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Alexis Corbière
Question N° 1677 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 3 octobre 2017

M. Alexis Corbière alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les dangers potentiels découlant des dérogations à une nouvelle législation européenne accordées à certains grands groupes. Depuis le 21 septembre 2017, le règlement européen « REACH » a ajouté à la liste des produits interdits d'usage différentes substances contenant du chrome hexavalent. Le chrome VI est un composé couramment utilisé pour le traitement de surface de certains matériaux, dans les chaînes de sous-traitance du secteur aéronautique par exemple. Il a été classé comme dangereux pour la santé humaine. Or, suite à la mobilisation de lobbys industriels désireux de poursuivre l'utilisation de ces composés dangereux, ce même règlement européen prévoit la possibilité que des dérogations soient accordées à certains grands groupes et à leur chaîne de sous-traitance. Pour obtenir une telle dérogation, le demandeur peut montrer que les avantages socio-économiques de l'utilisation du chrome VI l'emportent sur les risques. La santé humaine et l'environnement peuvent donc être mis en danger dès lors qu'une entreprise a des intérêts socio-économiques à faire valoir. Cette demande de dérogation a un prix : un dossier d'autorisation peut coûter jusqu'à plusieurs millions d'euros. Ainsi est validé par les instances européennes le principe du « pollueur-payeur » : pour qui en a les moyens, polluer devient un droit. Ces décisions pourraient avoir des conséquences majeures sur les territoires, sur la population et sur les salariés concernés puisque des usines poursuivent l'utilisation de composés dangereux. À Montreuil, la SNEM, sous-traitant d'Airbus, continue à recourir au Chrome VI. Implantée en zone pavillonnaire, cette usine suscite de vives inquiétudes chez de nombreux riverains. Un collectif est mobilisé depuis plusieurs semaines pour obtenir sinon la fermeture définitive de l'usine, au moins la suspension de son activité jusqu'à ce que toutes les mises aux normes demandées par les services préfectoraux aient été opérées. En outre, le sort des salariés doit être examiné avec la plus grande attention par les pouvoirs publics. S'il y a un risque pour leur santé, il y en a un également un pour leur emploi en cas de suspension de l'activité. Des mesures adaptées doivent être prises pour parer ces risques. Le cas de la SNEM n'est pas unique en France. Que ce soit dans des zones urbaines ou rurales, des usines vont continuer à stocker, utiliser et convoyer des produits classés dangereux pour la santé et l'environnement. Quels moyens de contrôle le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour vérifier qu'aucune atteinte n'est faite à la santé des populations locales ou à l'environnement ? Des vérifications systématiques et régulières sont-elles prévues sur les sites concernés pour s'assurer que les salariés en contact direct avec ces substances ne sont pas mis en danger ? Des dispositifs sont-ils prévus pour protéger les équipements publics (écoles, hôpitaux, EHPAD, ...) voisins de ce type d'activités ? La France envisage-t-elle de défendre l'interdiction totale de ces composés, sans possibilité de dérogation dès lors que la santé humaine ou l'environnement sont menacés ? Il est nécessaire d'agir pour éviter un nouveau scandale sanitaire tel que l'on en a connu au cours des dernières années. Il souhaite donc connaître sa position sur ces différents points.

