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Éric Coquerel
Question N° 16878 au Ministère de l'europe


Question soumise le 12 février 2019

M. Éric Coquerel alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la menace d'activation par les États-Unis du titre III de la loi Helms Burton. Entrée en vigueur en 1966, la loi Helms Burton vient codifier et durcir la politique de blocus économique, commercial et financier imposée par les États-Unis à Cuba depuis 1962. Il s'agit d'une loi de guerre, elle vise à renverser le gouvernement de Cuba. Son caractère extraterritorial et son agressivité extrême envers le peuple cubain en font une loi rejetée par la communauté internationale. Dans les années 1960, il s'agissait pour Cuba, de ne plus être un appendice des États-Unis ou leur « République bananière ». La reprise en main des biens du peuple cubain par le peuple cubain est pleinement légitime, aux yeux du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tout comme aux yeux du droit national cubain. La Loi Helms Burton lutte contre les nationalisations opérées à Cuba dans les années 60, durant un processus légitime, reconnu d'ailleurs par la Cour suprême des États-Unis elle-même. Le titre III de la loi Helms Burton établit l'autorisation aux ressortissants « étatsuniens » d'intenter des poursuites devant les tribunaux américains contre tout étranger qui « fait du trafic » avec des biens « étatsuniens » qui ont été nationalisés à Cuba dans les années 60. Ce titre étend cette autorisation à des propriétaires qui n'étaient pas citoyens aux États-Unis durant les nationalisations, et dont les propriétés sont uniquement présumées. Cette disposition absurde implique que quasiment toutes les structures à Cuba pourraient être réclamées par des tribunaux aux États-Unis. Elle est tellement absurde que depuis 1996, tous les présidents des États-Unis suspendent tous les 6 mois l'application de cet article. Pourtant, le 16 janvier 2019, le département d'État des États-Unis a annoncé sa décision de suspendre pour 45 jours seulement l'application du titre III de la loi Helms Burton. L'interventionnisme des États-Unis en Amérique du sud, le renforcement d'une frange « putschiste », conservatrice et pro-États-Unis sur le continent connaît une croissance dangereuse et inquiétante. À Cuba, la menace d'activation du titre III de la loi Helms Burton met en danger la souveraineté du peuple cubain. Elle menace également directement les intérêts des entreprises françaises, qui pourraient elles aussi se retrouver devant les tribunaux américains. Il l'appelle à garantir les intérêts stratégiques et industriels français à Cuba et de défendre sa souveraineté nationale. Il lui demande quelles mesures il compte mettre en œuvre pour refuser cette menace d'activation du titre III de la loi Helms Burton. Lors d'un récent déplacement à Cuba pour participer à la « conférence pour l'équilibre du monde », il a pu constater que de nombreux responsables politiques suivent avec attention la position française sur cette question.

Réponse émise le 22 octobre 2019

Après avoir évoqué à plusieurs reprises la possibilité d'interrompre la suspension du Titre III de la loi Helms-Burton adoptée en 1996, les Etats-Unis ont décidé d'appliquer pleinement, à partir du 2 mai dernier, ce dispositif qui donne la faculté aux ressortissants ou entreprises des Etats-Unis, dont les biens cubains ont été nationalisés à compter de 1959, de déposer une demande d'indemnisation auprès d'un tribunal des Etats-Unis, à l'encontre de toute personne se livrant à des activités de "trafic" d'un tel bien, cette notion étant très largement définie. La France condamne l'activation du Titre III qui est inacceptable car plusieurs de ses dispositions, qui revêtent une portée extraterritoriale illicite, constituent une violation du droit international. Cette décision des autorités américaines, qui constitue une atteinte à notre souveraineté économique, vise à dissuader les entreprises, notamment européennes, de s'engager dans des projets d'investissements à Cuba. Le réglement (CE) n° 2271/96 du Conseil, qui porte protection contre les effets de l'application extraterritoriale de législations de pays tiers, est applicable et constitue aujourd'hui la principale réponse de l'Union européenne pour protéger nos intérêts. Ce réglement établit notamment la non reconnaissance sur le sol européen de toute décision, qu'elle soit administrative, judiciaire ou arbitrale, prise par une autorité d'un pays tiers en application du Titre III de la loi Helms-Burton, et permet aux personnes physiques ou morales européennes lésées de poursuivre auprès des juridictions françaises et européennes la personne à l'origine de la plainte aux Etats-Unis, ainsi que ses avocats ou représentants, pour exiger une indemnisation. La France poursuit avec les autres Etats membres de l'Union européenne et avec la Commission européenne les échanges pour étudier les moyens de renforcer la protection de nos intérêts et de nos entreprises à Cuba. Le cas de Cuba illustre la nécessité de poursuivre le renforcement de nos instruments de souveraineté économique, notamment européens. Au-delà du rapport de forces politique, soutenir la montée en puissance du rôle international de l'euro est une autre réponse de long terme au défi de l'extraterritorialité, que nous porterons au cours de la prochaine mandature. Depuis 1992, à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies, la France vote chaque année en faveur d'une résolution appelant à la levée de l'embargo américain imposé à Cuba. L'Union européenne et la France ont rappelé à maintes reprises leur opposition de principe aux sanctions secondaires et aux lois extraterritoriales abusives. La position de la France à ce sujet n'a pas changé.

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