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François Ruffin
Question N° 17384 au Ministère des armées


Question soumise le 26 février 2019

M. François Ruffin interpelle M. le Premier ministre à propos de la vente d'armes aux membres de la coalition intervenant au Yemen. Cette question lui est suggérée par l'association Action sécurité éthique républicaines, suite à leur saisine, le 7 mai 2018, du tribunal administratif. Cette saisine demande à la justice d'apprécier la légalité des autorisations exportations d'armes, autorisations délivrées par ses services en direction des pays engagés dans la guerre au Yémen, dont l'Arabie saoudite, l'Égypte et les Émirats arabes unis. Il est connu désormais que les droits humains sont violés massivement, par toutes les parties en présence. Le 10 novembre 2018, Mme Bachelet, haut-commissaire aux droits humains de l'ONU, « redemandait à la coalition, aux forces houthi et à tous ceux qui fournissent des armes aux belligérants » de mettre des choses en œuvre pour que cesse la souffrance des civils yéménites. Dans le rapport au Parlement 2018, il est indiqué que c'est presque 14 milliards d'euros de licences d'armement qui ont été octroyées à l'Arabie Saoudite, et on vient d'apprendre que Naval Group a signé un partenariat avec le groupement public des industries militaires saoudiennes. Le 9 août 2018, la coalition a mené un raid aérien sur un car transportant des enfants : 40 morts. Le 23 août 2018, la coalition a bombardé un groupe de femmes et d'enfants fuyant les combats : 26 morts. Les experts de l'ONU affirment que le gouvernement du Yémen, les forces soutenues par la coalition ainsi que les forces houthi, utilisent des enfants pour participer activement aux hostilités etc... etc... Le Gouvernement français continue d'octroyer des autorisations d'exportations d'armes vers ces pays. Malgré les alertes continues ces trois dernières années de la part des Nations unies et de la part des ONG sur les crimes de guerre, voire sur les crimes contre l'humanité, commis par la coalition, malgré les violations des droits de l'Homme en son sein, en particulier le cas de Loujain Al-Hathloul, opposante torturée et menacée d'exécution pour une simple pétition, malgré l'inscription de ce pays sur la liste noire des pays dont les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont jugés insuffisants par la Commission européenne, il y a deux scandales dans cette affaire. Un scandale juridique d'abord, la France est partie au traité sur le commerce des armes des Nations unies, traité ratifié par l'État le 2 avril 2014. Elle viole donc son article 6 qui dit : « Aucun État Partie ne doit autoriser le transfert d'armes classiques [ ] s'il a connaissance, au moment où l'autorisation est demandée, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre [des] crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie ». Mais c'est aussi et surtout un scandale politique, la France vend des armes à des forces armées qui tuent massivement des civils. Alors que le président de la République s'affiche comme le héraut du multilatéralisme et du respect du droit international à la tribune des Nations unies, alors qu'il se réclame d'un « nouvel humanisme contemporain », alors qu'il organise un « Forum de Paris sur la paix » en novembre, dans son mémoire de défense à la saisine de l'ASER, la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, dit en substance : « circulez, il n'y a rien à voir ». Est-ce la conception qu'a le Gouvernement du multilatéralisme ? De la transparence de la vie publique ? Un rapport au parlement par an, et hop, on n'en parle plus ? À ce titre, la proposition de résolution du député Sébastien Nadot sur le sujet, signée par 56 députés de tous les groupes, n'a toujours pas été examinée. Il lui demande donc s'il va enfin cessez d'autoriser la vente d'arme aux États membres de la coalition.

Réponse émise le 17 décembre 2019

Les exportations d'armement de la France ont lieu dans le strict respect du droit et de nos engagements internationaux, conformément à un examen interministériel minutieux. Elles ont vocation à appuyer les intérêts stratégiques de la France. Ceux-ci sont nombreux dans la région : protection de nos 40 000 ressortissants dans le golfe arabo-persique, sécurité de nos approvisionnements, notamment à travers le détroit de Bab el Mandeb, stabilité régionale alors que l'Iran étend son influence déstabilisatrice ou encore lutte contre le terrorisme, et en particulier contre Al Qaïda dans la péninsule arabique, qui a commandité les attentats contre Charlie Hebdo. La France entretient donc des coopérations de long terme avec l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, dans de nombreux domaines, qu'ils soient économiques, culturels, éducatifs ou encore en matière de défense. Elle y dispose de plusieurs implantations, points d'appuis essentiels pour nos opérations de lutte contre le terrorisme. Le volet armement constitue l'une des dimensions de cette relation, dans la mesure où il répond avant tout aux besoins légitimes de ces États d'assurer leur propre sécurité. En remettant en cause la sécurité de l'État saoudien, l'action déstabilisatrice des milices houthis fait peser un risque pour la stabilité régionale. La France reconnaît à l'Arabie saoudite son droit à agir en vertu du principe de légitime défense. Mettre un terme, dans leur ensemble, aux exportations d'armement n'est donc pas une option raisonnable au vu des intérêts nationaux dont le gouvernement est comptable. Le gouvernement exerce pour autant la plus grande vigilance sur chaque demande de licence, au cas par cas. Chacune est soupesée en s'appuyant sur des expertises stratégiques, militaires et juridiques pour assurer le respect de nos engagements internationaux. Chaque examen fait appel à des analyses pointues du matériel, de la situation du pays, voire de l'unité à laquelle le matériel serait destiné, de l'industrie, de l'impact possible sur nos propres forces. Les discussions sont longues et menées avec la plus grande minutie. Il n'est pas rare que la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) sollicite des expertises ou un dialogue complémentaires avec l'industriel, qui peut conduire ce dernier à retirer sa demande. Enfin, la France reconnaît l'urgence de mettre un terme au conflit au Yémen, où la situation humanitaire a atteint un stade critique. Ayant pour unique objectif la fin de la guerre et des souffrances qu'elle entraîne, elle soutient pleinement les efforts et l'action diplomatique déployés par l'Envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, salue la mise en place d'une trêve et encourage l'établissement d'un cadre de négociation en vue d'un règlement global pour ce pays. Le gouvernement allemand a fait le choix de prolonger la suspension des exportations d'armement vers l'Arabie saoudite jusque mars 2020 ; mais un débat existe en Allemagne, notamment sur le rôle des filiales et des joint ventures, dont l'activité rend le tableau d'ensemble moins univoque. En tout état de cause, ces choix relèvent de prérogatives souveraines ; l'Allemagne n'a ni les mêmes intérêts dans la zone, ni le même profil militaire, ni les mêmes responsabilités internationales. Il est néanmoins souhaitable que nos approches respectives ne mettent pas en difficulté la construction de l'Europe des armements - notamment des grands équipements que nous construirons en commun (avion et char du futur). C'est pourquoi la France et l'Allemagne ont agréé une approche commune en matière d'exportation, comme prévu par le traité d'Aix-la-Chapelle.

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