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Jean-Paul Dufrègne
Question N° 15372 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 25 décembre 2018

M. Jean-Paul Dufrègne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conditions de mise en œuvre du projet d'ordonnance légiférant sur les conditions de séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires. En effet, la version présentée le 14 novembre 2018 radicalise la séparation des deux activités sans tenir compte des propositions de la profession ni de son impact sur plusieurs milliers d'emplois en milieu rural. La loi agriculture et alimentation ayant botté en touche sur la question de l'interdiction des pesticides, essuyant au passage de nombreuses critiques, elle s'est racheté une conduite avec son article 88 qui promet une nouvelle organisation du marché des phytosanitaires. Aujourd'hui, ce qui est en cause est la façon dont se déroule la concertation entre ministères et les parties prenantes : syndicats agricoles, ONG et distributeurs de produits. Contre toute attente, le texte présenté le 14 novembre 2018 est en rupture avec les préconisations formulées fin septembre 2018par la profession et n'accompagne pas les filières vers une mutation de leurs activités. Pour les acteurs agricoles, cette nouvelle version de l'ordonnance va ainsi produire des effets extrêmement négatifs à plusieurs égards : suppression de plusieurs milliers d'emplois dans les entreprises rurales de distribution agricole, déstructuration des démarches de filières avec l'interdiction implicite de l'accompagnement des itinéraires culturaux par les organismes de collecte et coup d'arrêt porté au déploiement des solutions alternatives. Il lui demande si le Gouvernement compte reprendre sur des bases nouvelles la concertation avec les acteurs agricoles et s'il compte revenir à une version de l'ordonnance qui concilierait cette fois-ci les attentes des professionnels et l'objectif de réduire l'usage des pesticides.

Réponse émise le 3 septembre 2019

Le Gouvernement a rappelé dans le plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques l'objectif de diminution de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025. L'atteinte de cet objectif ambitieux nécessite l'activation de différents leviers réglementaires ou incitatifs parmi lesquels l'évolution nécessaire du conseil, comprenant le conseil stratégique et le conseil spécifique ponctuel en protection des plantes. L'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques renforce les exigences en termes de qualité et de pertinence du conseil dans l'objectif de réduire l'utilisation, les risques et les impacts des produits phytopharmaceutiques, et afin que ce conseil respecte les principes de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. L'élaboration de ce texte a fait l'objet d'une concertation des parties prenantes, via la tenue de trois groupes de travail et d'une consultation du public du 1er au 24 février 2019. Certaines parties prenantes, et une partie du public consulté, demandaient une séparation capitalistique totale des activités de vente ou d'application et de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, et même une prescription systématique rédigée par les conseillers qui serait obligatoire pour pouvoir acheter des produits phytopharmaceutiques. La profession agricole portait quant à elle une position visant à ne considérer l'obligation de séparation du conseil de la vente des produits phytosanitaires que pour un type de conseil -le conseil dit "stratégique"-. L'ordonnance résulte donc de l'expression de ces avis très divers, tout en respectant l'objectif fixé au Gouvernement par l'habilitation à légiférer par l'article 88 de la loi loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Cette ordonnance vise à repositionner les agriculteurs comme des acteurs-clés de la transition agro-écologique en étant accompagnés par des conseillers indépendants de l'activité de vente de produits phytosanitaires et pleinement qualifiés. Concernant les impacts négatifs mentionnés (suppression de plusieurs milliers d'emplois dans les entreprises rurales de distribution agricole, destructuration des démarches de filières, coup d'arrêt porté au déploiement des solutions alternatives), l'ordonnance va également donner lieu à la création d'emplois de conseillers indépendants. Il faudra certes trouver une nouvelle articulation entre le conseil délivré et le respect des exigences des filières, mais l'agriculteur reste maître de ses décisions et de la définition de sa stratégie pour la protection des végétaux. Il veillera donc à l'articulation entre les recommandations de son conseiller et les demandes des organismes de collecte. Enfin, garantir aux utilisateurs professionnels un conseil stratégique, pluriannuel, individualisé et un conseil spécifique, répondant à un besoin ponctuel, qui concourent effectivement à la réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques et respectent les principes de la protection intégrée des cultures va, de fait, encourager le recours aux méthodes alternatives.

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