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Muriel Ressiguier
Question N° 14804 au Ministère de l'action


Question soumise le 4 décembre 2018

Mme Muriel Ressiguier interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la délinquance en col blanc que constitue la fraude fiscale. Le 18 octobre 2018, on a eu connaissance d'un nouveau scandale d'évasion fiscale baptisé « CumEx files », concernant de vastes arnaques aux impôts sur les dividendes à l'échelle européenne. Des montages crapuleux entre des banques, des avocats fiscalistes et de grandes entreprises auraient lésé une dizaine de pays européens et leur population de 55 milliards d'euros dont pas moins de 3 milliards d'euros par an pour ce qui concerne la France, depuis une quinzaine d'années. Il s'agit en effet de manœuvres frauduleuses consistant à monter des dispositifs d'optimisation fiscale et de fraude fiscale dans lesquels les actions changent très vite de mains aux alentours de la date de paiement du dividende. Les propriétaires complices peuvent ainsi contourner l'impôt légitimement dû dans le cas des « CumCum » en brouillant les pistes, voire escroquer le fisc dans le cas des « CumEx » en se faisant rembourser plusieurs fois des impôts ! En effet, deux types de montages sont à différencier. Dans le cas des « CumCum », il s'agit d'un montage légal d'optimisation fiscale qui consiste à tirer profit des accords bilatéraux entre la France et un pays étranger, selon lesquels les investisseurs étrangers sont taxés à 0 % sur les dividendes. C'est le cas de Dubaï par exemple. Quelques jours avant le versement du dividende, l'investisseur français vend son action à l'investisseur étranger qui reçoit les dividendes et est exonéré de taxes. Il restitue ensuite l'action et les dividendes à l'investisseur français qui, ayant échappé à la taxe, n'a plus qu'à lui verser une commission pour le service rendu. Concernant les « CumEx », le montage est plus complexe et relève véritablement d'une pratique illégale de fraude fiscale. Jouant sur les remboursements d'impôts auxquels ont droit certains investisseurs étrangers, trois investisseurs complices se revendent en très peu de temps des centaines de milliers d'actions autour de la date de paiement du dividende. Grâce à cette technique, le fisc n'arrive plus vraiment à savoir qui est le véritable propriétaire de l'action. Il va donc être amené à rembourser plusieurs fois des taxes qu'il n'a même pas prélevé. Autrement dit, il s'agit d'un vol d'argent public en bande organisée et bien connu de tous auquel participent plusieurs grandes banques européennes. Concernant la France, trois banques dont BNP Paribas, le Crédit lyonnais et la Société Générale seraient concernées et la France serait une cible de choix pour ces opérations. Selon les derniers chiffres du syndicat « Solidaires finances publiques », publiés dans un rapport daté du 12 septembre 2018, le coût annuel de la fraude fiscale en France s'élèverait à au moins 80 milliards d'euros et pourrait même atteindre les 100 milliards. Or, si ces montages ont été identifiés par Bercy, le ministère des finances explique que les dossiers susceptibles de franchir la ligne rouge entre l'optimisation fiscale (légale) et la fraude fiscale (illégale) sont peu nombreux. Par ailleurs, pour pouvoir sanctionner, le fisc doit prouver que ces opérations ont une visée « exclusivement d'optimisation fiscale » et relèvent de l'abus de droit. C'est précisément pour cette raison que le groupe France Insoumise a proposé de renforcer la notion « d'abus de droit » lors de l'examen de la loi de lutte contre la fraude, étant donné que la définition actuelle trop restrictive la rend inapplicable. Dans un climat tendu où la soif de justice sociale est criante, elle lui demande ce qu'attend le Gouvernement français pour rendre illégaux ces montages d'évasion fiscale d'une part, et pour sanctionner les montages de fraude fiscale d'autre part.

Réponse émise le 4 juin 2019

La lutte contre la fraude fiscale est une priorité du Gouvernement et les schémas de fraude complexes doivent être combattus par une réponse appropriée. Si les règles relatives au secret fiscal ne permettent pas de répondre précisément sur les cas particuliers cités par l'auteure de la question, les précisions suivantes peuvent toutefois être apportées. Pour mettre fin aux schémas permettant d'exonérer de manière injustifiée les dividendes versés à des non-résidents, la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a instauré l'article 119 bis A du code général des impôts qui conduit à soumettre à la retenue à la source les cessions temporaires de titres dès lors que ces opérations sont réalisées moins de quarante-cinq jours avant la distribution des dividendes attachés à leur détention. Ce dispositif oblige en outre les établissements payeurs à transmettre, sur demande de l'administration, l'ensemble des informations relatives à ces opérations et plus particulièrement celles relatives à l'émetteur des parts ainsi que le destinataire des versements. Par ailleurs, la loi de finances pour 2019 a instauré l'article L. 64 A du livre des procédures fiscales (LPF) qui a étendu la procédure de l'abus de droit aux opérations qui ont un but principalement fiscal et non pas exclusivement fiscal, tel que prévu par l'article L. 64 du LPF. Applicable à compter de 2020, cette nouvelle disposition complétera l'arsenal des mesures permettant de remettre en cause certains schémas abusifs ou frauduleux. Enfin, s'agissant des montages fondés sur l'utilisation abusive des conventions fiscales, outre les clauses anti-abus générales ou spécifiques figurant dans certaines conventions fiscales conclues à ce jour, la France a ratifié la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices – développée sous l'égide de l'OCDE - qui prévoit notamment, dans son article 7, une clause anti-abus qui permet de refuser les avantages des conventions fiscales dès lors que l'un des objets principaux du montage est d'obtenir un avantage fiscal indu. Au 9 avril 2019, 86 autres pays étaient signataires et parties à cette convention multilatérale. Ces dispositifs constituent autant d'outils supplémentaires qui permettront à l'administration fiscale de lutter plus efficacement contre les pratiques d'évasion fiscale internationale.

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