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Guy Bricout
Question N° 15939 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 15 janvier 2019

M. Guy Bricout attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la procédure de solidarité financière prévue par le code de la sécurité sociale. Afin de faire rentrer les cotisations et contributions plus rapidement, les URSSAF utilisent de plus en plus fréquemment la procédure de solidarité financière des clients donneurs d'ordre de travailleurs indépendants redressés dans le cadre du travail dissimulé. Pratiquement, le donneur d'ordre est obligé de vérifier, via une attestation de vigilance, que la personne est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement (dès lors que la conclusion d'un contrat porte sur une obligation d'une certaine valeur : 5 000 euros HT - CSS art L. 243-15, code du travail articles L. 8222-1 et D. 8222-5). Faute d'être à jour de ses obligations, le donneur d'ordre sera tenu de devoir régler solidairement les cotisations sociales du sous-traitant. Il est clair que cette procédure qui accroît les obligations administratives des entreprises revient davantage à assurer le recouvrement des cotisations qu'à lutter contre le travail dissimulé (sachant, comme l'indique une circulaire interministérielle que le débiteur solidaire est « généralement beaucoup plus solvable financièrement que l'auteur du travail dissimulé » ; circulaire Dilti interministérielle du 31 décembre 2005 relative à la solidarité financière des donneurs d'ordre en matière de travail dissimulé, BO ministère de l'emploi, 2006, n° 3). Or la loi offre peu de garanties aux donneurs d'ordre pour se défendre contre les prétentions des URSSAF. Ainsi, faute de précisions dans les textes, la jurisprudence décide que l'URSSAF n'est pas tenue de joindre le procès-verbal constatant le travail dissimulé (Cass civ.2°. 13 octobre 2011 pourvoi n ° 10-19386) ; de même, l'organisme de recouvrement n'est pas obligé d'indiquer les salariés concernés par l'infraction. Les moyens de défense se révèlent donc pour le moins compliqués et beaucoup de cotisants sont confrontés à l'arbitraire. Il lui demande donc ce que le Gouvernement entend proposer afin d'améliorer le caractère contradictoire de cette procédure.

Réponse émise le 3 août 2021

La procédure de solidarité financière qui s'exerce par le biais de l'attestation de vigilance vise à la fois à assurer le recouvrement des cotisations dont le paiement a été évité du fait d'une situation frauduleuse et à lutter ainsi contre le travail dissimulé. Ces deux objectifs sont en effet indissociables. En pratique, cette procédure permet d'assainir les conditions de sous-traitance entre les entreprises, en limitant une pression à la baisse des prix, exercée par un donneur d'ordre sur son sous-traitant. Elle permet aussi d'assainir les conditions de concurrence entre sous-traitants, en luttant contre le dumping social exercé par des sous-traitants indélicats, au détriment de sous-traitants vertueux et ayant à cœur le financement de notre système de protection sociale. S'agissant de la procédure de solidarité financière notamment issue du défaut de vigilance du donneur d'ordre, celle-ci est subordonnée à l'établissement d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant. Lorsque le donneur d'ordre se voit mis en cause dans le cadre de la solidarité financière par le biais de la lettre d'observation prévue à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, il bénéficie des mêmes droits de la défense et du contradictoire que n'importe quelle autre entreprise contrôlée dans le cadre de cet article. Il peut également transmettre ses observations. L'organisme du recouvrement est notamment contraint de justifier et démontrer l'ensemble de ses prétentions et de préciser, année par année, le montant des sommes réclamées (cf. arrêt de la Cour de Cassation du 13 février 2020). Ainsi, la jurisprudence, et de manière constante, estime que le donneur d'ordre doit avoir une connaissance précise des modalités de calcul des sommes demandées. Aussi, une URSSAF ne peut réclamer des sommes qu'à proportion des travaux ou services effectués. Les agents de contrôle ne peuvent déterminer les montants réclamés que sur la base d'éléments de preuve concrets et de documents établis tels que les contrats, les factures ou les devis en lien avec le travail dissimulé. Cette même jurisprudence sanctionne très fermement tout manquement au respect du droit de la défense (Cour de Cassation 2ème civ du 10/10/2013). Le donneur d'ordre, en plus de l'ensemble des procédures légales prévues lui permettant de se défendre, peut aussi se retourner contre le débiteur principal (action récursoire). Enfin, les derniers éléments statistiques annuels recueillis en 2020 (rapport thématique URSSAF Caisse Nationale 2020 pour la lutte contre la fraude) mettent en évidence un recours moindre à la solidarité financière (-41 % par rapport à 2019), démontrant ainsi que la solidarité financière, n'est pas une procédure de confort, et estutilisée lorsqu'elle est nécessaire et justifiée. Par conséquent, les droits de la défense sont respectés dans le cadre de la procédure de solidarité financière, qui est indispensable à la lutte contre le travail dissimulé.

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