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Bérengère Poletti
Question N° 15254 au Ministère de l'europe


Question soumise le 18 décembre 2018

Mme Bérengère Poletti alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la signature du Pacte mondiale de l'ONU sur les migrations. Fruit d'un compromis entre près de 190 pays et finalisé le 13 juillet 2018, ce pacte est né du constat de manque de coopération entre les pays des suites de la crise migratoire de 2015. Après une première déclaration d'intentions en septembre 2016 et diverses consultations, des négociations ont commencé en janvier 2018 et ont abouti à un texte à caractère non contraignant comportant 23 objectifs et une série de recommandations. Conçu comme un recueil de bonnes pratiques, ce texte a vocation à devenir la référence internationale en matière de gestion des flux migratoires et d'intégration de toutes les formes de migrations sur tous les continents: vers l'Europe, en Afrique, ou entre l'Asie et le Moyen-Orient. Parmi ses objectifs, le Pacte vise, selon les documents de l'ONU « à réduire les risques et les vulnérabilités auxquels sont exposés les migrants aux différentes étapes de la migration en promouvant le respect, la protection et la réalisation de leurs droits de l'homme et en prévoyant la fourniture d'une assistance et de soins ». « Il s'efforce enfin de créer des conditions favorables qui permettent à tous les migrants d'enrichir nos sociétés grâce à leurs capacités humaines, économiques et sociales, et facilitent ainsi leur contribution au développement durable aux niveaux local, national, régional et mondial ». Dans son contenu, il est également affirmé que « nous reconnaissons que les migrations sont une source de prospérité, d'innovation, de développement durable dans notre monde globalisé » ; « nous devons aussi fournir à tous nos citoyens un accès à des informations objectives, claires, fondées sur des données concrètes, concernant les bienfaits et les enjeux de la migration, en vue de dissiper les récits trompeurs qui engendrent une perception négative des migrants ». Un deuxième texte est par ailleurs en préparation au Haut-commissariat pour les réfugiés sur la question des demandeurs d'asile. Les pays restent très divisés et nombreux sont ceux qui ont d'ores-et-déjà annoncé qu'ils ne le signeraient pas (États-Unis, Italie, Australie, Bulgarie, Slovaquie, Hongrie, Autriche). Si le Président de la République soutient ce pacte, on ne peut ignorer les inquiétudes des citoyens sur la signature de la France d'un tel pacte et ses conséquences sur les migrations. En outre, il apparaît aujourd'hui gravement regrettable que le Parlement et les représentants de la nation ne soient ni associés, ni consultés en amont sur le sujet au regard des engagements qu'il comporte. Aussi, elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement quant aux suites données à ce pacte dont la signature s'avère illégitime.

Réponse émise le 23 avril 2019

Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières a été adopté le 10 décembre 2018 à Marrakech et définitivement endossé par une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU le 19 décembre 2018, avec 152 votes pour, 5 votes contre et 12 abstentions. La France a soutenu l'adoption de ce texte, dans la mesure où il représente une contribution importante en vue d'une meilleure gestion des flux migratoires à l'échelle internationale. En effet, partant du principe qu'aucun Etat ne peut gérer seul le défi des migrations, ce Pacte vise à encourager une coopération renforcée dans le domaine migratoire et repose sur le principe de la responsabilité partagée entre pays d'origine, de transit et de destination pour mettre fin aux flux migratoires anarchiques et assurer des migrations sûres, ordonnées et régulières. Parmi les points forts du Pacte, à cet égard figurent notamment le renforcement de la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, ainsi que de la lutte contre la migration irrégulière, de façon à éviter les décès au cours des trajets migratoires et sauver des vies en mer et ailleurs. Ces objectifs font partie des priorités de la France, ainsi que de nombreux autres pays, qu'ils soient d'origine, de transit et/ou de destination. C'est pourquoi le Pacte est soutenu par une large majorité de la communauté internationale, même si certains Etats ont décidé de se mettre en retrait. Ce Pacte n'est pas juridiquement contraignant et constitue essentiellement un recueil de bonnes pratiques, comme cela est explicité dès le Préambule ("ce Pacte mondial représente un cadre de coopération non juridiquement contraignant"). Le Pacte ne crée pas d'obligations juridiques autres que celles auxquelles un Etat a déjà souscrit. S'il prévoit des "engagements", il s'agit d'engagements politiques qui correspondent à des grands principes de gestion de la migration de façon sûre, ordonnée et régulière qui se déclinent en des listes de bonnes pratiques, des "instruments de politique publique" dont les Etats sont encouragés à s'inspirer. L'adoption du Pacte n'aura pas d'impact sur notre souveraineté nationale. Au contraire, la souveraineté des Etats en matière de politique migratoire est réaffirmée dès le Préambule. Elle est même élevée au rang de "principe directeur"du texte. Ainsi, le texte invite les Etats à mettre en œuvre les instruments de politique publique proposés"en tenant compte des différentes réalités nationales, politiques, priorités et conditions pour l'entrée sur le territoire, les conditions de résidence et de travail, en conformité avec le droit international". Par conséquent, rien dans le Pacte ne contraindra la France à mettre en œuvre telle ou telle action proposée par le Pacte qui ne serait pas compatible avec sa législation ou ses politiques publiques telles que définies démocratiquement. En revanche, comme pour de nombreux pactes internationaux, la mise en œuvre du Pacte par les Etats fera l'objet d'un suivi, sur une base interétatique, via une conférence internationale organisée tous les quatre ans et un suivi annuel. Ceci permettra un dialogue régulier entre Etats sur le sujet des migrations et créera une dynamique en vue d'une meilleure coopération internationale. En outre, le Pacte préserve la capacité des Etats à distinguer clairement entre migrants réguliers et irréguliers dans la mise en œuvre de leurs politiques, le cas échéant en réservant aux migrants réguliers le bénéfice de certaines prestations. Le Pacte mondial sur les migrations ne crée pas de nouveaux droits pour les migrants, ni en matière de regroupement familial, ni en matière de droits à la sécurité sociale et aux services sociaux. Par ailleurs, le Pacte prévoit que les Etats doivent favoriser l'intégration des migrants réguliers dans le pays d'accueil, mais qu'en contrepartie, les migrants doivent respecter les lois et les valeurs de ces pays. En aucun cas, le Pacte ne crée un "droit à la migration". Le texte ne crée pas de nouveaux droits pour les migrants et vise uniquement à renforcer pour les migrants la protection de droits existants dont ils bénéficient au titre d'autres instruments de droit international. Le Pacte, qui n'ajoute aucune obligation ou aucun droit au cadre juridique international existant, rappelle que les Etats ont la prérogative de déterminer qui ils admettent sur leur territoire. Dans ce contexte, ce Pacte ne remet en aucune façon en cause notre législation nationale, telle que modifiée notamment par la loi n° 2018-778 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Le Pacte prévoit enfin un "débat public ouvert"sur la question à travers une"information indépendante, objective et de qualité". Cet appel au débat n'est guère contestable. Alors que la manipulation de l'information représente une des menaces les plus importantes auxquels font face nos démocraties et nourrit le populisme, il est plus que jamais nécessaire de favoriser, comme le Pacte nous y encourage, un débat démocratique, contradictoire et fondé sur des arguments rationnels, au sujet des migrations, dans le plein respect de la souveraineté nationale.

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