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Danièle Cazarian
Question N° 15639 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 1er janvier 2019

Mme Danièle Cazarian attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les effets néfastes de la culture intensive du palmier à huile. L'Assemblée nationale a exclu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 l'huile de palme de la liste des biocarburants. La culture intensive du palmier à huile a augmenté de manière alarmante depuis une vingtaine d'années. Cela a conduit à une déforestation massive en Asie du Sud Est, et à la destruction des habitats de nombreuses espèces sauvages. Ce résultat est un pas décisif dans la lutte contre l'huile de palme importée. Toutefois, ce combat doit également être mené au niveau européen. Malgré l'adoption d'une feuille de route le 17 décembre 2018, la Commission européenne ne semble pas envisager de réglementer l'importation d'huile de palme en Europe de manière coercitive. Il y a pourtant urgence écologique à agir, alors que notre continent consomme 25 % de l'huile de palme au niveau mondial. Aussi, elle aimerait connaître les actions envisagées par M. le ministre pour encourager l'Union européenne à limiter la déforestation liée à la culture massive du palmier à huile.

Réponse émise le 29 octobre 2019

L'impact de la déforestation sur le climat est significatif, puisqu'elle représente en effet environ 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Un processus de mobilisation politique s'est mis en place dans le contexte de la COP21, faisant suite à la déclaration de New York sur les forêts de septembre 2014. Par ailleurs, une étude commandée par la Commission européenne montre que l'Europe serait responsable de plus du tiers de la déforestation liée au commerce international : la responsabilité de la France est de se saisir de ce problème. Dans le prolongement de l'Accord de Paris, l'action de la France s'inscrit dans le cadre des deux déclarations d'Amsterdam en faveur de l'établissement de chaînes d'approvisionnement en matières premières agricoles durables, qu'elle a signées en décembre 2016. Ces textes d'intention politique, non juridiquement contraignants, visent à promouvoir l'élimination de la déforestation des chaînes d'approvisionnement agricole dans les pays signataires, en soutenant les efforts du secteur privé vers un objectif de déforestation nulle d'ici 2020, pour l'huile de palme. Pour la France, les déclarations d'Amsterdam forment une initiative structurante à la fois du point de vue politique et en matière d'engagements des acteurs. La France a donc publié le 14 novembre 2018 une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), comme prévu par le plan climat du Gouvernement publié en juillet 2017. La France est, à ce jour, le seul État à entamer une telle démarche. Par cette stratégie, le Gouvernement français poursuit le but ambitieux de mettre fin à la déforestation importée d'ici 2030 et cherchera à porter au niveau européen de nombreuses mesures. Pour ce faire, la SNDI est dotée de cinq grandes orientations ayant trait : 1) à la recherche avec le partage et la valorisation des connaissances de nos établissements de recherche, à la coopération internationale, en instaurant un dialogue entre pays consommateurs et pays producteurs et en s'appuyant sur l'Agence française de développement, qui consacrera un budget de l'ordre de 60 M€ par an sur les cinq prochaines années à la gestion durable de la forêt ; 2) à la lutte contre la déforestation, à la restauration des écosystèmes forestiers et au reboisement ; 3) aux politiques publiques, en intégrant la thématique de la déforestation dans les politiques publiques internationales, européennes et nationales, au niveau des accords commerciaux, de l'achat public ou encore de la lutte contre les fraudes ; 4) à l'engagement de tous les acteurs, en les accompagnant par la création d'une plateforme multi-sectorielle qui les aidera à renforcer leur analyse des risques ; 5) et, enfin, à une gouvernance qui sera confiée à un comité de suivi multi-acteurs incluant toutes les parties prenantes : administration, société civile, secteur privé, syndicats, etc. La SNDI cible des matières premières prioritaires en termes de déforestation importée que sont l'huile de palme, mais aussi le soja, le cacao, le bœuf et ses coproduits, l'hévéa ; le bois et ses produits dérivés ont été intégrés à son périmètre suite à la consultation du public dont elle a fait l'objet à l'été 2018. 80 % des importations d'huile de palme françaises sont destinées aux biocarburants, au sujet desquels la SNDI se conforme à la directive européenne sur les énergies renouvelables RED2, qui plafonne, dans les incitations fiscales nationales, l'incorporation de biocarburants à concurrence alimentaire à 7 %. Pour les autres, un acte délégué de la Commission européenne définira début 2019 des critères afin de différencier ceux qui ont un fort/faible effet sur le changement d'affectation des sols indirects. Selon RED2, l'incorporation des matières premières identifiées comme ayant un fort effet sur le changement d'affectation des sols indirect selon ces critères seront plafonnées au niveau de 2019 jusqu'en 2023 dans les incitations fiscales nationales, puis ce niveau diminuera progressivement jusqu'à leur élimination en 2030. La SNDI va plus loin en précisant un plafonnement au niveau de 2017, s'il est bien inférieur à celui de 2018, au lieu de 2019. Par la SNDI, le Gouvernement entend encourager fortement l'Union européenne à limiter la déforestation liée à la culture massive du palmier à huile et des autres matières premières ciblées par la stratégie. Cette dernière prévoit en effet de porter au niveau européen : le renforcement des critères environnementaux dans les accords commerciaux de l'Union européenne, l'autonomie protéique par le soutien du plan protéines européen, mesure ayant plus trait au soja, un achat public exempt de déforestation, le renforcement du devoir de vigilance des entreprises, ou encore le rehaussement des exigences des certifications. La stratégie prévoit également que la France encourage la Commission européenne à mettre en place un plan d'action ambitieux en matière de lutte contre la déforestation. Depuis la publication de la SNDI, la France a fait part de cette demande d'un plan d'action ambitieux à la Commission européenne avec les autres pays signataires des déclarations d'Amsterdam : la Commission a annoncé une communication sur le sujet au second trimestre 2019, et lancé une consultation publique à ce sujet, à l'occasion de laquelle la France a fait part de toutes les mesures qu'elle souhaitait voir appliquées au niveau européen. Par ailleurs, l'amendement 1451 au projet de loi finance 2019, voté à l'Assemblée nationale en décembre 2018, précise que l'huile de palme sera exclue des dispositifs d'incitation fiscale à compter du 1er janvier 2020. Elle ne bénéficiera donc plus de la réduction de taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants (TIRIB), ce qui annulera sa compétitivité par rapport à d'autres huiles, y compris fossiles.

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