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Rémy Rebeyrotte
Question N° 14820 au Ministère de la justice


Question soumise le 4 décembre 2018

M. Rémy Rebeyrotte attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'adaptation du droit et de la responsabilité à l'heure du numérique. Depuis quelque années, des personnes prennent l'initiative de lancer par le net des invitations à des évènements de masse (apéritif, goûter ou pique-nique géant, moments festifs, mobilisation militante, etc.) sans en assumer les devoirs et les charges d'organisation (déclaration, installation, mise en sécurité, etc.). Manifester est un droit, mais l'organisation de ce type de manifestation doit être un devoir. Les actes de ces lanceurs numériques d'évènements ont pourtant parfois de lourdes conséquences, au plan civil et pénal, car ils peuvent avoir été à l'origine de débordements, de dégradations, de moments violents, de mise en danger de la vie d'autrui voire hélas de faits encore plus graves (blessés ou morts). Il souhaite savoir si les services du ministère ont engagé des réflexions sur ce type de responsabilité lié à la notion d'invitation ou d'incitation par l'intermédiaire du net et destiné à des milliers, de centaines de milliers, voire des millions d'internautes sans en estimer les risques, les exigences et les conséquences.

Réponse émise le 8 janvier 2019

L'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 proclame « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Le droit de manifester est donc protégé à la condition qu'il ne trouble pas l'ordre public. Un ensemble de dispositions ont été consacrées afin d'encadrer l'exercice de ce droit. Les manifestations sur la voie publique, à l'exception des sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux, sont soumises à l'obligation d'une déclaration préalable, conformément aux dispositions de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure. La déclaration, qui doit notamment indiquer le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement est faite auprès de l'autorité administrative compétente (mairie, préfecture ou préfecture de police pour Paris), laquelle peut interdire la manifestation par arrêté, si elle estime que celle-ci est de nature à troubler l'ordre public. L'article 431-9 du code pénal punit de 6 mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende l'organisation d'une manifestation sur la voie publique sans avoir procédé à cette déclaration préalable, en dépit d'une mesure d'interdiction, ou encore après déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l'objet ou les conditions de la manifestation projetée. Le cas particulier des rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées, est prévu par l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure. S'ils ont lieu dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin et répondent à certaines caractéristiques fixées par décret en Conseil d'État tenant à leur importance, à leur mode d'organisation ainsi qu'aux risques susceptibles d'être encourus par les participants, ils doivent faire l'objet d'une déclaration des organisateurs auprès du représentant de l'État dans le département dans lequel le rassemblement doit se tenir, ou, à Paris, du préfet de police. Sont visés les rassemblements annoncés notamment par tout moyen de communication, pouvant compter 500 personnes, donnant lieu à la diffusion de musique amplifiée et susceptibles de présenter des risques pour la sécurité des participants, en raison de l'absence d'aménagement ou de la configuration des lieux. Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect de ces dispositions. S'agissant de la situation des « lanceurs numériques d'événements », la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit que seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet (article 23). Dans les cas où l'appel à manifester s'accompagnerait d'appels à la violence, des peines de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende sont encourues par ceux qui, par le même moyen, auront directement provoqué à commettre notamment des atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, ainsi que des destructions dangereuses pour les personnes (article 24). L'article 431-6 du code pénal incrimine quant à lui la provocation directe à un attroupement armé manifesté par « tout moyen de transmission de l'écrit, de la parole ou de l'image ». Les textes du code pénal relatifs à l'homicide et aux blessures involontaires pourront trouver application le cas échéant, si une faute en relation avec de tels dommages devait être retenue à l'encontre des organisateurs. Il convient de rappeler qu'en cas de dommages causés lors de ces évènements, la responsabilité des personnes ayant lancé les invitations pourra être recherchée au plan civil sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Depuis plusieurs années, le ministère de la justice s'engage dans la prévention et la répression des atteintes aux personnes et aux biens commis dans le cadre de toutes manifestations ou événements organisés sur la voie publique. Des circulaires et dépêches sont régulièrement adressées aux procureurs de la République et aux procureurs généraux pour attirer leur attention sur la nécessité d'une réponse ferme et réactive (circulaire du 22 novembre 2018 relative au traitement judiciaire des infractions commises en lien avec les mouvements de contestation dit « des gilets jaunes », dépêches des 15 novembre et 6 décembre 2018). Enfin, outre la mise en place récente d'un groupe de travail, en lien avec le ministère de l'intérieur destiné à améliorer le traitement judiciaire des faits délictueux commis lors des manifestations, le ministère de la justice participe depuis plusieurs années au comité de pilotage sur les rassemblements festifs à caractère musical, présidé par le Délégué interministériel à la jeunesse, dans le but notamment de favoriser la médiation et le dialogue entre les organisateurs et les services de l'Etat.

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