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Jean-Philippe Nilor
Question N° 14823 au Ministère des solidarités


Question soumise le 4 décembre 2018

M. Jean-Philippe Nilor attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation sanitaire outre-mer et singulièrement celle due à l'utilisation de produits organochlorés toxiques, écotoxiques et persistants, le chlordécone. En septembre 2018, lors de sa visite en Martinique, le Président de la République a reconnu publiquement que la contamination au chlordécone est « un scandale environnemental » sans précédent aux Antilles françaises. Il déclare également que ce désastre sanitaire engage la responsabilité de l'État qui doit avancer dans le chemin de la réparation collective. En octobre 2018, la Martinique accueillait un colloque scientifique et d'information qui, hélas, compte tenu de sa technicité, n'a pas été à la portée du grand public et n'a pas répondu aux nombreuses interrogations de la population. La seule présence, entre autres, de Santé publique France, de l'Institut national du cancer (INCA), de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES) confortait M. le député dans l'idée que la situation est inquiétante. Depuis des décennies, les Antilles françaises assistent à un foisonnement de cancers chez des publics de plus en plus jeunes et les professionnels de santé témoignent chaque jour, impuissants, de l'agressivité de certains cancers. Compte tenu de l'ampleur du désastre pour la santé, pour l'environnement, pour les aliments, pour le milieu marin, les populations nourrissent de légitimes inquiétudes. En conséquence, il lui demande quelles dispositions concrètes elle entend prendre pour un contrôle régulier, rendu public et compréhensible, de l'eau, pour le contrôle des dosages systématiques immédiatement généralisés pour les femmes enceintes, pour une accélération de la récupération des données dans la cohorte des travailleurs de la banane, pour une mise en place d'algorithmes pour définir comment surveiller le reste de la population, pour de nouvelles études épidémiologiques indépendantes pour établir le lien chloredécone et cancers, notamment de la prostate, pour une prise en charge totale ou partielle des tests sanguins.

Réponse émise le 30 avril 2019

La gestion de la pollution par la chlordécone est une priorité pour le Gouvernement. De nombreuses mesures sont mises en œuvre depuis le 1er plan chordécone en 2008 pour gérer cette pollution et réduire l'exposition de la population. Suite à la visite officielle du Président de la République en septembre 2018 et au colloque scientifique et d'information sur la chlordécone qui s'est tenu en Martinique et en Guadeloupe du 16 au 19 octobre 2018, le ministère chargé de la santé a établi, en lien avec les autres ministères concernés et les préfectures, une feuille de route interministérielle sur la chlordécone. Elle vient compléter les 21 actions du plan chlordécone III 2014-2020 avec des mesures qui tiennent compte des annonces présidentielles et des échanges qui ont eu lieu lors des débats publics des 18 et 19 octobre. Cette feuille de route, complétée de propositions issues des comités de pilotage locaux, sera rendue publique prochainement. Par ailleurs, un plan chlordécone IV est en préparation et il prendra également en compte les attentes de la population locale. En parallèle, une mission des inspections générales va être lancée en 2019 pour évaluer le plan chlordécone III et faire des propositions pour ce plan IV. Sur la transparence des actions et l'information de la population, il faut rappeler que le site chlordecone-infos.fr, géré par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), a été ouvert en octobre 2018. Il met l'ensemble des informations sur la chlordécone à la disposition de tous. Concernant la mise en place de dosages systématiques de chlordécone dans le sang, notamment chez les populations sensibles comme les femmes enceintes, et leur prise en charge, des expertises sont en cours. Une étude de faisabilité est conduite au niveau local, en lien avec des professionnels de santé, afin de déterminer l'intérêt de la mise en place d'un dépistage. De plus, il a été demandé aux agences sanitaires nationales, en juillet 2018, de définir si possible une valeur critique d'imprégnation pour la chlordécone. Pour réduire les expositions par voie alimentaire, il est important de respecter les recommandations de consommation édictées par l'ANSES, notamment sur la base de l'étude KANNARI, mais aussi de détecter la chlordécone dans les jardins familiaux pour éviter de produire des aliments contaminés, en faisant appel au programme JAFA mis en œuvre par les Agences régionales de santé (ARS). Un programme spécifique de suivi et de protection des femmes enceintes et en âge de procréer a par ailleurs été lancé par l'ARS de Martinique et un programme similaire sera décliné en Guadeloupe. S'agissant de la qualité de l'eau du robinet, celle-ci est sous la responsabilité des collectivités locales organisatrices du service public de l'eau ou de leurs délégataires et fait l'objet, au niveau de chaque unité de distribution, du contrôle sanitaire des ARS qui inclut des analyses, notamment sur le paramètre chlordécone en Guadeloupe et en Martinique. S'agissant de l'eau des rivières et de certaines sources de bord de route, celles-ci sont souvent contaminées et ne doivent pas être destinées à la consommation. Concernant les travailleurs qui ont été exposés à la chlordécone et à d'autres produits phytopharmaceutiques, des recommandations pour mettre en place un suivi médical sont en cours d'élaboration par des sociétés savantes. Les données de la cohorte des travailleurs exposés à la chlordécone (constituée de 13 417 travailleurs ayant travaillé entre 1973 et 1993 dans une exploitation bananière en Guadeloupe et en Martinique) sont actuellement analysées : les premiers résultats de l'analyse de mortalité, portant sur la période 2000-2015, montrent que la mortalité dans la cohorte est globalement proche de la mortalité dans la population générale antillaise. S'agissant du cancer de la prostate, l'Agence nationale de santé publique - Santé publique France (SpF) a conduit une analyse sur l'incidence du cancer de la prostate aux Antilles, qui a été présentée lors du colloque scientifique d'octobre 2018. Sur la période 2010-2014, le taux d'incidence annuel standardisé sur la population mondiale, observé à partir des données de registres de cancers, était de 163,6 cas pour 100 000 hommes en Guadeloupe et 161,1 cas pour 100 000 hommes en Martinique (soit environ 500 cas par territoire et par an), versus 98cas pour 100 000 hommes en métropole en 2012. Toutefois, ces taux sont moindres que sur la période 2005-2009 où l'on dénombrait 182,5 cas pour 100 000 hommes en Martinique (chiffre non disponible en Guadeloupe). Les taux d'incidence observés en Guadeloupe et Martinique se situent parmi les plus élevés au monde. Des taux élevés sont également observés dans certains territoires avoisinants de la Caraïbe, comme dans les populations américaines ou britanniques d'origine africaine. SpF a également conduit une analyse spatiale de la distribution des cas de cancer de la prostate en Martinique qui ne montre pas d'excès dans les zones contaminées par la chlordécone. Enfin, le Gouvernement s'est engagé à aller plus loin sur la reconnaissance individuelle des maladies liées à l'exposition à la chlordécone. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l'ANSES ont été saisis afin de rendre une expertise sur les pathologies liées aux pesticides, en priorisant les résultats sur la chlordécone, dans la perspective d'une évolution des tableaux de maladies professionnelles et d'une indemnisation facilitée pour les malades. Leurs travaux sont en cours et permettront de définir, d'ici à 2020, les modalités de reconnaissance de pathologies professionnelles identifiées comme liées à l'exposition à la chlordécone.

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