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Philippe Gosselin
Question N° 16737 au Ministère de l'économie


Question soumise le 12 février 2019

M. Philippe Gosselin attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les cartes bancaires prépayées et anonymes. Apparues en France en 2010 par la transposition d'une directive européenne 2009/110/CE relative à la monnaie électronique, ces cartes bancaires permettent d'effectuer des paiements sans connexion avec un compte bancaire. Il suffit en effet à l'utilisateur de se procurer une carte en supermarché ou auprès d'un buraliste par exemple puis d'acquérir des coupons-recharges d'un certain montant dans les mêmes points de vente. Si ces cartes présentent un intérêt certain pour le consommateur, notamment un prix inférieur à une carte bancaire classique et l'impossibilité d'être à découvert, elles permettent d'effectuer des achats et de transférer des fonds dans l'anonymat le plus complet. En effet, aucune pièce d'identité, aucun numéro de téléphone ou aucun justificatif de domicile ne sont demandés lors de l'achat d'une telle carte. Par ailleurs, le code monétaire et financier prévoit que Tracfin est autorisé à disposer des informations financières relatives à la monnaie électronique à partir d'un seuil de 1 000 euros par opération de paiement ou de rechargement. Les cartes bancaires prépayées sont ainsi devenues un outil de paiement privilégié du crime organisé et des terroristes. Un nombre croissant d'escrocs, lors de leurs correspondances avec leurs victimes, en particulier sur internet, demandent un paiement par coupon-recharge : la victime se rend dans un point de vente, acquiert une recharge et communique le numéro inscrit sur le coupon à l'escroc, qui recharge sa carte prépayée grâce à ce numéro. Ce modus operandi a ainsi notamment été par les réseaux criminels organisant des « arnaques à l'amour » sur internet ou aux faux contrats de travail. L'opération de chargement étant anonyme et irréversible, les escrocs ne peuvent être retrouvés et la victime n'a aucune chance de retrouver son argent. La méthode est infaillible. Les terroristes de Daesh semblent également avoir recours à ces cartes prépayées pour financer leurs activités. Les sympathisants du groupe, contactés par les réseaux sociaux, transfèrent ainsi des dons à l'organisation en Syrie. Les terroristes du 13 novembre 2015 semblent eux-mêmes avoir utilisé ce moyen de paiement. Il apparaît donc nécessaire et urgent d'encadrer davantage ces cartes prépayées. La loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement renvoyait à un décret la fixation des opérations pouvant être effectuées grâce à ces cartes et la fin de l'anonymat des utilisateurs. Il lui demande donc de bien vouloir indiquer la date envisagée pour la publication de ce décret et les mesures précises qui en feront l'objet.

Réponse émise le 28 mai 2019

Les vulnérabilités présentées par les cartes prépayées anonymes sont un sujet majeur en ce qui concerne la lutte contre le financement du terrorisme. Comme l'a souligné la conférence No Money For Terror qui s'est déroulée en avril 2018, la lutte contre le financement du terrorisme est une priorité politique claire pour le Gouvernement. Le deuxième engagement de l'Agenda de Paris, pris à l'issue de cette conférence, a d'ailleurs pour objet la lutte contre les transactions financières anonymes. La France partage pleinement cet objectif. Elle a donc strictement réglementé l'utilisation des cartes prépayées afin de réduire substantiellement le risque qu'elles présentent. Tout d'abord, la transposition de la 4e directive anti-blanchiment par les décrets n° 2016-1523 du 10 novembre 2016 et n° 2018-284 du 18 avril 2018, désormais codifiés à l'article R. 561-16-1 du Code monétaire et financier, a fortement atténué l'utilisation anonyme des cartes prépayées. Désormais, toute carte prépayée alimentée à partir de moyens de paiement traçables (comptes bancaires nominatifs) ne peut être anonyme que si ses capacités de stockage et de rechargement sont limitées à 250 euros par mois et si les opérations de retrait ou de remboursement en espèces sont limitées à 100 euros. Aucune carte prépayée alimentée à partir de moyens de paiement non traçables (espèces ou monnaie électronique) ne peut être acquise ou rechargée anonymement, sauf s'il s'agit d'une carte « enseignes » utilisable dans un réseau limité de commerçants. La 5e directive anti-blanchiment (directive UE 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018), qui doit être transposée avant le 10 janvier 2020, limitera davantage l'utilisation des cartes prépayées anonymes. En effet, d'une part, le plafond de stockage et de rechargement sera abaissé à 150 euros par mois au lieu de 250 euros et d'autre part, la limite de retrait ou de remboursement sera portée à 50 euros au lieu de 100 euros. D'autres dispositions législatives et réglementaires encadrent plus généralement l'utilisation des cartes prépayées. Le décret mentionné dans la question, prévu par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, a été publié dès le 15 décembre 2016 et est entré en vigueur le 1er janvier 2017. Il prévoit que la valeur maximale de toute carte prépayée est limitée à 10 000 euros et que les montants maximaux de chargement, de retrait et de remboursement sont plafonnés à 1 000 euros. Par ailleurs, depuis la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, les cartes prépayées sont soumises à l'obligation déclarative auprès des douanes lorsqu'elles dépassent une valeur cumulée de 10 000 euros. Les établissements de monnaie électronique sont assujettis au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme depuis 2013 et déclarent, de ce fait, à Tracfin, les flux dont ils soupçonnent la provenance frauduleuse, sans limite de seuil. La transposition de la 5ème directive qui doit être effectuée permettra d'harmoniser au plan européen le cadre normatif et de corriger les éventuelles faiblesses de régulation. L'Agenda de Paris permet de viser les mêmes objectifs au plan international.

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