Réponse émise le 28 novembre 2017

Pour répondre aux enjeux sanitaires et environnementaux majeurs liés aux produits chimiques, les ministères chargés de l'environnement, de la santé, du travail, des douanes, de la concurrence et de la répression des fraudes mettent en œuvre, depuis plusieurs années, une approche conjointe et coordonnée des actions relatives à ces produits, notamment pour le contrôle. Les inspections réalisées portent sur plusieurs réglementations dont le règlement européen REACH (Enregistrement, Evaluation, Autorisation et Restriction des produits chimiques), dont le ministère de la transition écologique et solidaire est l'autorité compétente mandatée auprès des instances européennes. Entre 2013 et 2016 plus de 26 000 contrôles ont ainsi été réalisés en lien avec ce règlement. Le règlement REACH est entré en vigueur le 1er juin 2007 ; il vise une meilleure connaissance des effets des substances chimiques sur la santé humaine et sur l'environnement, pour une gestion efficace des risques liés à l'utilisation de ces produits. Il revient dorénavant à l'industriel de démontrer que l'utilisation de sa substance peut se faire sans risque pour la santé humaine ou pour l'environnement, sachant que des dispositions réglementaires complémentaires d'interdiction ou de restriction peuvent être mobilisées. Le règlement REACH liste ainsi dans son annexe XIV les substances « soumises à autorisation ». L'inscription des substances les plus préoccupantes à cette annexe a pour objectif de mener les entreprises à les remplacer et les éliminer de leurs produits ou procédés. 43 substances figurent à ce jour à l'annexe XIV du règlement. Cette liste est complétée régulièrement et la France assure un rôle moteur dans ce cadre. Inscrire de nouvelles substances à cette annexe est en effet indispensable et efficace : les études ont montré que le règlement REACH orientait la substitution, et les avantages quantifiés pour la santé et l'environnement de l'inscription des substances à l'annexe XIV dépassent largement les coûts pour les entreprises. La France défend l'arrêt total de l'utilisation des substances de l'annexe XIV, dès lors que des solutions de substitution existent : le règlement REACH prévoit ainsi un délai de transition pour permettre aux entreprises de mettre en œuvre les investissements et les modifications des conditions de production nécessaires à l'évolution vers des technologies plus vertueuses. La substitution de ces substances est la priorité. Cependant, une période de transition peut être obtenue au cas par cas : une autorisation d'utiliser une substance de l'annexe XIV peut être accordée par la Commission européenne pour un ou plusieurs usages précis et pour une durée limitée dans le temps, le temps de la substitution, par exemple pour la mise en œuvre des investissements. Sa validité est soumise à l'application par les entreprises concernées de mesures de gestion des risques destinées à protéger rigoureusement l'environnement, ainsi que la santé des travailleurs et de la population environnante. Les autorisations sont délivrées si aucune autre substance ou technologie de substitution adéquate ne peut être déployée, après analyse des comités techniques d'évaluation des risques et d'analyse socio-économiques de l'agence européenne des produits chimiques. Des retards ont été pris par la Commission européenne dans l'instruction des dossiers de demande d'autorisation. La demande d'autorisation d'utiliser du trioxyde de chrome déposée par le consortium CTAC (et dont la société SNEM dit être un utilisateur aval de la chaîne d'approvisionnement) est toujours en attente, un an après la publication des avis des comités de l'agence européenne des produits chimiques ; c'est pourquoi la SNEM peut poursuivre l'utilisation en l'attente de la décision de la Commission européenne. Les autorités françaises ont plusieurs fois rappelé à la Commission européenne l'importance du respect des délais pour la crédibilité du système d'autorisation, notamment vis-à-vis des parties prenantes et des industriels concernés. Il a été de nouveau signalé à la Commission l'urgence de statuer sur cette demande. D'un point de vue de la réglementation REACH, la société SNEM a le droit de continuer à utiliser du trioxyde de chrome, dès lors que la Commission européenne n'a pas encore statué sur la demande d'autorisation qui la concerne. Par ailleurs, les réglementations françaises en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), d'une part, en matière de protection des travailleurs, d'autre part, sont également applicables et visent à assurer la maîtrise des dangers et inconvénients de l'établissement. Sur le plan de l'exposition des travailleurs, des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) sont fixées et la vérification de leur respect peut faire l'objet de mesures. En ce qui concerne le volet installations classées, si des éléments constatés en inspection démontrent l'insuffisante maîtrise de risques, un arrêté complémentaire peut venir renforcer les prescriptions applicables. Ainsi, la prochaine inspection sur le site de la SNEM, fin novembre, permettra de faire un nouveau point après l'échéance de l'obligation notifiée en août, de mettre en conformité avant mi-novembre les débouchés à l'atmosphère, actuellement en façade, pour les placer en toiture. En effet, afin de s'assurer du respect des prescriptions, qu'elles soient issues de la réglementation REACH, de la réglementation nationale ou d'arrêtés préfectoraux, des contrôles sont réalisés par les services déconcentrés du ministère de la transition écologique et solidaire. Ces contrôles incluent, le cas échéant, la vérification du respect des prescriptions relatives aux substances inscrites à l'annexe XIV du règlement REACH. Afin d'accentuer les contrôles en lien avec les demandes d'autorisation liées à ces substances, notamment le trioxyde de chrome, les établissements industriels concernés par cette procédure ont été ciblés comme étant à enjeux dans le cadre du plan pluriannuel de contrôle établit par l'inspection des installations classées et font ainsi l'objet d'une fréquence de contrôle renforcée. Concernant le trioxyde de chrome, une action nationale spécifique sera déployée en 2018, en lien avec l'activité de traitement de surface, pour vérifier l'arrêt de l'utilisation de la substance, ou le respect des prescriptions dans les entreprises ayant obtenu une autorisation européenne.

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