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Paul-André Colombani
Question N° 1575 au Ministère de l'europe


Question soumise le 3 octobre 2017

M. Paul-André Colombani interroge M. le Premier ministre sur les modalités de donation à la collectivité territoriale de Corse de l'exemplaire original du Traité de Versailles signé le 15 mai 1768 entre la France et la Sérénissime République de Gênes. Ce traité stipulait notamment que la République de Gênes cédait provisoirement, sans renoncer à une prétendue souveraineté qu'elle n'exerçait plus de fait, l'administration de la Corse à la France. Tout ceci se fit sans l'assentiment des Corses, qui tout en étant assujettis ainsi que tous leurs biens à ce traité, en étaient exclus comme des tiers. Ce traité constitue un moment traumatique de l'histoire plurimillénaire des Corses : ils avaient été spoliés de leur destin. Le Général de la Nation corse, Pasquale Paoli, se scandalisa que les Corses aient été « vendus comme des moutons ». Voltaire, au chapitre XL de son précis du siècle de Louis XV en fit un commentaire similaire, écrivant : « Il restait à savoir si les hommes ont le droit de vendre d'autres hommes ; mais c'est une question qu'on n'examinera jamais dans aucun traité ». Au-delà du cas d'espèce de la Corse, ce genre de pratiques diplomatiques illustrait un temps où les Européens étaient divisés et en guerre, et où un peuple d'Europe se permettait d'en humilier un autre, ce qui devait conduire aux tragédies irréparables du XXème siècle. Le 21 février 2017, lors de l'examen du projet de loi de ratification des ordonnances du 21 novembre 2016 relatives à la future collectivité de Corse, M. Jean-Michel Baylet, alors ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, avait déclaré devant les députés que : « la création de la collectivité de Corse (...) donnera aux Corses et à leurs élus, par la fusion des trois collectivités existantes, la pleine maîtrise de leur destin au sein de la nouvelle institution qu'ils devront construire et faire avancer ». Dans un esprit de réconciliation et de refondation de l'Europe souhaité par M. le Président de la République, il souhaiterait donc que l'exemplaire original de ce traité soit donné à la collectivité territoriale de Corse, car, d'une part, il constitue une clef de ce destin que les Corses doivent prendre un main et, d'autre part, il permettra le nécessaire travail de mémoire indispensable à l'apaisement et au renoncement à la violence, qui est souvent une réaction désespérée au sentiment de dépossession de l'avenir.

Réponse émise le 5 décembre 2017

Le "traité relatif à la cession de la Corse à la France", dont le dossier est conservé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, est accessible sous la cote TRA17680005 dans la base des Accords et traités sur le site France Diplomatie, la copie numérique en est communiquée à l'ensemble des internautes. En France les accords entre la France et le ou les États signataires, tout comme les avenants, clauses modificatives ou secrètes sont considérés comme des archives publiques. Les archives publiques sont en effet : "les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public. Les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires" (Art. L. 211-4 du Code général du Patrimoine). Ce traité répond à la définition d'archives publiques en ce qu'il a été signé à Versailles le 15 mai 1768 par le ministre et secrétaire d'État au département des Affaires étrangères Étienne-François duc de Choiseul-Stainville avec les pleins pouvoirs de signature accordés par Louis XV, roi de France. Le signataire de la République de Gênes en est Augustin Paul Dominique Sorba, ministre plénipotentiaire. Le caractère inaliénable et imprescriptible des archives publiques est rappelé à l'art. L. 212-1 du Code du Patrimoine : "Les archives publiques sont imprescriptibles. Nul ne peut détenir sans droit ni titre des archives publiques." Par ailleurs, les archives produites ou reçues par le ministère des affaires étrangères dans l'exercice de ses fonctions sont conservées par ce ministère selon l'article R212-5 du même Code du Patrimoine créé par Décret no 2011-574 du 24 mai 2011 : "Les services d'archives des affaires étrangères assurent la gestion des archives provenant de l'administration centrale, des postes diplomatiques et consulaires ainsi que des établissements placés sous l'autorité du ministre des affaires étrangères. Ils assurent à ce titre : - la conservation et le classement des archives courantes et intermédiaires ; - la conservation, la sélection, le classement, l'inventaire et la communication des documents conservés dans le dépôt central ou dans des dépôts annexes des archives ; - la conservation, la sélection, le classement, l'inventaire et la communication des archives privées qui sont acquises par le ministère ou qui lui sont remises à titre de don, de legs, de cession, de dépôt révocable ou de dation au sens de l'article 1131 et du I de l'article 1716 bis du code général des impôts. Et en particulier : Article R212-71 créé par Décret no 2011-574 du 24 mai 2011 : Les archives du ministère des affaires étrangères comprennent : - les originaux des engagements internationaux de la France ; - les archives de l'administration centrale, des postes diplomatiques et consulaires, des représentations de la France auprès des organisations internationales, des établissements placés sous l'autorité du ministère ; - les archives privées qui sont acquises par le ministère à titre de don, de legs, de cession ou de dation au sens de l'article 1131 et du I de l'article 1716 bis du code général des impôts. Les dossiers constituant les accords sont réunis dans la collection des traités conservée sur le site des Archives diplomatiques à La Courneuve et mis à disposition du public via la base de données mentionnée ci-dessus. S'il ne peut être question de céder l'exemplaire original du traité de 1768 à la collectivité territoriale de Corse pour les raisons juridiques indiquées plus haut, il est possible de le faire numériser en haute définition, ce qui permettra d'en reproduire une excellente copie en fac-similé qui pourra être exposée dans les institutions corses qui le souhaiteront.

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