqu'une déclaration unique est déposée au titre de l'ensemble des sociétés liées. On retrouve notamment dans ces données, les déclarations CBCR déposées, en France ou à l'étranger, par les grandes entreprises du numérique.  Ces données ont été transmises, après un premier travail de mise en qualité formelle, à la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), direction chargée du contrôle de ces entreprises, pour une première analyse de leur intérêt.  Lors d'un premier retour effectué en février dernier, cette direction souligne que ces données lui ont permis :  - d'améliorer la pertinence de l'outil interne de connaissance des entreprises en renforçant la connaissance du périmètre du groupe dans lequel se situent les entreprises françaises et la répartition des fonctions économiques et commerciales entre chaque entité.  - d'enrichir des requêtes d'analyse risque existantes ou d'en créer de nouvelles couvrant des risques jusqu'ici non exploités. Les travaux ont notamment porté sur l'analyse des redevances et honoraires intragroupes, la localisation de la propriété intellectuelle ou des activités financières. Ces requêtes vont désormais être généralisées au niveau national pour l'analyse des entreprises de plus petite taille, par la cellule d'analyse de données du service du contrôle fiscal. Ces travaux participent des investissements numériques réalisés par la direction générale des finances publiques et s'intègrent notamment dans le cadre du projet « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » qui a fait l'objet d'un financement complémentaire de 5,2M€ au titre du fonds de transformation de l'action publique. L'utilisation des données contenues dans les CBCR s'effectue donc conformément aux dispositions internationales lesquelles en prévoient une exploitation « appropriée » limitée à des fins d'évaluation générale des risques liés aux prix de transfert et des autres risques d'érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices. Cette utilisation « appropriée » permet également d'exploiter les données à des fins d'analyse économique et statistique, sous réserve du respect du secret professionnel.  Enfin, les autorités françaises soutiennent la mise en place, au niveau européen, d'un CBCR public, tout en veillant à ce que cette transparence renforcée ne porte pas préjudice à la compétitivité des groupes européens.

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