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Sabine Rubin
Question N° 16621 au Ministère de l'europe


Question soumise le 5 février 2019

Mme Sabine Rubin alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'indignité que représente pour la France la vente d'armes à destination de l'Arabie saoudite. Nul ne peut ignorer ce scandale particulièrement macabre dont s'est émue la presse internationale en octobre 2018 : l'assassinat du journaliste Khashoggi, torturé puis découpé à l'ambassade d'Istanbul par des sbires du régime saoudien. Cet assassinat extra-judiciaire vient rappeler à l'opinion publique le caractère tyrannique et cruel du régime saoudien, monarchie liberticide régulièrement dénoncée par de nombreuses ONG pour ses violations manifestes et répétées des droits de l'homme les plus élémentaires. Pour rappel : 48 décapitations ont eu lieu sur des places publiques entre janvier et avril 2018, dans un pays qui se situait à la 164e position sur 180 dans le classement relatif à la liberté de la presse établie par Reporters sans Frontières en 2015, royaume où un opposant s'exprimant pacifiquement sur la nature du régime peut être passible de 1 000 coups de bâton et 10 d'emprisonnement, comme cela a été encore le cas pour M. Raif Badawi, récipiendaire du prix Sakharov en 2015. Pourtant la France s'expose à être frappée d'indignité morale et politique sur la scène internationale en livrant régulièrement des armes à l'Arabie saoudite, notre deuxième partenaire commercial en la matière, avec 11 milliards d'armes vendues entre 2008 et 2017. La presse s'est récemment fait le relais de la vente de cinq corvettes de classe Gowind à destination de Ryad par le Naval Group (détenu à 62.5 % par l'État) à destination de Ryad, cela alors que le régime saoudien mène une guerre particulièrement atroce contre son voisin yéménite. Depuis 2016, ce sont près de 62 000 personnes qui sont mortes des suites des combats, selon l'ONG Acled, dont des milliers de civils lors des bombardements. Disette, épidémie, embargo, famine et bombardements intensifs se conjuguent pour accabler un peuple yéménite victime des ambitions impérialistes de l'Arabie saoudite, où près de 85 000 enfants sont morts de faim ou de maladie depuis 2015, selon l'ONG Save Children. La France ne saurait se faire complice de pareil régime, complice d'une guerre cruelle et absurde largement dénoncée par la communauté internationale, complice d'une monarchie qui méprise aussi ostensiblement les droits et libertés de ses propres citoyens. Alors que le Président de la République semble s'émouvoir de l'absence de démocratie dans un pays comme le Vénézuela et affiche publiquement son soutien à l'opposition d'un gouvernement pourtant légalement élu, la France ne pourrait nouer des contrats commerciaux portant sur la vente d'armes à l'Arabie saoudite sans faire peser sur elle le pire soupçon d'hypocrisie. Il en va de la crédibilité de notre pays sur la scène internationale, il en va de la morale publique la plus élémentaire, il en va de la paix et de la stabilité dans une région minée par des antagonismes croissants et croisés. A la lumière de l'ensemble ces éléments, elle souhaite donc savoir quelles mesures il entend prendre afin de mettre en place dans les plus brefs délais un moratoire sur toutes les ventes d'armes à destination de l'Arabie saoudite.

Réponse émise le 29 octobre 2019

La France entretient avec l'Arabie saoudite un dialogue exigeant sur les droits de l'Homme et la peine de mort. S'agissant de l'affaire Khashoggi, la France demande que les faits soient clairement établis dans cette affaire d'une extrême gravité et que toutes les enquêtes nécessaires aillent à leur terme. Le Président de la République en a clairement exprimé l'attente. Le Yémen est également un sujet régulièrement abordé avec les autorités saoudiennes. La France est très préoccupée par la situation humanitaire dans ce pays. Au total, ce sont aujourd'hui 24 millions de personnes, soit près de 80 % de la population, qui ont besoin d'une aide humanitaire, et 2,4 millions de personnes sont toujours déplacées à l'intérieur du pays. La France invite de manière constante les parties au respect des principes du droit international humanitaire dans la conduite des hostilités, particulièrement le principe de proportionnalité. En tant que partie à un conflit armé, la Coalition a des responsabilités à cet égard. La France entretient avec cette dernière un dialogue régulier s'agissant du respect du droit international humanitaire. Ces messages ont été passés au plus haut niveau aux représentants saoudiens et émiriens. La France a par ailleurs rehaussé le niveau de vigilance de sa procédure d'examen des demandes de licences d'exportation dans ce contexte. Les autorisations d'exportation sont délivrées sous la responsabilité du Premier ministre après avis de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre. La délivrance des autorisations se fait dans le strict respect des obligations internationales de la France, notamment les dispositions du Traité sur le commerce des armes et les huit critères de la position commune européenne 2008/944, à l'issue d'un examen millimétré, au cas par cas. L'évaluation tient notamment compte de la nature des matériels, de l'utilisateur final, du respect des droits de l'Homme dans le pays de destination finale et du respect du droit humanitaire international par ce pays, ainsi que de la préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionale. Enfin, la France se mobilise activement pour permettre un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave aux populations affectées et soutient pleinement le retour des parties à la table des négociations en vue d'un accord politique global et inclusif, dans le respect de l'intégrité territoriale du Yémen. La dégradation de la situation sécuritaire et l'affaiblissement de l'Etat yéménite font le jeu des groupes terroristes présents dans le pays, notamment Daech et AQPA (Al Qaida dans la Péninsule arabique). C'est pourquoi il est urgent de mettre un terme au conflit en mettant en œuvre une solution politique inclusive. La France continuera à appeler l'ensemble des parties à s'engager résolument sur la voie d'un règlement politique, et soutient pleinement les efforts et l'action diplomatique déployés à cet égard par l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies.

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