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Fabien Lainé
Question N° 16707 au Ministère de la culture


Question soumise le 12 février 2019

M. Fabien Lainé interroge M. le ministre de la culture sur la question du retour des biens culturels africains. Le ministre de la culture du Sénégal, M. Abdou Latif Coulibaly a récemment affirmé que son pays désirait le retour de « tous les objets d'art identifiés comme étant ceux du Sénégal » conservés dans les musées français. Le 28 novembre 2018, le porte-parole du gouvernement de la Côte d'Ivoire, M. Sidi Touré, a annoncé que son pays allait demander à la France la restitution d'une centaine d'œuvres d'art. Le débat sur la question du patrimoine universel n'est pas nouveau. L'histoire récente montre, par exemple, les démarches diplomatiques et judiciaires entamées dans les années 1960 par le ministère mexicain des affaires étrangères afin de récupérer son patrimoine olmèque localisé en Europe. Il convient d'observer également les demandes du gouvernement grec au British museum pour la restitution des marbres du Parthénon, que Lord Elgin, ambassadeur britannique à Constantinople, fit envoyer à Londres en 1801-1802. Depuis les années 1950, ce débat relève d'une question multiple : faut-il restituer ? À qui ? Pourquoi ? De quel droit ? En effet, à partir de cette époque ont été mis en place un certain nombre de textes instituant des catégories juridiques, conventions, recommandations, proclamations émanant notamment de l'UNESCO. Néanmoins, il convient de s'interroger encore sur la question de la sécurité des œuvres d'art et l'application des politiques patrimoniales. La demande de restitution d'objets d'art formalisée par le Bénin en août 2016 rouvre une question morale importante qui concerne non seulement un État et son patrimoine, mais est aussi liée à l'histoire des pays colonisés et colonisateurs. Le terme de « restitution » suppose un vol préalable, ou tout du moins une spoliation. Si l'on considère que la morale ne peut se substituer à la loi, il convient de s'interroger sur l'avenir des collections françaises d'art africain. En effet, le débat sur la « restitution » des œuvres d'art interroge la notion de propriété, qui domine les questions relatives au patrimoine. D'après l'article 451-5 du code du patrimoine français, les œuvres entrées dans les collections nationales sont soumises aux principes d'imprescriptibilité et d'inaliénabilité. Il l'interroge sur la base juridique sur laquelle repose le principe de « restitution » des objets culturels. Et si l'on considère un contexte d'instabilité politique, le trafic illicite d'objets et les pillages qui ont lieu dans les zones de conflit, comment s'applique la prescription et quelle assurance quant à la « restitution » de ces objets. Ces derniers seront-ils protégés comme ils le sont actuellement par le cadre déontologique des structures européennes, à savoir les textes et politiques qui encadrent le concept de patrimoine ? Du point de vue du droit international : les musées africains sont-ils soumis aux mêmes règles juridiques, conventions et droits que les musées européens. Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse émise le 4 juin 2019

Le 28 novembre 2017, à l'université de Ouagadougou au Burkina Faso, le Président de la République a détaillé les actions qu'il souhaitait engager pour nouer une « nouvelle relation d'amitié dans la durée » avec le continent africain. Parmi ces initiatives, le Président Emmanuel Macron a fait de la culture et du patrimoine culturel africain l'un de ses axes prioritaires d'action. Dans le prolongement de la remise par Madame Bénédicte Savoy et Monsieur Felwine Sarr de leur « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain », le Président de la République a confié au ministère de la culture et au ministère de l'Europe et des affaires étrangères la responsabilité de mettre en œuvre conjointement les étapes permettant de faire en sorte que la jeunesse africaine ait accès en Afrique, et non plus seulement en Europe, à son propre patrimoine et au patrimoine commun de l'humanité. Toutes les formes possibles de circulation des œuvres doivent être considérées : restitutions, mais aussi expositions, échanges, prêts, dépôts, coopérations, etc. Les musées concernés vont naturellement être au cœur de tous ces modes de circulation et de coopération. À ce titre, il convient de saluer toutes les initiatives déjà prises par les musées français sur tout le territoire, pour assurer la présentation de leurs collections à l'étranger, pour mettre en ligne ces collections après numérisation et pour aider de nombreux pays dans le développement de leurs musées. En effet, la question des conditions de conservation, de sûreté et de sécurité est une préoccupation majeure et un point sur lequel il est important que la France puisse apporter son expertise. Le Président de la République a par ailleurs annoncé que 26 objets aujourd'hui inscrits sur les inventaires du musée du quai Branly-Jacques Chirac seraient restitués au Bénin. Le ministère de la culture examine actuellement, en lien avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les voies et moyens juridiques permettant de répondre à chaque demande de restitution, dans le respect des principes fondamentaux de protection du patrimoine. Les services du ministère de la justice ont également été saisis afin de faire part de leur analyse. Dans ce contexte, les services du ministère de la culture et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ont entrepris d'élaborer conjointement un plan d'actions pour construire avec le continent africain la nouvelle politique d'échanges culturels souhaitée par le Président de la République. Des contacts avec les partenaires africains et européens pouvant être directement intéressés par cette démarche ont d'ores et déjà été pris afin de bâtir un programme de discussions et travaux. Ces démarches permettront d'aboutir à des propositions et actions concrètes en matière notamment de coopération muséale, de circulation des œuvres, de formation des agents, de dialogue et de coopération scientifique.

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