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Muriel Ressiguier
Question N° 15006 au Ministère de l'enseignement supérieur


Question soumise le 11 décembre 2018

Mme Muriel Ressiguier interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur la hausse des frais d'inscription à l'université pour les étudiants non communautaires. Le lundi 19 novembre 2018, le Premier ministre annonçait lors des rencontres universitaires de la francophonie une hausse substantielle des frais d'inscription à l'université pour les étudiants étrangers issus des pays en dehors de l'Union européenne. Alors qu'ils paient actuellement les mêmes droits d'inscription que les étudiants français, soit 170 euros pour une année de formation en licence, 243 euros en master et 380 euros en doctorat, ils devraient, à partir de la rentrée 2019, devoir s'acquitter de 2 770 euros en licence et 3 770 euros en master et doctorat. Soit une hausse de près de 1 500 % de leurs frais d'inscription ! L'argument du Gouvernement, pour expliquer cette augmentation, est pour le moins paradoxal puisqu'il s'agit de développer une « stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux » ayant pour objectif d'attirer 500 000 étudiants internationaux à l'horizon 2027, quand le pays en compte actuellement 324 000... Or, si la France est aujourd'hui le 4ème pays d'accueil des étudiants internationaux au monde, après les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, et le premier pays d'accueil non-anglophone, ce plan appelé cyniquement « Bienvenue en France », en remettant en question l'accessibilité financière pour tous au système éducatif français, ne fera en réalité qu'introduire une virulente sélection sociale dans les universités. Alors que venir étudier en France est déjà un investissement important pour les étudiants étrangers qui doivent passer le test de connaissance du français (TCF), qui est payant, prévoir un budget pour le visa, les billets d'avion, le loyer et les frais sur place, cette multiplication par 10 des frais d'inscription aura un effet d'éviction inévitable par lequel, seuls les étudiants étrangers les plus fortunés pourront se permettre d'étudier en France. Cette brèche ouverte dans l'accès quasi-gratuit à l'éducation est le début d'un processus de généralisation vers un accès payant à l'éducation. Comment ne pas faire le rapprochement avec le rapport de la Cour des comptes commandé par des députés LaREM qui doit être examiné en commission des finances de l'Assemblée nationale et dont les conclusions recommandent sans équivoque l'augmentation progressive des frais d'inscription pour tous les étudiants dans les années à venir ? En effet, déjà pendant la campagne d'Emmanuel Macron, l'économiste Robert Gary Bobo était l'auteur d'une note interne, révélée par les « MacronLeaks » qui préconisait clairement une réforme par étapes, visant à relever le niveau des frais de scolarité, en commençant par les frais d'inscription. Elle devait s'accompagner par une politique d'incitation à l'endettement pour les étudiants en présentant les « prêts étudiants », dans les éléments de langage de communication, comme un nouveau droit pour l'autonomie des jeunes. Selon le rapport de la Cour des comptes que le quotidien Le Monde s'est procuré, les magistrats préconisent de maintenir les frais d'inscription à 170 euros pour les 3 années de licence mais avancent la piste d'une hausse des droits d'inscription en master qui passeraient à 965 euros, soit une hausse de 297 % et de ceux en doctorat qui atteindraient 781 euros, contre 380 euros actuellement. Après l'introduction de la sélection à l'université avec la très contestée plateforme Parcoursup, la fin de l'égalité entre les diplômes avec la réforme du baccalauréat et l'autonomisation des universités, s'attaquer à la quasi-gratuité des universités est le signe d'une politique éducative élitiste et inégalitaire. L'accessibilité de tous à l'enseignement supérieur constitue l'un des fondamentaux des valeurs républicaines. Inquiets, à juste titre, les syndicats étudiants la préviennent aujourd'hui, suite aux annonces de l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers et devant la perspective d'une généralisation de l'augmentation des frais de scolarité, ils resteront solidaires et déterminés. Aussi, elle souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse émise le 12 février 2019

