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Patricia Lemoine
Question N° 17941 au Ministère de la justice


Question soumise le 19 mars 2019

Mme Patricia Lemoine attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de travail de plus en plus difficiles des surveillants pénitentiaires. Ces dernières années, la situation des surveillants pénitentiaires s'est particulièrement dégradée, en témoigne l'important mouvement de contestation vécu en janvier 2018. En effet, suite à l'agression à l'arme blanche de trois surveillants pénitentiaires à la prison de Vendin-le-Vieil par un détenu radicalisé, près de deux tiers des établissements pénitentiaires avaient été touchés par une grève sans précédent. Madame la garde des sceaux avait alors annoncé différentes mesures destinées à améliorer les conditions de travail des surveillants pénitentiaires, et notamment leur sécurité via le renouvellement d'équipements de protection, la mise en place de contrôles renforcés et l'amélioration de la gestion des détenus radicalisés. De plus, diverses mesures étaient destinées à accélérer le recrutement d'effectifs supplémentaires et à revaloriser la situation financière des surveillants pénitentiaires. Cependant, malgré ces différentes mesures dont les effets n'ont pas nécessairement été immédiats, deux surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe ont été agressés par un détenu radicalisé qui était armé d'un couteau en céramique le mardi 5 mars 2019, près d'un an après l'agression de Vendin-le-Vieil. Si les précédentes mesures annoncées par Mme la garde des sceaux ont été favorablement accueillies, il apparaît qu'elles ne sont pas suffisantes, ou du moins que leur mise en œuvre est trop lente, pour assurer une protection totale du personnel pénitentiaire. En particulier, l'introduction réussie d'un couteau en céramique par un détenu condamné pour apologie du terrorisme islamiste et sa compagne à l'intérieur d'une prison apparaît véritablement choquante quand on sait la dangerosité de ces détenus. Des failles de sécurité, notamment au niveau des contrôles des détenus, sont dès lors incontestables. Ces évènements ont pour conséquence d'instaurer un sentiment de crainte chez les surveillants pénitentiaires. Nombreux sont ceux qui viennent travailler avec la peur au ventre, n'ayant rien d'autre qu'une radio pour faire face à des détenus armés de couteaux. À cela s'ajoute une cadence de travail qui accentue la fatigue et, de fait, la tension et la peur générée par le manque de sécurité. Ainsi, devant la nécessité de renforcer la sécurité de notre personnel pénitentiaire, elle lui demande de lui préciser quelles mesures elle envisage de prendre pour pallier ces défaillances graves.

