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Marie-France Lorho
Question N° 17940 au Ministère de la justice


Question soumise le 19 mars 2019

Mme Marie-France Lorho attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation difficile du personnel pénitentiaire. Les récents évènements sont la dramatique manifestation d'une situation que l'on a laissé pourrir trop longtemps. Les surveillants d'établissements pénitentiaires ont honte car ils ne peuvent exercer leur métier dans des conditions dignes. Ils ont honte car ils ne peuvent pas faire vivre leurs familles dignement. Ils ont honte parce qu'ils sont méprisés par le Gouvernement qui préfère rapatrier des djihadistes d'Irak et de Syrie plutôt que de réellement sanctionner ceux qui sont ici. C'est tout l'environnement pénitentiaire qui en pâtit. On ne peut pas exercer efficacement son métier dans de mauvaises conditions. La qualité du système carcéral s'en ressent. La qualité de vie des détenus n'est pas ici remise en cause. Bien au contraire. Les prisons françaises offrent plus à leurs détenus que les EHPAD n'offrent aux aînés. Les surveillants pénitentiaires constituent un corps de métier supplémentaire que le Gouvernement s'est mis à dos en exerçant une politique allant dans le sens inverse du réel. Comment un détenu dont on sait qu'il est radicalisé et dangereux peut-il même avoir droit à des visites et n'est-il pas à l'isolement ? Comment se fait-il que les visiteurs ne soient pas systématiquement fouillés à l'entrée des prisons alors que cela relève du bon sens le plus élémentaire ? Comment se fait-il que l'administration pénitentiaire ne dispose pas de plus de moyens alors que la délinquance liée à l'immigration augmente et qu'il est encore annoncé le rapatriement de centaines de djihadistes et de leurs familles en assurant leur placement en détention dans des prisons déjà surchargées ? Comment se fait-il qu'un président élu sur la promesse de doubler le nombre de places de prison se permet aujourd'hui de ne pas tenir cette promesse ? Comment se fait-il qu'on ne puisse plus vivre dignement d'un métier fondamental pour l'ordre public et l'intérêt général ? Comment se fait-il que les entrées d'un stade de foot soient mieux contrôlées et les personnes mieux fouillées qu'à l'entrée d'une prison où les surveillants n'ont pas le droit de fouiller les personnes ? Depuis janvier 2019, pas moins de 101 attaques à l'encontre de surveillants pénitentiaires ont été dénombrées. Après le constat des défaillances, il faut prendre des mesures concrètes. Quand les prisons seront-elles dotées de portiques pourvus de scanners ? Quand le personnel sera-t-il équipé de pistolets à impulsion électrique dans les quartiers d'isolement, de prévention ou d'évaluation de la radicalisation ? Quand le renseignement pénitentiaire se verra-t-il octroyer les moyens nécessaires à l'exercice efficace de sa mission ? Quand le système carcéral se verra-t-il octroyer le budget nécessaire à son bon fonctionnement ? Enfin, elle souhaite savoir si le projet de loi de finances pour 2020 prévoit l'octroi d'un financement adapté aux besoins du système carcéral.

