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Laure de La Raudière
Question N° 15445 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 25 décembre 2018

Mme Laure de La Raudière attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'encadrement de la protection des données lors de l'utilisation d'applications éducatives dans le cadre scolaire. La stratégie numérique « le numérique au service de l'école de la confiance », présentée le 21 août 2018, décrit les outils et méthodes visant à faire du numérique un véritable levier de modernisation et d'évolution de l'enseignement. Reprenant la recommandation du rapport du député Cédric Villani, le Gouvernement entend valoriser et développer l'usage des applications innovantes utilisant l'intelligence artificielle, afin de faire évoluer les pratiques d'enseignement. Les acteurs de l'Ed-tech sont nombreux à développer des outils permettant d'atteindre cet objectif, en créant des logiciels pédagogiques visant à répondre aux attentes des enseignants et à accompagner les élèves dans leurs apprentissages en facilitant l'enseignement différencié, individualisé et autonome. Luttant ainsi concrètement contre le décrochage scolaire et en offrant à la communauté enseignante un support pédagogique pour un suivi individualisé et accompagner l'acquisition des savoirs fondamentaux. Conscients des risques inhérents au développement des nouvelles technologies et de leurs usages, en particulier dans le milieu scolaire, étant à destination d'un jeune public, les acteurs de l'Ed-tech portent une attention particulière à garantir la protection des données. Or l'encadrement de la protection des données lors de l'utilisation d'applications éducatives dans le cadre scolaire est source d'incertitudes juridiques : de quelles autorisations un professeur doit-il disposer pour autoriser des élèves dans le cadre scolaire à utiliser un logiciel éducatif qui collecte des données à caractère personnel ? Le fournisseur du logiciel doit-il récupérer ces autorisations ? Que se passe-t-il lorsque le responsable légal de l'élève ne donne pas l'autorisation ? Aussi, elle lui demande de bien vouloir préciser les obligations des fournisseurs de logiciel en la matière, ce qui constitue un préalable indispensable au déploiement des innovations technologiques dans l'éducation scolaire.

Réponse émise le 4 février 2020

L'intelligence artificielle, utilisée avec discernement au service des apprentissages, constitue un levier important de progrès pour l'ensemble du système éducatif. Tout comme les autres traitements automatisés mettant en jeu des données à caractère personnel, son utilisation est régie par la législation via le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) et la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Un tel traitement doit, préalablement à sa mise en œuvre, faire l'objet d'une analyse au regard de la réglementation applicable en matière de protection des données personnelles, avec l'appui du délégué à la protection des données (DPD), et d'une inscription sur le registre des traitements par le responsable de traitement, à savoir le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) agissant par délégation du recteur d'académie pour les traitements mis en œuvre dans les écoles, et le chef d'établissement pour les traitements mis en œuvre dans les établissements publics d'enseignement du second degré. Dans les établissements du second degré, l'utilisation d'un tel outil pédagogique est par ailleurs soumise à l'avis préalable du conseil d'administration. Dans l'hypothèse où le fournisseur de logiciel serait amené à traiter ou à héberger des données, un contrat de sous-traitance doit également être établi entre le responsable de traitement et ce fournisseur. Les personnes concernées par le traitement (les élèves et leurs responsables s'ils sont mineurs) doivent, en outre, être dûment informées par le responsable de traitement des finalités de ce traitement. Les traitements mis en œuvre dans les établissements d'enseignement par les enseignants relèvent en principe de l'exécution de la mission d'intérêt public dont est investi le responsable de traitement. En effet, l'utilisation d'un logiciel ou d'un service numérique à des fins pédagogiques s'inscrit dans le champ du service public du numérique éducatif (art. L131-2 du code de l'éducation). Le responsable de traitement n'est, par conséquent, pas tenu de recueillir le consentement des parents, des élèves pour mettre en œuvre de tels traitements. De façon plus générale, et comme l'ensemble de la stratégie numérique du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, le développement des usages de l'intelligence artificielle répondra à deux principes fondamentaux. Le premier principe est la plus grande attention à la protection des données à caractère personnel de l'ensemble des membres de la communauté éducative, au premier rang desquels les élèves. A la base même de l'émergence de services reposant sur l'intelligence artificielle, les données collectées dans le cadre scolaire doivent présenter les garanties les plus strictes de respect des prescriptions législatives et réglementaires, notamment du RGPD. Ce principe directeur s'est d'ores et déjà traduit par une série de mesures prises par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Un délégué à la protection des données (DPD) pour le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et pour le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a été nommé conformément au RGPD. De même, chaque académie a procédé à la nomination d'un DPD. Il s'agit d'aider et d'accompagner l'ensemble des acteurs qui utilisent ou souhaitent utiliser des services et des ressources numériques, afin qu'ils aient connaissance de leurs droits et devoirs quant aux traitements effectués sur leurs données personnelles. Le DPD ministériel et les DPD académiques sont chargés de veiller au respect du cadre légal relatif aux données personnelles, mais aussi de sensibiliser, d'informer et de conseiller les responsables de traitement, notamment les chefs d'établissement et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN). Un accent particulier est mis sur les actions de formation et d'information des chefs d'établissement et des professeurs aux enjeux de l'utilisation des données personnelles dans le cadre scolaire (parcours de formation en ligne, guide pour les chefs d'établissement, etc.), explicitant notamment leurs obligations. Une convention a aussi été établie avec la CNIL afin d'accompagner les acteurs de l'éducation dans le domaine de la protection des données personnelles. Cette convention a été signée le 5 décembre 2018. Enfin, un comité d'éthique et d'expertise en matière de données numériques a également été installé en octobre 2019 et placé auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Cette instance, composée de membres qualifiés, peut émettre des avis sur l'intérêt public de l'utilisation des données récoltées et traitées dans le cadre scolaire. L'ensemble de ces travaux sont menés dans le cadre d'une collaboration dense avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et permettront ainsi de construire un cadre spécifique éducation nationale, dans lequel devront s'inscrire l'ensemble des fournisseurs de solutions et de services numériques. Le second principe est l'ambition, au regard des perspectives de personnalisation des apprentissages, d'inclusion des élèves en situation de handicap et de substitution aux tâches les plus répétitives incombant aux professeurs ouvertes par l'intelligence artificielle. C'est pour répondre à ces besoins que le ministère a lancé, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), un partenariat d'innovation sur l'intelligence artificielle. L'objectif de cette initiative est de soutenir le développement de solutions s'appuyant sur les techniques d'intelligence artificielle au service de l'apprentissage du français et des mathématiques à l'école primaire (CP, CE1, CE2). En outre, plusieurs des actions du programme d'expérimentations e-Fran, également financé dans le cadre du PIA, intègrent l'intelligence artificielle comme facteur de progression des apprentissages. Les travaux du nouveau Conseil scientifique de l'éducation nationale créé en début d'année 2018 permettront également de faire bénéficier l'ensemble de la communauté éducative des dernières avancées de la recherche dans le domaine de l'intelligence artificielle, dans une approche pluridisciplinaire visant à éclairer la décision politique sur les grands enjeux de notre temps.

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