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Raphaël Gérard
Question N° 16978 au Ministère des solidarités


Question soumise le 19 février 2019

M. Raphaël Gérard appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'absence de cadre législatif clair en matière d'insémination artisanale, technique consistant pour le père biologique à mettre du sperme dans une seringue afin de l'injecter dans le vagin de la mère biologique. Certes, des dispositions présentes dans le code pénal ainsi que dans le code de la santé publique font référence explicitement à la notion d'insémination artificielle. L'article 511-12 du code pénal dispose que : « le fait de procéder à une insémination artificielle par sperme frais ou mélange de sperme provenant de dons en violation de l'article L. 1244-3 du code de la santé publique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. » L'article L. 1244-3 du code de la santé publique dispose que « l'insémination artificielle par sperme frais provenant d'un don et le mélange de spermes sont interdits ». Toutefois, il est à noter que l'article L. 2142-1 du code de la santé publique dispose que « les activités cliniques d'assistance médicale à la procréation, à l'exception de l'insémination artificielle et de la stimulation ovarienne, ne peuvent être pratiquées que dans des établissements de santé. » Une certaine interprétation des textes actuels pourrait ainsi ouvrir la possibilité de pratiquer des inséminations artificielles hors établissements de santé, par exemple, entre particuliers. Par ailleurs, l'interdiction de manipuler son propre sperme ou de le mélanger contrevient au principe d'autonomie personnelle. L'interdiction d'avoir recours à l'insémination artisanale au moyen de son propre sperme constituerait ainsi une ingérence disproportionnée de l'État français dans la vie privée des personnes, constitutive d'une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. En ce sens, les articles 511-12 du code pénal et L. 1244-3 ne s'opposent pas strictement à ce qu'un particulier manipulant son propre sperme pratique une insémination artisanale. Il lui demande donc de clarifier l'interprétation des textes existants et de l'éclairer sur les modifications législatives envisagées sur ce plan en prévision du projet de loi de bioéthique.

Réponse émise le 3 mars 2020

L'insémination artisanale consiste, hors de tout cadre médical, à introduire, via une seringue, du sperme frais dans le vagin d'une femme dans l'objectif d'aboutir à une grossesse. Aujourd'hui, l'insémination artisanale serait pratiquée par les publics non éligibles à l'assistance médicale à la procréation (couples de femmes, femmes non mariées) via des sites Internet où des hommes proposent leurs services. L'insémination artificielle ne relève pas des activités de soin soumise à autorisation de l'agence régionale de santé (article L. 2142-1 du code de la santé publique, alinéa 4) et elle peut être réalisée en dehors d'un établissement de santé (même article, alinéa 1). Dans les faits, l'insémination artificielle est pratiquée le plus souvent dans le cabinet médical d'un gynécologue. En revanche, l'activité de recueil et de préparation du sperme avant insémination artificielle est une activité biologique d'assistance médicale à la procréation qui ne peut être pratiquée que dans un laboratoire de biologie médicale autorisé par l'Agence régionale de santé (même article, alinéas 2 et 4). La pratique de l'insémination artisanale relève, par conséquent, de la sanction pénale prévue à l'article 511-22 du code pénal ; elle est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Par ailleurs, l'article L. 1244-3, du code de la santé publique, dispose bien, de manière absolue (quel que soit le lieu de réalisation) que l'insémination artificielle par sperme frais provenant d'un don et le mélange de spermes sont interdits. Le non-respect de cette disposition expose à la sanction pénale prévue à l'article 511-12 du code pénal soit deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Le cadre législatif en vigueur qui interdit toute forme d'insémination artisanale est clair. S'agissant du principe d'autonomie qui pourrait permettre à un homme de disposer librement de son sperme, y compris de l'utiliser pour une insémination artisanale et de son interdiction qui pourrait constituer une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'autres intérêts que ceux de l'homme qui donne son sperme sont en cause - en l'espèce ceux de la femme receveuse. Cette femme, qui n'a pas accès à l'assistance médicale à la procréation en France et ne peut assumer des soins coûteux à l'étranger, se met en danger en ayant recours à un donneur trouvé sur Internet dont ni les motivations, ni l'état de santé ne sont connus ni vérifiés. Il s'en déduit que le principe d'autonomie ne peut être invoqué au soutien de la pratique de l'insémination artisanale. En effet, le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, n'est pas un droit absolu et doit toujours être mis en balance avec les intérêts des autres parties concernées. Or, il apparaît clairement que ces inséminations, réalisées en dehors de tout cadre et de tout contrôle médical, aboutissent à une prise de risques sanitaires pour les femmes concernées. Enfin, le projet de loi bioéthique, actuellement en débat, ouvre l'accès de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes. La volonté du Gouvernement est bien d'encadrer les dérives telles que l'insémination artisanale et d'apporter la sécurité à ces familles en leur offrant des conditions médicales et juridiques satisfaisantes.

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