Réponse émise le 9 novembre 2021

L'amélioration des conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire, en particulier s'agissant de la sécurité dans les prisons, constitue une priorité absolue du garde des Sceaux. En 2020, le Gouvernement avait alloué un budget de 64 M€ à la sécurisation des établissements pénitentiaires. En 2021, le Gouvernement a porté ce budget à 70 M€ (+ 9 %). Et en 2022, c'est un plan pénitentiaire d'investissement exceptionnel qui est proposé pour 100 millions d'euros axé tout particulièrement sur la sécurisation des prisons (parkings, filins, lutte anti drones, brouillage). La sécurité des établissements pénitentiaires repose notamment sur la valorisation du métier de surveillant. L'administration pénitentiaire a mis en œuvre plusieurs revalorisations indemnitaires depuis 2018. L'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) des surveillants pénitentiaires a augmenté de 40 % au 1er janvier 2018 pour être portée à 1 400 €, l'indemnité dimanches et jours fériés a augmenté de 10 € au 1er mars 2018 et la prime de sujétions spéciales (PSS) augmentera de 2,5 points (soit 28,5 % à terme) pour l'ensemble des personnels de surveillance d'ici 2022. Par ailleurs, la loi de finances pour 2021 prévoit la création d'un coefficient de majoration de l'ICP, dont le taux sera plus favorable pour les plus bas échelons avec un gain net annuel de 253 €. En 2023, ce gain sera porté à 380 € net annuel pour les surveillants ne bénéficiant pas actuellement d'une ICP majorée. En outre, une prime de fidélisation a été créée au bénéfice des agents en fonction dans certains établissements moins attractifs. Les agents qui, à l'issue de leur réussite à un concours national à affectation locale, choisissent une affectation pour au moins six ans dans ces établissements peuvent bénéficier, en effet, d'une prime de 8 000 € versée en trois fois, dont 4 000 € dès la prise de fonction. Le premier concours local a été organisé en 2020 par les directions interrégionales de Lyon, Marseille et Rennes. Un nouveau concours est en cours, au bénéfice de Paris, pour 350 places. L'administration pénitentiaire a également amélioré les perspectives de carrière des surveillants. La réforme de la chaîne de commandement, entrée en vigueur le 12 octobre 2019, répond à cette logique en renforçant les niveaux d'encadrement intermédiaires en détention. Elle s'accompagne d'une réflexion approfondie sur l'évolution du métier de surveillant (socle commun de formation, expérimentation du surveillant-acteur, etc.). Le 19 avril 2021, le garde des Sceaux a, par ailleurs, signé avec les principales organisations professionnelles représentatives, une charte nationale qui valorise les missions des agents pénitentiaires, acteurs incontournables d'une détention sécurisée et préparant activement la réinsertion des détenus. Concernant les mesures de recrutement, plusieurs actions ont été engagées pour le concours de surveillant pénitentiaire : les délais de sélection ont été raccourcis et une diversification des voies de recrutement a été engagée. La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a également prévu un plan de comblement de vacances de 1 100 emplois de surveillants pénitentiaires sur la période 2018-2022 dans les établissements pénitentiaires. Conformément aux engagements du Président de la République, le programme immobilier pénitentiaire annoncé le 18 octobre 2018, permettra de créer 15 000 nouvelles places de prison pour incarcérer plus dignement les personnes écrouées et réguler la surpopulation dans les maisons d'arrêt. Cela permettra une meilleure prise en charge des détenus et favorisera l'amélioration des conditions de travail des personnels pénitentiaires. 7 000 places sont d'ores-et-déjà mises en chantier et 8 000 autres places seront réalisées d'ici 2027. Par ailleurs, la prise en charge des personnes radicalisées en détention est une préoccupation majeure du ministre de la Justice qui mobilise l'administration pénitentiaire contre le défi du terrorisme islamiste en prison. Une stratégie globale a été adoptée face au défi de la radicalisation violente : la détection des détenus radicalisés, leur évaluation, et leur orientation dans des quartiers adaptés afin d'individualiser leur prise en charge, qu'ils soient condamnés pour des faits de nature terroriste ou de droit commun. Au 1>er> août 2021, 459 détenus pour terrorisme islamiste (TIS) et 653 détenus de droit commun suivis pour radicalisation (DCSR), sont recensés dans les détentions. La direction de l'administration pénitentiaire généralise actuellement les modalités de prise en charge spécifiques des personnes détenues radicalisées, terroristes ou de droit commun, expérimentées depuis 2015. Ces actions sont développées à travers plusieurs dispositifs consacrés par le plan national de prévention de la radicalisation : grilles de détection de la radicalisation, programmes de prévention de la radicalisation violente, quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) et quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR). En pratique, chaque établissement pénitentiaire procède en premier lieu à l'évaluation des détenus radicalisés, dans le cadre de commissions pluridisciplinaires uniques, instances centrales dans le repérage, l'évaluation et la construction d'un plan d'accompagnement adapté. Les chefs d'établissement et les directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation peuvent toutefois solliciter, pour les situations les plus complexes qui nécessitent une évaluation plus fine et plus intensive, une évaluation en QER. L'objectif des QER est de mesurer le niveau de radicalité des détenus pour terrorisme islamiste et des détenus de droit commun suivis pour radicalisation, et