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Danièle Obono
Question N° 16944 au Ministère de l'économie


Question soumise le 12 février 2019

Mme Danièle Obono interroge Mme la ministre, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur les profits illégitimes réalisés par la France sur la dette de la Grèce et au détriment du peuple grec. À partir de mai 2010, le FMI, les institutions de l'Union européenne ainsi que ses pays membres ont mis en place plusieurs plans dits de « sauvetage » de la Grèce. La France, à l'instar des autres pays européens, a participé et bénéficié de ces plans de différentes manières. En mai 2010, la France a octroyé à la Grèce un prêt bilatéral de 11,4 milliards d'euros. C'est aujourd'hui la créance bilatérale la plus importante que détient la France sur un pays tiers. Le taux d'intérêt de ce prêt bilatéral a atteint 4 % en mars 2011 : un taux bien en deçà du taux auquel empruntait la France à l'époque, et qui a dû être revu à la baisse à plusieurs reprises. Pour financer leurs prêts (notamment à la Grèce), le fonds européen de stabilité financière (FESF), puis le mécanisme européen de stabilité (MES) ont émis des titres sur les marchés financiers, titres garantis par les États de la zone euro. Ainsi, en plus du capital déjà « libéré », ces deux institutions ont pu bénéficier de capitaux « appelables ». Les contributions de la France au FESF et au MES s'élèvent respectivement à 158 et 142,7 milliards d'euros. Parallèlement aux prêts octroyés à la Grèce, la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales dont la Banque nationale de France (BNF) ont racheté à partir de 2010 des titres de la dette grecque sur le marché secondaire via les programmes Securities Markets Programme (SMP) et Agreement on Net Financial Assets (ANFA). Ces rachats ont généré d'importants profits, dans la mesure où les banques centrales ont racheté ces titres à seulement 70 % de leur valeur faciale alors que la Grèce leur rembourse à 100 %. De plus, les taux d'intérêts sur ces titres sont très élevés. En juillet 2017, le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi affirmait ainsi que la BCE avait réalisé grâce à la dette grecque un profit de 7,8 milliards d'euros rien qu'entre 2012 et 2016. Le profité réalisé par la BNF entre 2012 et 2017 avec son portefeuille ANFA s'élève, lui, à 721,6 millions. Une partie des profits réalisés par la BCE (1,574 milliard jusqu'en 2017) et les profits réalisés par la BNF sont transférés à l'État français, censé, conformément à la décision de l'Eurogroupe de novembre 2012 les rétrocéder à la Grèce. Or l'Eurogroupe a mis fin en juin 2015 à cet accord de rétrocession. La reprise des transferts devrait toutefois reprendre suite à l'accord sur la dette grecque du 21 juin 2018. Cette reprise est bien entendu conditionnée à la poursuite de l'austérité et prendrait effet seulement à partir des profits de l'année 2017. De plus, à l'instar des profits 2013 déjà rétrocédés à la Grèce, les nouveaux versements se feront sur un compte spécial dédié au remboursement de la dette grecque ou permettront de financer l'allègement de celle-ci. À en croire un document de la Cour des comptes française, la non rétrocession des profits SMP et ANFA pour les années 2015 et 2016 serait définitive. Ce sont 758,1 millions d'euros, dus à la Grèce, qui iront dans les caisses de l'État français. Face à ce constat d'absence totale de solidarité vis-à-vis d'une nation déjà en grande difficulté, elle souhaite avoir des précisions sur différents sujets ici soulevés. Quel est le montant des intérêts perçus à ce jour par la France sur ce prêt depuis son octroi en mai 2010 ? Est-ce que la France s'engage à rétrocéder à la Grèce, ces profits réalisés abusivement sur un pays en crise ? Quelle part de la contribution française au FESF a déjà été déboursée et quelle part est appelable au titre de garantie ? Quelle part de la contribution française au MES a déjà été déboursée et quelle part est appelable au titre de garantie ? Est-ce que ces contributions sont déjà comptabilisées dans la dette publique française ? Si oui, dans leur entièreté ? Si non, quelle partie ? Elle souhaite savoir si Mme la ministre confirme que les profits 2015 et 2016 réalisés par la France, soit la somme de 758,51 millions d'euros ne seront jamais reversés à la Grèce. Enfin, elle lui demande si elle confirme que, si la reprise des rétrocessions des profits venait à avoir lieu, elle sera encore conditionnée à des politiques d'austérité et servira au remboursement et/ou l'allègement de la dette grecque.

Réponse émise le 30 avril 2019

Concernant les prêts bilatéraux octroyés à la Grèce depuis 2010, l'accord du 26 novembre 2012 a rendu plus favorable pour la Grèce les conditions de remboursement de ces prêts et de paiement des intérêts liés. Le délai de remboursement a été fortement allongé (1) et les intérêts ont été réduits (2). Ces conditions de prêts sont plus favorables que les conditions de marchés et que celles auxquelles emprunte la France en moyenne. Concernant les revenus tirés de la détention d'obligations grecques acquises dans le cadre des programmes Securities markets program (SMP) et Agreement on Net Financial Assets (ANFA), l'accord de l'Eurogroupe du 22 juin 2018 ne prévoit pas que les revenus perçus au titre des années 2015 et 2016 soient rétrocédés à la Grèce. L'accord confirme en revanche la rétrocession à la Grèce des revenus SMP au titre de l'année 2014 ainsi que les revenus SMP et ANFA à partir de l'année 2017, sous réserve que la Grèce respecte les conditions fixées sur la période post-programme (ces conditions sont listées en annexe de l'accord de l'Eurogroupe susmentionné). Ces revenus pourront être utilisés pour réduire les besoins de financement de la Grèce ou pour financer des investissements agréés. Le 5 avril 2019, un accord a été trouvé par l'Eurogroupe pour transférer 970 M€ à la Grèce (dont 644 M€ au titre des revenus SMP et ANFA). La mise en œuvre de cette première tranche de mesures conditionnelles de traitement de la dette grecque est autorisée dans la mesure où la Grèce a rempli les conditions qui lui étaient liées. Pour rappel, l'Eurosystème a acquis dans le cadre du programme SMP des obligations grecques afin d'exercer une pression à la baisse sur les taux d'intérêt demandés par les marchés financiers, qui étaient alors en forte hausse, et ainsi rétablir la transmission de sa politique monétaire en Grèce. L'exposition de la France au titre de la garantie qu'elle apporte aux émissions du fonds européen de stabilité financière (FESF) est de 70,3 Md€ en principal, dont 26,3 Md€ au titres de la sur-garantie. Concernant le mécanisme européen de stabilité (MES), la quote-part de la France dans ce capital de 704,8 Md€ s'élève à 20,2381 %. La souscription de la France au capital autorisé est ainsi de 142,6 Md€, dont 16,3 Md€ de capital appelé. [1] Le capital des prêts ne sera remboursé qu'entre 2020 et 2041.[2] Ils sont depuis lors calculés sur la base du taux Euribor à 3 mois + 50 points de base.

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