Réponse émise le 26 novembre 2019

Le ministère de la Justice accorde d'importants moyens à la sécurisation des établissements pénitentiaires : 50,2 M€ ont ainsi été inscrits dans la LFI 2019, ce qui représente une hausse de 6,5 M€ (+ 15 %) par rapport à 2018. De plus, 58,1 M € sont inscrits au titre du PLF 2020, soit une hausse de 16 % par rapport à 2019. Ainsi, la direction de l'administration pénitentiaire participe aux travaux interministériels, sous le pilotage du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour trouver des solutions adaptées et évolutives technologiquement en réponse à la nouvelle menace des drones malveillants. Un marché public d'achat de solutions mobiles de lutte anti-drones a été conclu le 7 décembre 2018, pour un déploiement des premiers dispositifs en 2019, afin de protéger les établissements pénitentiaires les plus à risque. Concernant l'utilisation frauduleuse des téléphones portables en détention, la direction de l'administration pénitentiaire a engagé une démarche qui consiste à déployer, d'une part, un système performant de détection et de neutralisation par brouillage des téléphones portables illicites dans les établissements, et d'autre part, à élargir les conditions d'accès des détenus à la téléphonie fixe légale sans internet. Un marché de détection et de neutralisation des communications illicites a été notifié le 15 décembre 2017. A ce stade, des moyens budgétaires importants sont alloués pour le déploiement de cette technologie : 14,7 M€ pour 2018, 19,9 M€ pour 2019 et 24,8 M€ pour 2020. La loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié les termes de l'article 726-2 du code de procédure pénale pour faciliter l'affectation au sein de quartiers spécifiques des personnes détenues majeures dont le comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de l'établissement ou à la sécurité publique. Dans ce type de quartier, les personnes détenues bénéficient d'un programme adapté de prise en charge et sont soumises à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée. Sur le fondement de ces dispositions, deux projets de décrets en conseil d'Etat en cours de finalisation créent le régime juridique des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) et des unités pour détenus violents (UDV).  La loi du 23 mars 2019 a également modifié les articles 714 et 717 du code de procédure pénale relatifs à l'affectation des prévenus et des condamnés. A titre exceptionnel, il est désormais possible d'affecter des prévenus en établissements pour peines, au regard de leur personnalité ou de leur comportement, lorsque cette décision apparaît nécessaire à la prévention des évasions ou au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements pénitentiaires. Par ailleurs, dans les conditions prévues à l'article 726-2 précité du code de procédure pénale, des prévenus peuvent être affectés dans un établissement pour peines au sein d'un quartier spécifique de même que des condamnés peuvent être affectés en maison d'arrêt au sein d'un quartier spécifique.  Le renforcement du service national du renseignement pénitentiaire concourt également à la sécurité pénitentiaire et de ses personnels. La professionnalisation des agents du renseignement pénitentiaire et le renforcement des effectifs constituent un axe prioritaire : dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la Justice, il verra ses effectifs augmenter d'une centaine d'agents supplémentaires d'ici 2020. Les pôles « criminalité organisée » et « sécurité pénitentiaire », compétents pour suivre les détenus particulièrement signalés et/ou susceptibles de porter atteinte à la sécurité des établissements, seront renforcés à l'échelon central du renseignement pénitentiaire comme aux échelons interrégionaux. En outre, les moyens juridiques et techniques du renseignement pénitentiaire en matière de prévention des évasions et de sécurité pénitentiaire seront alignés sur ceux de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée avec la possibilité de recourir à l'ensemble des techniques de renseignement, comme l'enregistrement du son ou de la vidéo, dans certains lieux,  tels que les parloirs. Afin de limiter les projections d'objets ou de substances interdits au sein des établissements pénitentiaires, la loi du 23 mars 2019, permet désormais aux personnels de surveillance affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire de procéder, sur l'ensemble du domaine de l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats, au contrôle des personnes à l'égard desquelles il existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire. Dans l'hypothèse où la personne refuse de se soumettre au contrôle, ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, les personnels peuvent la retenir, en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire. Ils sont toutefois dans l'obligation de rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire compétent qui peut ordonner que la personne lui soit présentée sur le champ ou qu'elle soit retenue jusqu'à son arrivée.  L'article 57 de la loi pénitentiaire a également été modifié par la loi du 23 mars 2019 afin de renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires et étendre le champ des fouilles intégrales des détenus. Les fouilles par palpation sont désormais exclues du champ de cet article, ce qui permet aux personnels pénitentiaires de mettre en œuvre cette mesure de contrôle de manière systématique, sans formalisme particulier, au même titre que l'utilisation des moyens de détection électronique. Par ailleurs, les détenus accédant à l'établissement sans être restés sous surveillance constante de l'administration pénitentiaire ou des forces de l'ordre peuvent désormais être systématiquement fouillés. La loi consacre également le régime dérogatoire des fouilles intégrales systématiques justifiées par la présomption d'une infraction ou les risques que le comportement de la personne détenue fait courir à la sécurité ou au maintien du bon ordre. La note de la direction de l'administration pénitentiaire du 12 septembre 2018 rappelle en outre que les fouilles ordinaires de cellule constituent un geste professionnel essentiel participant à la sécurité des établissements, à la réduction des risques de passage à l'acte violent ou d'évasion et à la limitation des trafics en détention.  Enfin, entrée en vigueur depuis le 15 juin 2019, la réorganisation des services centraux de la direction de l'administration pénitentiaire, a permis d'apporter une réponse institutionnelle globale au nécessaire renforcement de la sécurité des établissements. La nouvelle organisation, distinguant le service des métiers et le service de l'administration, consacre une nouvelle approche de la sécurité pénitentiaire par l'évaluation des risques, plus efficiente, une clarification et une fluidification des processus de décision et de pilotage des services et un renouveau des relations entre l'administration centrale et les services déconcentrés. Au sein du service des métiers, la nouvelle sous-direction de la sécurité pénitentiaire concentre désormais l'ensemble des moyens de décision relatif à la sécurité pénitentiaire. Cette sous-direction porte une nouvelle approche de la sécurité par les risques afin de spécialiser les politiques de sécurité, de favoriser la classification des établissements et de permettre la diversification des régimes de détention en fonction des profils des détenus.

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