d'apprécier leur dangerosité afin de déterminer les modalités de prise en charge adaptées au profil de la personne détenue. En complément des trois QER de région parisienne (maisons d'arrêt d'Osny et de Fleury-Mérogis et centre de détention de Fresnes), la direction de l'administration pénitentiaire a procédé à l'ouverture de quatre QER supplémentaires au sein du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil depuis 2018. L'administration pénitentiaire dispose ainsi de sept QER, correspondant à une capacité d'évaluation annuelle de 273 personnes. En outre, un QER pour les détenues femmes est en phase finale de programmation au centre pénitentiaire de Fresnes. Les détenus évalués comme prosélytes et susceptibles de violence, et par ailleurs accessibles à une prise en charge collective, sont affectés dans des QPR. La création de ces quartiers sécurisés de prise en charge s'inscrit dans une double optique de cantonnement des personnes détenues radicalisées violentes et de déploiement du désengagement. A l'instar des QER, une équipe pluridisciplinaire spécifiquement formée est affectée dans ces quartiers. L'administration pénitentiaire disposait au 31 décembre 2020 de quatre QPR au sein des établissements pénitentiaires de Paris-La Santé, Condé-sur-Sarthe, Lille-Annœullin et Aix-Luynes, correspondant à 151 places. 19 places supplémentaires ont été ouvertes depuis avec la création QPR de Nancy-Maxéville le 19 janvier 2021. Avec la livraison du QPR de Bourg-en-Bresse intervenue le 24 mai 2021, l'administration pénitentiaire dispose d'une capacité de 188 places. En outre, un QPR femmes est en phase finale de programmation au centre pénitentiaire de Rennes. Les individus radicalisés font l'objet d'un suivi spécifique par le renseignement pénitentiaire. Depuis le 15 juin 2019, ce service est structuré sous la forme d'un service à compétence nationale, le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP), placé sous l'autorité directe du directeur de l'administration pénitentiaire. Il est organisé en un réseau réparti selon trois échelons : un échelon central, dix cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire et des délégations locales du renseignement pénitentiaire en établissement. Au 1er février 2021, le SNRP compte 330 emplois, incluant deux officiers de liaison issus de services partenaires du ministère de l'intérieur. Des correspondants locaux du renseignement pénitentiaire, au nombre de 154 en établissements pénitentiaires et de 79 en services pénitentiaires d'insertion et de probation, contribuent également aux missions du SNRP. L'introduction d'objets illicites en détention constitue également une menace importante, susceptible de porter atteinte à la sécurité des agents et des personnes détenues, ainsi qu'au bon ordre des établissements pénitentiaires. Aussi, toutes les personnes accédant à un établissement pénitentiaire doivent se soumettre à des mesures de contrôle par des moyens de détection électronique. En cas de doute spécifique, elles peuvent également être soumises à des palpations de sécurité. L'article 12-1 de la loi du 24 novembre 2009 prévoit ainsi que les personnes autres que les personnes détenues, à l'égard desquelles existent une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire, peuvent faire l'objet d'une fouille par palpation, avec leur consentement. En cas de doute persistant, l'accès à l'établissement est refusé. Ce dispositif apparait comme assurant un juste équilibre entre sécurité et respect de la dignité des personnes venant visiter un proche incarcéré. Afin de compléter ces dispositifs de sécurité active contre l'introduction d'objets illicites, des portiques à ondes millimétriques ont été installés depuis 2011. Il en existe actuellement onze dans plusieurs maisons centrales et quartiers maisons centrales (Lannemezan, Saint-Maur, Moulins, Clairvaux, Condé-sur-Sarthe, Arles, Sud Francilien, Vendin-le-Vieil, Lille-Annœullin, Valence), ainsi qu'au centre pénitentiaire de Fresnes. La technologie proposée par ces portiques permet de visualiser à l'écran la présence d'objets métalliques, plastiques, liquides et en papier, y compris lorsqu'ils sont dissimulés entre les vêtements et la peau de la personne. La direction de l'administration pénitentiaire est actuellement à la recherche de dispositifs innovants, permettant de satisfaire de manière plus efficiente ses besoins en termes de sécurité, comme la lutte contre l'usage de couteaux en céramique. Une réflexion est menée autour de technologies portatives ou mobiles permettant une plus grande flexibilité dans les missions des personnels au quotidien. Enfin, un projet de décret modifiant celui du 23 août 2011 relatif à l'armement des personnels de l'administration pénitentiaire est en cours d'examen auprès du Conseil d'Etat, pour donner suite aux conclusions d'une réflexion générale menée au sein de l'administration pénitentiaire sur le renforcement de la sécurité des personnels au moyen de leur armement, notamment eu égard à la création des équipes de sécurité pénitentiaire. A ce titre, le projet de décret complète la liste des armes que l'administration pénitentiaire pourrait acquérir, en y ajoutant certaines catégories d'armes, notamment le pistolet à impulsion électrique qui, pourrait être utilisé, à titre expérimental, par les équipes de sécurité pénitentiaire afin de sécuriser les interventions les plus sensibles. Il prévoit également de nouvelles missions pour lesquelles les personnels pénitentiaires, spécifiquement formés et habilités, seraient autorisés à porter des armes. L'ensemble de ces évolutions ne seront toutefois effectives qu'à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat.

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