La population étudiante internationale est aujourd'hui en hausse, les mobilités académiques sont de plus en plus courantes dans les parcours de formation et ce mouvement s'intensifiera dans les prochaines années. Il y a actuellement 5,5 millions d'étudiants en mobilité à travers le monde et ils devraient être 9 millions en 2025 (Unesco, 2018). Le plan « Bienvenue en France », présenté par le Premier ministre le 19 novembre 2018 et porté par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), vise ainsi à renforcer l'attractivité de notre pays avec un objectif clairement affiché : accueillir au moins 500 000 étudiants internationaux à l'horizon 2027. De par son histoire, sa culture et son rayonnement, la France a toujours été un grand pays d'accueil pour les étudiants du monde entier. Il s'agit ainsi de la 4e puissance mondiale pour l'accueil d'étudiants internationaux et de la première du monde non-anglophone. Ce statut n'est pas acquis et pourrait être significativement remis en cause faute de modernisation de notre politique d'accueil. En effet, de nouveaux acteurs universitaires internationaux, en Chine, en Turquie, en Inde ou au Moyen-Orient s'engagent ouvertement pour attirer des étudiants du monde entier en déployant des stratégies très volontaristes. Afin de remplir l'objectif annoncé par le Premier ministre, le plan « Bienvenue en France » décline trois priorités d'action. Il s'agit, tout d'abord, d'améliorer les conditions d'accueil et de séjour des étudiants internationaux afin de hisser nos établissements d'enseignement supérieur au niveau des meilleurs standards internationaux en la matière. Cela consiste en une simplification des procédures de délivrance de visas, en la création de guichets uniques dans les universités pour que les étudiants internationaux aient un interlocuteur identifié, et en proposant davantage de formations en anglais et plus de cours de français intensif pour les étudiants non francophones. Dès 2019, le fonds "Bienvenue en France" doté de 10 millions d'euros, soutiendra ces actions concrètes et un label sera mis en place par Campus France pour permettre aux futurs étudiants d'identifier les établissements les plus investis dans leur accueil. Cette initiative sera financée au moyen de frais d'inscription différenciés afin de permettre aux étudiants internationaux qui en ont les moyens de pouvoir contribuer, à leur tour, au financement de l'université. Cela s'accompagnera d'une série de mesures visant à consolider notre politique de solidarité internationale à destination des étudiants internationaux qui en ont le plus besoin. Ainsi, le nombre de bourses et d'exonérations de droits d'inscription délivrées au niveau de l'État, soit par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, soit par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sera multiplié par trois. Les universités pourront à leur tour définir leur politique de solidarité internationale en délivrant des bourses et des exonérations supplémentaires. Les étudiants internationaux qui bénéficieront de ces bourses auront une priorité pour l'accès au contingent dédié de logements étudiants gérés par les CROUS. Des dispositifs complémentaires pourront également être mis en œuvre par les collectivités territoriales qui le souhaiteront. Pour les étudiants internationaux qui n'obtiendront pas de bourses ou d'exonérations nationales ou universitaires, l'État continuera de prendre à sa charge les deux tiers du coût des formations en signe d'ouverture et de solidarité. Que ce soit dans le cadre d'un accord international, de bourses nationales ou de bourses d'établissements, aucun étudiant international aujourd'hui inscrit en France dans une formation ne sera concerné par l'application des droits différenciés. Des mesures d'exonération seront également appliquées aux étudiants suisses, québécois ou venants en France dans le cadre d'un partenariat entre universités qui prévoit déjà une exonération, notamment les étudiants qui sont accueillis dans le cadre de programmes d'échange comme Erasmus+. Le ministère en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche veillera également à ce que les frais de scolarité des doctorants internationaux puissent être compris dans les financements de leurs thèses afin de conforter le rayonnement international des établissements universitaires français. Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation réaffirme la relation privilégiée de la France avec plusieurs États du Maghreb et d'Afrique, ainsi que la formidable richesse culturelle que représente la Francophonie. Les bourses accordées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères concerneront prioritairement les étudiants ressortissants de ces États partenaires. Il en va de même pour celles qui seront décidées par les universités. Le troisième volet du plan « Bienvenue en France » vise à soutenir la projection internationale des établissements français. Plus d'étudiants internationaux doivent pouvoir choisir la France et l'enseignement supérieur français sans nécessairement quitter leur pays. Un fonds d'amorçage de 5 millions d'euros permettra ainsi de soutenir les projets qui voient le jour, dans le prolongement du campus franco-sénégalais annoncé par le Président de la République en février 2018 ou du campus Franco-tunisien. L'AFD (agence française de développement) sera ensuite chargée de soutenir l'implantation des établissements français à l'étranger. La stratégie « Bienvenue en France » vise donc à développer l'attractivité française tout en donnant l'opportunité aux étudiants internationaux qui le souhaitent de choisir la France et son enseignement supérieur.

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